par Capa | Juil 10, 2016 | 8. Réalmontais
Un abri pour la dalle à cupules de La Gaugne (Saint-Antonin-de-Lacalm)
 |
La dalle à cupules de La Gaugne en microgranite 2,60 m pour 1,35 m sous une chênaie au bord d’un chemin témoigne de la présence des hommes préhistorique du Néolithique. |
Deux jours durant les jeunes des communes de Saint-Antonin-de-Lacalm et du Travet se sont mobilisés pour donner à la dalle à cupules de La Gaugne une protection en bois contre les intempéries. L’opération préparée de longue date se déroula sous un temps radieux et dans une atmosphère sérieuse mais détendue.
L’initiative du projet revient à notre ami, Michel Payrastre récemment décédé et auteur d’un article détaillé sur ce monument qui gagnerait à être mieux connu (1).
Etudié il y a 5 ans, le mégalithe est probablement à l’origine un menhir (2) non loin de son lieu d’implantation. Il est constellé d’une quarantaine de cupules (trous creusés dans la roche par les hommes). Il témoigne comme à Alban ou à Miolles de la présence des hommes sur le plateau à la fin du Néolithique.
Après l’élaboration d’un plan, le toit de l’appenti fut monté dans le village du Travet, puis transporté – non sans difficulté – sur le lieu même de la dalle à cupules.
 |
Mesure d’angle et calcul |
 |
Vissage |
 |
Illustration de ce que peut être un travail d’équipe. |
 |
En renfort, un tracteur |
 |
Direction le site. Fin du premier jour. |
 |
Installation de la structure |
 |
Peinture de protection |
 |
… sur les deux faces. |
 |
Retour au bercail |
Se mêlèrent au groupe pour le conseiller, l’orienter dans la réalisation des élus des deux communes mais aussi des parents et des amis. Le CAPA accompagna les jeunes dans l’action et participa activement .
Le résultat est séduisant. Léger, discret, il met en valeur, juste ce qu’il faut, le monument sans conséquence sur le paysage. Nous attendons à présent l’action de la DRAC afin de fournir un panneau scientifique. L’appenti suscitera-t-il l’intérêt des promeneurs ? Pour ceux qui ne connaissent pas les cupules, nous les renvoyons au blog. La littérature ne manque plus sur le sujet.
Pour vous rendre à la dalle à cupules de la Gaugne :
 |
La dalle est installée sur le plateau à l’extrémité d’une serre à l’ouest du Travet |
Equipe du CAPA : Franck, Yann, Jean-Pierre, Jean-Simon, Pascale, Sakina et Christophe
Notes
1 – Michel Payrastre, Henri Prat, Christian Servelle, « La dalle à cupules de La Gaugne », Archéologie tarnaise n° 15, 2013
2 – À présent couché.
par Capa | Juin 27, 2016 | 8. Réalmontais, 9. Tarn et Dadou
Hommage du CAPA à Michel
 |
Michel à l’oeuvre dans une école. |
Né à Albi en 1940, Michel Payrastre était issu d’un milieu extrêmement modeste du TRAVET, commune et village de son père et de ses ancêtres, village où il travailla toute sa vie et auquel il était profondément attaché. Au point d’en connaître tous les recoins et tous les habitants.
Cette curiosité sans limite, il ne la devait pas à l’école publique qu’il quitta après son certificat d’étude mais plutôt à une observation tolérante, sans limite, pour le monde qu’il savait regarder.
L’Algérie comme tremplin
1960. À vingt ans, deux années durant, il change de continent ou plutôt il change de vie. Appelé pour son service militaire, il est envoyé en Algérie. Comme sergent, il a la responsabilité d’une petite unité. Dans les montagnes, les Aurès, il surveille un col stratégique en prise au froid. La peur ne l’empêche pas d’être fasciné par la beauté des paysages du djebel.
Il observe. Il accumule les photos. Auprès des populations locales qu’il côtoie, à sa façon, il tente de mettre un peu de dignité là où elle a disparue.
De cette période de sa vie, il gardait un profond respect pour ceux qui vivaient avec rien, pour ceux qui, comme lui, élevaient des moutons non pas dans la relative aisance des prairies tarnaises, mais dans un paysage magnifique mais ingrat, avec peu d’eau, de maigres pâturages rabougris, sans l’aide du vétérinaire, des progrès de la médecine, sans médicaments, sans moyens et sans revenus.
– « Je croyais connaître la pauvreté, me disait-il, je n’avais encore rien vu », évoquant la misère des fellahs.
Mais, par-dessus tout, il est aux prises avec la guerre. Cette guerre qui ne veut pas dire son nom, qu’il mène contre son gré.
Sur cet épisode, bien plus tard, il s’exprimerait sans détour devant le jeune public que j’avais convoqué. D’une voix parfois tremblante, il relatait le départ précipité de l’Armée française et ses terribles conséquences. Il montrait le drapeau algérien qu’il avait récupéré dans une cache du FLN. De même, pour ces cartes d’état-major qu’il avait conservées avec soin. Pour les jeunes générations, il était celui qui prévenait contre toutes les formes de violence. Violence contre laquelle il avait été vacciné. L’expérience militaire infusa chez lui des idées pacifistes fortes qui le guidèrent toute sa vie. Cette guerre aurait pu l’abimer, comme beaucoup d’autres ; au contraire, elle lui donna une leçon.
Autant l’avouer, au cours de nos balades archéologiques, à son contact, j’appris beaucoup. Désormais, je vois la guerre d’Algérie d’une autre façon, nettement plus en nuances.
De la suite dans les idées
De retour, après une période de flottement qu’il confiait bien volontiers, il s’attache à ce qui lui tient le plus à cœur : fonder une famille et défendre la cause paysanne. Il s’ancre et s’attache au pays qui l’a vu naître et grandir. Huit hectares et le choix de l’élevage des brebis, de quoi vivre. Il rencontre Paule, qu’il épouse en 1972. De leur union, naitront deux enfants, qui lui donneront la joie d’être grand-père.
Son métier, il ne le conçoit qu’en relation avec les autres.
Au sein du CDJA (Centre départemental des Jeunes Agriculteurs) dont il devient le secrétaire, il milite pour développer une agriculture « au pays ». Au moment où les agriculteurs-éleveurs se replient sur des pratiques solitaires et productivistes, dictées par un contexte difficile (disparité des revenus, exode rural, accroissement des coûts de production, endettement, PAC), il encourage la réflexion communautaire.
Il ne reniait pas le progrès technique, bien au contraire. Pour lui, le temps de la misère était bel et bien révolu. Pour autant, pas question de faire table rase du passé. Pas question d’oublier les pratiques et les solidarités du monde paysan.
Il donne sans compter son temps et son énergie pour défendre ses idées. Entre autres, les Groupes de Vulgarisation Agricole(GVA) sont un moyen pour lui d’agir au cœur de sa région.
Maintenant, en 2016, apprécions la pertinence de ses choix et l’actualité de son combat.
Un itinéraire militant
Il mène de front plusieurs batailles, des batailles dont il sortira le plus souvent vainqueur faute de combattants. Il embrasse la cause du Larzac où il est présent contre le projet d’extension du camp militaire. C’est toute une époque.
Il s’implique lors de la formation de la coopérative Ovi-testen 1972, en créant le Syndicat des éleveurs de brebisafin de défendre la cause des petits exploitants. Le bras de fer engagé avec les puissants de l’agroalimentaire se termine à son avantage.
On le retrouve en 1978 militant contre les dangers de la fluorine et l’extension de l’exploitation des filons sur les terres du TRAVET. Infatigable, il veille au respect des lois.
Les échecs, bien sûr, il en connut, il sait ce qu’ils sont. Chez lui, ils ne suscitaient nulle amertume mais plutôt des raisons supplémentaires pour se remettre en question et intensifier les efforts.
Cependant, faire de Michel un idéologue partisan serait inexact. D’abord, il détestait donner des consignes et encore moins des ordres. Ensuite, son désintérêt pour les calculs politiques était total. Il passait au large des distinctions et des mérites officiels.
Et puis, dés que la lutte prenait une tournure violente, il s’en désintéressait. Il se méfiait des manipulations en tous genres et des donneurs de leçons qui travaillent surtout leur bonne envergure médiatique. Il craignait aussi l’esprit de chapelle et les conflits qu’il engendrait immanquablement au sein du monde paysan.
Avec lui, j’étais loin d’être toujours d’accord ; mon automobile, une Dacia, résonne encore de nos prises de bec sur l’Occitan, qu’il appelait « patois », mais son honnêteté et la ferveur de ses opinions forçaient le respect. Pour lui, toujours l’engagement devait se concrétiser par des actes.
Le cœur sur la main
Quand en 1991, il apprend la situation tragique des immigrés kurdes sur Albi. Et notamment des enfants, il n’hésite pas, à aucun moment, à soutenir leur installation. Cela dura 10 ans. Il tente avec réussite de leur donner les meilleures conditions matérielles possibles faisant honneur aux traditions d’accueil.
Bien sûr, il s’informe sur leur histoire, leur condition de vie. Comment peut-il en être autrement ?
En 2013, il était fier de la reconnaissance de ceux qui étaient devenus ses amis lors d’un voyage à Erbil. Le Kurdistan, aux antipodes de ce qu’on entend sur les ondes matin et soir, était un pays où l’espoir était palpable et ce en dépit de la guerre. Pour lui, c’était un pays jeune et riche de tous les possibles. Cela ne lui avait pas échappé.
La mémoire en partage
Après une première alerte cardiaque en 1998, il quitte définitivement ce métier d’éleveur qui lui a toujours tenu à cœur et s’implique pour une meilleure connaissance du patrimoine rural.
Le patrimoine délaissé, discret, oublié, le moins noble a sa faveur : outils agricoles au point de constituer une collection (actuellement au château d’Arifat), croix, moulines, fours, souterrains en milieu rural, petits châteaux souvent disparus nommés « castelas ».
Avec Jean-Simon et l’équipe de l’ASCA, il parcourt inlassablement le Réalmontais à la recherche de traces très anciennes de présence humaine, comme les cupules, gravures préhistoriques sur les rochers.
On lui doit d’ailleurs la découverte de la pierre de “La Gaugne” à Saint-Antonin-de-Lacalm qui fit l’objet d’une étude à laquelle il participa.
Il s’implique assidument aux inventaires et réalise quelques fouilles.
Non des moindres, parmi ses passions, fut le château de La Roque dont il contribua à la mise en valeur par une exposition, deux années durant, lors des Journées européennes du Patrimoine.
Il s’attacha aussi à faciliter son accès par l’initiative d’un chantier jeune.
Chantier jeune, car il ne concevait le patrimoine que comme une transmission entre les générations, jamais comme un potentiel touristique ou un bien personnel à exploiter.
Michel n’a pas le goût, ni l’intérêt pour la recherche des trésors cachés et l’appât du gain. Il n’aime rien tant que d’expliquer et montrer. Ses prises de parole au CAPA dont il fut un temps trésorier, étaient toujours attendues et pertinentes. Même avec la maladie qui l’accablait, il n’avait pas son pareil pour remobiliser les troupes ou rappeler un projet en cours.
C’était un homme d’action et d’organisation. Nous nous souvenons tous du jour où il nous a surpris par ses décisions pour organiser le chantier de mise en valeur autour de l’église Saint-Sernin. Alors que nous hésitions. Michel arrive, entouré des jeunes de Lombers. Le voilà qui intervient dans le débat, tout en souplesse avec tact et élégance :
– « Vous, les jeunes, vous faites cela, ça va remplacer la salle de sport ; vous, les anciens, vous vous attelez à ceci, ça va vous dégourdir les jambes ; ceux qui restent, vous prenez pelles et râteaux et dégagez l’emplacement. Moi, je m’occupe de remonter et restaurer les sarcophages avec trois ou quatre “gros bras” qui sont là pour m’aider ».
Aussitôt dit, aussitôt fait. Michel qui n’avait jamais abordé ce genre de travail a remonté méticuleusement tous ces sarcophages, mis en valeur ensuite sur le côté extérieur nord de l’église que vous pouvez encore admirer.
Le site internet du TRAVET, dont il était le moteur zélé, montre toute la palette des ses curiosité et l’étendue de son savoir.
Avec lui, c’est toute une archéologie bénévole qui vivait et qu’il convient de faire vivre. Il l’incarne à merveille. Une archéologie en lien avec le territoire. Elle est conçue comme une science et une passion, moins comme un métier.
Elle se nourrit des questions des habitants, jeunes comme vieux, qui demeurent sur le lieu. Michel mettait un point d’honneur à tenir compte des avis des humbles, des oubliés de l’histoire quand il s’agissait d’aller les enregistrer pour témoigner d’un accent, d’une anecdote.
Devaient entrer dans l’histoire, non pas seulement les cathédrales mais aussi la façon de faire les nœuds, la retaille d’une meule usagée, le remontage d’un mur à sec (sans ciment) ou les soins pour la patte cassée d’un mouton, comme si rien ne devait être oublié.
À présent, Michel repose dans le cimetière du TRAVET, auprès des siens. Face à Mont-Roc, au-dessus des gorges du Dadou. Et je le revois encore me les montrer en les pointant de son bâton.
 |
Michel dans la jungle de La Roque |
Au nom des membres du CAPA,
Christophe MENDYGRAL
Président du CAPA
par Capa | Jan 8, 2016 | 8. Réalmontais, 9. Tarn et Dadou
Sur la route de Léjos (Lamillarié)
Une enquête de Yann Roques
 |
Portion d’une voie ancienne tombée en désuétude dans le hameau de Léjos. Constatez la chaussée en creux délimitées par des talus. L’emprise importante de la route est justifiée par un trafic ancien. |
Les voies anciennes de l’Albigeois qui prennent souvent le nom de voies « romaines » (1) sont assez bien connues par les textes (2). Peu d’entre elles ont fait l’objet d’études vraiment approfondies cependant.
Il fut un temps, l’une d’elle, la « camin roumieu » allait vers Béziers par Lautrec et Castres. Elle suivait un temps la vallée du Thoré et générait tout un réseau de voies de desserte.
Morphologie
On le sait, des vestiges de cette voie existèrent jusqu’à la toute fin du XIXe siècle puisque Émile Jolibois en livre une description et une coupe à proximité d’Albi, près du ravin de “Sept Fonds”, à coté de la cité. Il relate alors une chaussée légèrement bombée, large de 5,50 m, composée d’une assise en béton, d’un lit de galets posés à plat et d’un revêtement fait de blocs de grès quadrangulaires de 0,20 à m à 0, 30 m de côté. Elle était couramment appelé “l’estrade ».
Rien ne vaut la visite sur le terrain
Surprise, cette voie très ancienne, prés de Lamillarié, est encore bien visible en rase campagne. Précisément au hameau de Léjos où je me suis rendu. Après l’église Saint-André (3), j’ai décidé de passer par le chemin qui relie Cantegraille au Cayrié, plein Est. Au bord de ce chemin une croix, je me suis alors dit c’est par ici. J’ai longé un champ jusqu’à retrouver la fameuse voie.
 |
La voie ancienne tracée sur le cadastre napoléonien. Elle a déjà quasiment disparu au tout début XIXe siècle. Source: Archive départementale du Tarn.
 |
Tracé en rouge du tronçon identifiable de la voie sur photo aérienne et relevé cadastral actuel. Source: Géoportail (IGN)
Comme le disaient les anciens, elle est bien là sur presque 200 mètres. Ce qui surprend, aux premiers abords, c’est sa largeur. Aucun chemin de terre agricole n’a aujourd’hui cette dimension, plus de 5 mètres d’emprise. Par endroits, notamment dans la petite montée, la voie est empierrée avec le calcaire local.
|
|
|
La chaussée est couverte d’un lit de cailloux calcaires calibrés, damnés et compactés. Les voies anciennes, même romaines, sont rarement dallées sauf en ville bien sûr. À ce niveau une coupe est envisageable.
|
Aujourd’hui la voie semble s’interrompre aux croisements de plusieurs champs. La lecture du tracé redevient sujette à interprétation.
Relique du passé, quelques mètres plus loin dans la continuité, une petite cabane construite exactement dans la largeur de la voie qui continue sur presque 150 mètres.
La voie est ensuite peu visible et enfouie sous un tas de feuillages et en herbe. Ils font écran à la poursuite de la lecture du tracé.
 |
Il s’agit d’un tracé rectiligne de crête. À 250 mètres d’altitude, la voie se tient à l’écart du lit des rivières |
Quelques mètres plus loin la voie s’arrête à l’orée d’un champ. Sur sa droite au milieu des arbres deux petites structures, une ronde d’environ 2,50 m de diamètre arrasée et une petite cabane à moitié enfouie dans le sol. Je ne saurai dire ce que c’est.
 |
La voie est en phase de dégénérescence mais on lit encore son emprise sous le couvert végétal. |
 |
Une légère sinuosité. |
Voilà pour mon excursion à la recherche de la voie. Savoir si elle est gallo-romaine ou pas, relève d’un exercice périlleux. Faut-il voir, comme les anciens dans les toponymes des alentours, des signes de romanité ? Léjos = légion ? Lamillarié = le miliaire (borne)
Il serait intéressant, par ailleurs, d’inspecter les lieux pour trouver de la présence gallo-romaine. À ma connaissance, aucun site n’est connu dans le km autour de la voie.
Pas de doute que ce segment de route très ancien et assez rare mérite une attention particulière et, à moyen terme, des mesures de protection.
Y. R
Notes
(1) – Nous ne rentrons pas dans le débat de savoir si elles sont ou pas, romaines. Il est vraissemblable qu’elles soient d’ailleurs encore plus anciennes à la lueur de quelques lectures stimulantes ci-dessous.
(2) – Jean LAUTIER, Connaissance du Tarn, Tome 2, 1974, p. 14.
Le beau travail aussi mené par Élise BERGÈS sur la voie Béziers-Cahors qui passait à Albi.
(3) – Mention de cette église est faite dans la Carta Prima de 1067. Paroissiale, l’église devait être beaucoup moins isolée qu’aujourd’hui.
 |
Charles POMMEAU, Véronique BONTE, A la découverte des vieux chemins, Petit manuel de viographie, Moulin,1995. Excellente ouvrage mais difficile à trouver pour mener l’enquête. |
 |
Raymond CHEVALIER, Les voies romaines, Picard, Paris, 1997, un grand classique en matière de culture savante à propos des voies romaines. |