A la découverte de la vallée de BONNAN entre Roussayrolles et Milhars

Textes : Jean-Paul Marion – Photos : Jean-Paul Marion et Rosy Mascaras

Etang de la Mère de Dieu à ROUSSAYROLLES

En amont de la Mère de Dieu à l’Est de Roussayrolles, des ruisseaux convergent provenant de sources de la Sédarié pour former le BONNAN. En aval de la Mère de  Dieu, l’eau du BONNAN est alimentée par la source du Touron où un lavoir avait été construit pour les habitants du village.

Le BONNAN entre rapidement sur la commune de MILHARS et arrose de larges champs avant de s’engager dans un profond défilé rocheux et déboucher dans le fond de vallée pour traverser des prés sur une distance de 3 km avant de se jeter dans le CEROU juste en aval du moulin de La Garenne. Ce ruisseau s’est enrichi au cours de son trajet de l’eau de nombreuses sources (au moins une dizaine) et cascade situées plus particulièrement sur sa rive gauche. 

Contrastant avec ce fond verdoyant de la vallée de BONNAN, les pentes et les sommets des deux versants à 300 m d’altitude en moyenne, s’apparentent au maquis méditerranéen, sur un sol décapé, très caillouteux, portant des genévriers, des buis ou alaternes, avec de nombreux taillis de chênes pubescents.

Partout l’eau fut base de vie et le nombre de sources qui jaillissent au pied du versant ouest est surprenant. De nombreuses cressonnières avaient pris place dans son lit.

Cressonnière

En contre bas des Clauzels on entre sur la commune de Milhars et où l’eau du BONNAN fut captée par un capucin en 1636 pour la conduire par gravitation à travers une canalisation vers un endroit appelé “ le parc ” devant le château de Milhars et alimentant un plan d’eau à la côte 160 m entouré de grands arbres. Une retenue d’eau du Bonnan avait été réalisée à la côte 260 m. La  conduite constituée de rigole et de buses en terre cuite passait le long du travers pour déboucher à Bournazel (actuel château d’eau). La conduite fut abandonnée à la Révolution pour permettre aux nouveaux propriétaires qui s’étaient partagé les terres du « parc» de les exploiter à leur compte en y plantant de la vigne.

Nous remarquerons à plusieurs endroits le bâti de consolidation soit des rives du ruisseau, soit des prés, soit du chemin. Le bâti existant dans cette vallée est le témoignage d’une vie et d’un chemin de passage vers le Rouergue, le Quercy, l’Albigeois et le Gaillacois.  Jusqu’en 1882, le chemin pour se rendre à ALBI depuis Milhars, passait par ROUSSAYROLLES, RIVET, TONNAC, FRAUSSEILLES, NOAILLES, Côte de Mascrabières. (Route départementale N°1 d’ALBI à CAHORS selon décret du 7 janvier 1813). Un gué sur l’Aveyron entre les confluents du Cérou et de la Seye a du exister ; sont attestés les gués de Lexos et celui de Montrozier au niveau du pont routier.

Juste avant la fin de la boucle pédestre du fond de la vallée, nous découvrons « la cascade » aux multiples calcifications et dont le siphon qui l’alimente lui permet de se déverser à la côte 240 que par forte pluie surtout au printemps. Elle forme une cascade de tuf déversant sur 40 m de hauteur. Un petit puits de 6 m de profondeur, creusé dans les grèzes fait jaillir en source vauclusienne un ruisseau souterrain très étroit.

BONNAN est une vallée historique, puisqu’elle a hébergé des populations depuis des temps immémoriaux, ce qui explique la quantité de vestiges  encore existants tels que les dolmens qui dominent les coteaux, les traces romaines, les tombes mérovingiennes,

                 Un peu plus haut en limite de commune avec Roussayrolles et sur le flanc Est, se trouve un ancien cimetière, bien tracé dans le sol avec les emplacements (au moins 4) et les restes de petits sarcophages dont l’origine est peut-être le témoignage de la présence des bénédictins de Saint Antonin dans la vallée de BONNAN vers le 8ème siècle. Un sarcophage provenant de ce cimetière existe encore chez le propriétaire de la parcelle (voir photo).

En face de ces sépultures, sur le versant opposé, se dressent les ruines d’une bâtisse dite « le monastère » qui dominent tout le vallon. (Y a-t-il eu réellement un monastère ou bien une grange dépendante du monastère des Bénédictins ou Augustins de Saint Antonin ? Ces derniers possédaient bien des prés dans la vallée de Bonnan).

« Le monastère » de BONNAN au lieu-dit  « la forêt » de GREZELLES, culmine à 351 m d’altitude et nous laisse voir aujourd’hui ses pans de murailles, des escaliers, de solides baies, une magnifique arcade vers l’Est, le four à pain et un point de vue exceptionnel laissant rêveur le promeneur.

La création de monastères et couvents s’est développée à partir du Xème siècle dans le cadre des défrichements et de l’ouverture des forêts. Les moines Bénédictins installés à Saint-Antonin à partir de 763 (fondé par Pépin le Bref), exploitaient des terres dans la vallée de Bonnan (élevage de moutons). Il est probable que les constructions existantes soient les restes de ce qui constituait des « granges » pour ces moines défricheurs. En 1208 les moines et/ou les vicomtes de Saint Antonin ont des droits sur des terres de la vallée de BONNAN et alentours (les BORDES, Les CLUZELS, ROUSSAYROLLES, PEYRALADE…) 

« Le monastère » possédait une pisciculture puisque les restes d’un mur longeant la rive et d’un bâti formant barrage ont été identifiés et datés du 14ème siècle (moines Augustins). En contrebas de la ferme des Clauzels, ce sont 3 barrages qui avaient été réalisés sans trace de bâti de moulin. L’un de ces barrages a pu servir de prise d’eau à la conduite chargée d’alimenter le lac dans le parc du château de Milhars ( au niveau de Combesourbié) au 17ème. Cette conduite constituée de buses en terre cuite passait le long du travers pour déboucher à Bournazel (actuel château d’eau) puis le parc.

Les 2 autres barrages probablement du XI ou XIIème siècle permettaient le contrôle de l’irrigation vers les champs et prés ainsi que de l’alimentation d’une pisciculture.

Proche du cimetière une verrerie a fonctionné avec Jean COLLOMB (1409) puis de son fils en 1473 relayé  par Antoine et Arnal GARNIER et Jacques GUIRAL en 1475. Ils exploitaient la sable du grès de ce secteur et le bois de la forêt

En contre bas du cimetière, sur le parcours du BONNAN qui s’engage dans un défilé nous trouvons les restes d’une cuve en grès, travail inachevé de celui qui l’avait entrepris. 

Cuve en grès

Sur le chemin qui conduit à ROUSSAYROLLES, dans un virage, gisent les restes de la chapelle ou du prieuré de « La Madeleine » signalé en 1288 comme une fondation par les religieux de CHANCELADE en Périgord (qui possédaient aussi le prieuré de Saint Eutrope à Alzonne et Saint Vincent de Varen) et en 1642 sur une carte du diocèse d’ALBI. Elle est orientée Est/ouest et on y retrouve des éléments qui ont pu constituer des arches et des renforts de mur. Architecture probable de la fin du XIIIème siècle. Le chevet était bâti en proue de bateau à 2 faces et une arche délimitait le chœur intérieur. (Type chevet triangulaire que l’on retrouve dans le Sud de la France à la même époque).

Dans le testament du 12 février 1295 du Seigneur de la baronnie de Milhars/Feneyrols fondée en 1281, Géraud de Cazaubon désigne son fils Géraud II comme héritier universel et exécuteur testamentaire. Dans ce testament  il est stipulé que Géraud souhaite être inhumé dans la vallée de Bonnan et demande à son fils de négocier sa sépulture avec les religieux de Saint Antonin ou de la Chancelade (peut être à la Madeleine ?).

La chapelle fut démolie peu après la Révolution et est demeurée à l’état de ruine. Cependant il a été rapporté que des offices religieux étaient pratiqués dans cette chapelle avant 1914 et qu’au XIXème siècle un pèlerinage se tenait le 22 juillet. (il semble que des constructions d’habitation existaient autour de cette chapelle dont une mouline à eau sur le ruisseau qui descend de Grand Camp à Grézelles et se jette dans le Bonnan en limite des communes de Milhars et Roussayrolles ; on y retrouve une demi meule en grès.) 

Demi meule en grès

Vers 1920, les pierres en grès de cette chapelle ont été empruntées et descendues pour construire une grange que l’on peut voir en contrebas quand on remonte le Bonnan par le défilé depuis l’embranchement après la cascade.

Vers 1650, François II de CAZILLAC-CESSAC, Marquis de Milhars, fit refaire entièrement les bâtiments de la bâtisse dite du « monastère » au lieu-dit « la forêt » la transformant en ferme pour y installer une famille d’agriculteur/éleveur. L’ensemble des terres monastiques du XIème siècle reviennent à cette époque au Seigneur de MILHARS sous le titre La Forêt.

La vallée est classée aujourd’hui en Z.N.I.E.F.F. (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique). Cette zone à la limite des causses et des gorges de l’Aveyron est le terrain de chasse privilégié des circaètes Jean-le Blanc, un grand rapace diurne à l’envergure respectable de 160 à 180 cm qui profite des richesses de la forêt de Grézelles.

En application de l’article L.142-1 du Code de l’urbanisme, le site de la vallée de Bonnan est classé en Espace Naturel Sensible (ENS) par le Département du Tarn, depuis le 18 décembre 2003. Ce site fait partie du réseau départemental ENS du Tarn au titre de la loi du 18 juillet 1985. 

Jean-Paul MARION – Octobre 2023


Images complémentaires prises par Rosy Mascaras :

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Un commentaire

  1. Avec ce riche reportage chacun peut comprendre comment « l’ ingéniosité et la culture  » ont progressivement permis une installation permanente de l’ homme dans ces contrées hostiles : la nature ainsi maîtrisée/livrée par les auteurs fait aujourd’hui  » livre » pour nous !