Au Rec del Bosc : des messages à ciel ouvert
S’il fallait retenir un lieu où contempler des gravures rupestres dans le Tarn, nous choisirions la commune de Nages. D’accès facile, elles dominent le hameau de Villelongue. Le corpus de signes présents n’est pas sans rappeler l’univers des bergers qui durant des siècles ont occupé ce territoire redevenu sauvage. Ces gravures fascinent et interrogent à la fois.
La table de Catamiaoulo ou du Bois du muguet. On déchiffre sous une forme circulaire: de dieu et désordre avec un alpha(α)et un omega(ω). La facture de l’écriture rappelle la période moderne. On devine une forme de prière lapidaire dont le sens s’est évanoui. Le ou les auteurs utilisent un vieux fond de symboles partagés par les hommes de longue date. En l’occurrence ici, les croix. Photo CAPA(2012) et dessin de Michel Fauvel
Les crêtes méridionales qui dominent le lac du Laouzas révèlent des gravures de plein air dont l’interprétation est complexe. En effet, un chaos de blocs rocheux sur un rayon d’un kilomètre livre une centaines de figures plus ou moins facile à repérer. Il est d’ailleurs possible que la mousse abondante cache encore des inscriptions. L’inventaire n’est pas clos.
Réalisée avec soin dans le granit dur, la roche semble propice au piquetage. Les motifs sont variés mais jusqu’à un certain point : cupules avec ou sans rigole, cruciformes, soleilliformes, clés de saint Pierre, silhouettes en trou de serrure. Il n’y a pas pour ainsi dire de patronymes ou de dates fréquentes en d’autres endroits.
Ces gravures ont fait couler beaucoup d’encre et posent irrémédiablement des questions.
Des interprétations à géométrie variable
Suite à des relevés, Robert Guiraud et l’abbé Joseph Giry dans un article de La Revue de Rieumontagné des années 70 classent celles-ci dans le registre de l’art schématique. Pour faire simple, ces gravures remonteraient à la fin de la Protohistoire. Art schématique: cette appellation a été popularisée par notre ami Philippe Hameau.
Puis la découverte d’une nouvelle dalle en forme de table vers Catamiaoulo pousse les auteurs à réviser leur avis. Ils rangent les gravures dans le registre beaucoup moins ancien du monde pastoral des XIXe et XXe siècles.
Ce sont la présence d’écritures associées aux signes qui les poussent à revoir leur point de vu: un sul dieu pour le Roc del Bosc, le desordre de frn… dieu pour celle du Bois du muguet, avec probablement un alpha et un omega.
Le témoignage spirituel d’un monde révolu: celui des bergers
Cette manie du marquage est propre au mode des bergers. Les exemples de gravures en terroirs agropastoraux ne manquent pas en France et plus largement en Europe. Ce n’est pas tellement le résultat d’un ennui, d’un passe temps mais bel et bien d’une intention dûment réfléchi à l’avance. Le berger ne s’amuse pas. La roche est dure. Elle résiste. Il faut faire appel à des outils comme le pointe de quartz, le couteau, le clou, le burin, le marteau pour en venir à bout.
L’intention des bergers est-elle d’accorder une protection céleste aux troupeaux ? A eux-mêmes. En tout cas, ces témoignage sont en marge des lieu de culte mais à proximité d’un chemin de pèlerinage.
Le paysage à l’époque moderne était tout autre: de vastes pâturages avec des clôtures. Ça et là quelques cabanes de pierre sèche à la longévité remarquable. Certaines sont encore là. Ce sont de rustique abris avec un plan en U ouvert au sud. Leur toit est constitué d’une voute disposé en encorbellement.
Ce territoire aujourd’hui sauvage semble avoir été fréquenté. Et pas seulement par des bergers. Le CAPA vient même d’y découvrir un site de production du fer.
Rien n’empêche d’affirmer non plus que les gravures, même côte à côte, appartiennent à des périodes différentes de l’histoire et composent un palimpseste, autrement dit un support réécrit, recomposé à des périodes différentes de l’histoire.
Merci pour ces travaux et leurs restitutions, leurs sources et leurs localisations.
Merci pour ces éclairages, le site que nous avons eu le plaisir de voir ce jour inspire le respect pour nos ancêtres . Il mérite de s’attarder pour observer ces marques invisibles à qui passe trop vite…