La proximité des gisements d’extraction² devait jouer un rôle prépondérant car le travail préparatoire en était raccourci. Le transport des briques, tuiles et carreaux par charretées, par tombereaux plusieurs siècles durant, en était d’autant plus facile.
Il est fort probable que le développement et la spécialisation en productions argileuses du quartier du « Bout du Pont » soient contemporains de l’époque de la construction de la cathédrale et de « La Berbie ».³ À proximité de la rivière, des lieux comme « Fontvialane », le chemin de Carlunet ou « L’Escapadou », montrent qu’il existait des tuileries parfois dès le XIVᵉ siècle et sans doute avant. À elle seule, l’activité mobilisait une partie de l’année les paysans des alentours. Apparemment, les tuiliers étaient « fermiers » des fours. Ils les louaient à de puissants propriétaires. Ils pouvaient d’ailleurs les partager à plusieurs.
Le travail des teuliers
La saison chaude était celle de la préparation et de la cuisson. Briques, tuiles, carreaux de sol, montrent un même procédé de fabrication.
Selon la qualité de l’argile les préparations étaient plus ou moins longues et toujours sophistiquées.
Une fois dans un moule en bois, la pâte était tassée à la main⁵.
Arrivait, alors, le temps du séchage. Plutôt à l’ombre, afin d’éviter les fissures. Enfin, les briques étaient cuites au four.
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Face supérieure. Coté lisse ou raclé de la brique, tassé et aplani à la main. Il n’est pas rare d’y voir des traces de doigts. |
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Face inférieure. Côté rugueux ou graine. Fond du moule avec parfois des brins de végétaux. |
De tout ce passé laborieux, il ne reste plus grand chose en terme matériel. Et les archéologues éprouvent le plus grand mal à localiser les lieux précis d’extraction et de préparation pourtant nombreux à une époque. La terre devait être extraite en plein air à la pioche par tranchées, sur les côteaux ou encore dans des zones marécageuses comme à Pratgraussals.
Un four à briques vertical et intermittent à l’époque moderne dans la région⁶
Les fours traditionnels dans le Toulousain étaient souvent bâtis en terre crue. Il n’y avait pas forcément de haute cheminée mais un toit à deux pans surélevés qui laissait passer la fumée.
Le dispositif de plan carré se résumait à une chambre de chauffe ouverte par deux foyers dans lesquels les teuliers allaient glisser du combustible. Ces fours étaient proches des sources d’approvisionnement en bois et en terre. Éloignés – autant qu’il était possible de la ville – à cause des risques d’incendie, ils tenaient compte aussi de l’orientation des vents. La logique d’implantation répondait à des paramètres complexes, évoluant dans le temps.
Les foyers étaient parallèles et voûtés d’arcades plein-cintres.
Au-dessus de la chambre de chauffe, dans le laboratoire dont on murait la porte après l’enfournement, les briques étaient rangées les unes contre les autres en grande quantité ⁽⁵⁾ sur une tranche comme des livres sur une étagère. Entre elles, l’air pouvait circuler grâce à des consoles verticales qui formaient des sortes de couloirs. Couronnaient le tout, des débris de briques qui permettaient de visionner et contrôler la qualité de la cuisson à l’aide d’une canne.
On comptait deux journées d’enfumage très progressif pour éviter les fendillements des briques, typiques de la montée en température trop rapide. C’était « le petit feu » qui montait jusqu’à 500° C.
Puis, deux jours de « grand feu » à plus de 500° C et jusqu’à 1000° C.
Une semaine de baisse de température très progressive. Il fallait à peu près trois jours pour défourner les pièce cuites.
Sur un mur, le maître teulier contrôlait la montée en température à l’aide de la canne et donnait des consignes.
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Gros plan du layage. Aspect strié par l’utilisation d’une laye, une sorte de marteau à tranchants après la pose. |
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Des marques de layage sur le parement. |
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Chaîne d’angle particulièrement abimée. La finition du joint n’est plus visible ; apparaissent alors des graviers du mortier. |
Fabriquer une brique cuite normalisée
Construire à moindre coût
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Base du clocher au nord de la deuxième partie du XIVᵉ siècle. Ces trous de boulin sont encore béants. Fruit d’une volonté esthétique peut être. |
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Mur de la sacristie, rue de la Temporalité. Une reprise. Le décalage des assises est particulièrement visible. Il s’inscrit avec un triangle. |
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Un bouchage récent. Reconnaissons-le, pas très heureux. |
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Trous de poutrage anciens aujourd’hui rebouchés. |
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Rue de la Maîtrise. Avec la lumière, des campagnes de réfection et des bâtiments « fantômes » ou «parasites» collés au mur. |
Notes
(2) – Voir le point fait par Christian Servelle, La mémoire perdue des carrières d’argile, dans « Le Tarn en céramiques ». Il évoque la difficulté à localiser des carrières d’extraction souvent éphémères. Les paysans rebouchent les trous après avoir épuisé les filons.
(3)Voir le point fait par Martine et Michel Houdet, L’artisanat et l’industrie céramique à Albi, dans « Le Tarn en céramiques ».
(4) – Des « pourrissoirs ».
(5) – Préalablement, le moule en bois est sablé et cendré.
(6) – Vertical parce que les flammes ne font que monter durant la chauffe, intermittent car le four s’arrête de fonctionner après la cuisson. Voir le point fait par Jérôme Bonhôte , Contribution à la connaissance des fours briquetiers et tuiliers dans le Tarn aux XIXe et XXe siècles, dans « Le Tarn en céramiques ».
(7) – Jusqu’à 20 000 …
(8) – Il y a d’autres briques que foraines. Brique commune, « de marteau », « biscuite ». Il y a aussi « la rougette ». Les termes correspondent toujours à la nature et la durée de la cuisson car celle-ci n’est pas homogène pour la fournée jusqu’à l’invention des machines au début du XIXᵉ siècle. Un spécialiste reconnait d’ailleurs une brique à la couleur et au son qu’elle produit quand on la frappe.
Incontournable pour se faire une idée précise à l’échelle du Tarn sur ce sujet complexe mais passionnant: