Site de la commanderie de Vaour

À l’origine de la visite, il y a l’intention – encore intacte – d’écrire un article en commun sur les signes gravés « dans » ou « à proximité » de la Commanderie de Vaour.

Les relevés dessinés et photographiques de Francis Fabre au début des années soixante dix et ses interrogations confiées à Jean Lautier quant à l’existence de gravures ante médiévales à différents endroits du site de la commanderie nous questionnent.

Le site est en tous points remarquable. Sur un entablement rocheux, une dizaine de chevaliers templiers installent une commanderie au milieu du XIIe siècle. C’était un poste d’observation privilégié. Là-haut, dans la tour, on embrassait du regard quatre provinces : Lauragais, Quercy, Albigeois et même l’Auvergne. Nous ne nous étendrons pas sur l’histoire des lieux dont l’approche la plus sérieuse en lien avec l’archéologie à ce jour reste celle de madame Kudlikowski (1).

Ce qui nous intéresse, ce sont les signes gravés. De part la qualité de son emplacement, il y a fort à parier que le lieu ait été fréquenté avant même le XIIe siècle. De quelle façon?

La zone dite de la « carrière » au nord

« Carrière à ciel ouvert » car il semblerait que nous ayons à faire à un front de taille de petite dimension. Un affleurement de grès triassique a été exploité. La majeure partie de la commanderie est composée de ce grès dit justement de « Vaour ». Des blocs de taille moyenne appareillés avec soin. Ce front de taille est désorganisé et peu lisible. Nous en reparlerons.

C’est sur le haut du relief que Francis Fabre a découvert des indices gravés.

Après un débroussaillage et un démoussage minutieux, voilà ce que nous dévoile le haut de la plate-forme.

Ce qui est certain, c’est que la parcelle 28, actuellement couverte par un bois, accueille des ruines d’habitats en dur qu’il est difficile de dater. À ces ruines se mêlent des déchets de toutes époques. Le périmètre ainsi défini entre le réfectoire et le calvaire est prometteur en matière archéologique. Le terrain est cabossé et révèle des creux et des bosses assez impressionnants.

Dans cette hypothèse, il faudrait donc relier notre structure découverte sur la plate-forme à un habitat ancien plus à l’ouest.

Plusieurs éléments nous questionnent.

La structure que l’on devine reste difficile à imaginer. Les trous de poteau ne sont pas forcément contemporains les uns des autres, même lorsqu’ils respectent un alignement.

Par ailleurs, des trous ne seraient-ils pas lié à l’installation d’outils de levage pour la carrière.

Le « bassin » qu’il faudrait curer avec méthode nous interpelle par son ampleur. Qu’est-ce exactement ? 

Quant à la « main gravée »(4), qui tend les doigts plein est, elle dénote vraiment dans un contexte plutôt du Haut Moyen Âge.

Au pied du surplomb rocheux

En bas, la situation est quelque peu différente et encore plus énigmatique. La surface se résume à un replat dont les mesures n’ont pas été prises.

Des cupules, dessinées par Francis Fabre, nous n’avons pu en relever aucune trace.

Force est de reconnaître que nous n’avons pas ménagé nos efforts pourtant. Le socle rocheux ne montre pas véritablement d’indices de cupules telles que Louis et Henri les ont étudiées. 

En revanche, nous avons dévoilé tout un réseau de rigoles(5) reliées les unes aux autres dont Francis Fabre ne fait pas clairement écho. Il est difficile de donner une fonction utilitaire à ses formes creusées en micro-canaux sur une dizaine de mètres. Elles forment comme une espèce d’arborescence. On remarque sans mal un axe et des rameaux.  À nos yeux, elles ne sont pas le résultat d’une altération naturelle. Sont-elles liées à l’activité de carrière ? Un canevas d’extraction. Cela semble peu probable étant donné leur sinuosité.

Mais nous n’avons pas d’expérience dans le domaine des carrières.

 Un réseau de rigoles très visible au pied de l’affleurement.

Mystère en cuisine

Dans la foulée, nous nous rendons à l’intérieur même de la commanderie.

Dans le bâtiment dit des « cuisines »(6),au cœur même de l’établissement, nous relevons encore toute une série de creusements.

La salle, ouverte par deux baies à l’ouest, est constellée de trous de carrure et de profondeur différentes. Il existe aussi des degrés. C’est Francis Fabre en 1971 qui dégagea un remplissage qui devaient couvrir le sol. Y-avait-il des tomettes, des carreaux comme revêtement ? Impossible de le savoir(7)

À l’examen, les moellons ont été posés directement sur le socle rocheux au XIIe siècle lors de la fondation. Des renseignements sont à glaner sur la nature même de la couverture des sols d’habitat dans un bâtiment religieux de ce type. À l’origine et aux temps plus récents    

Il y a de fortes chances pour qu’une bonne partie de ces trous au moins soit le résultat d’aménagement de la salle à des fins plus matérielles que religieuses. Le niveau du sol de circulation (avec un revêtement plancher ou pavement de carreaux) est peut-être possible à tracer à partir de la cheminée. On peut imaginer des podiums, des cuvettes, un évier.

À l’extérieur du logis

Le cimetière de la commanderie présente une croix qui proviendrait de la tour-donjon de 20 mètres de haut qui s’effondra en 1909. Est-elle d’origine? Il y a fort à parier que non.

Dernière constatation sur la roche à l’entrée de la commanderie

Depuis « belle lurette » (8) une rigole creusée vers la croix, mène à un bassin citerne creusé afin de recueillir les eaux de ruissellement.

En conclusion

La sortie n’a pas véritablement confirmé l’existence de signes anciens pré-médiévaux, mis à part la main gravée peut-être. Si les rigoles laissent songeurs, les trous de poteau du haut de l’affleurement rocheux ou « carrière » apparentent les traces plutôt à un bâtiment dont la nature et l’origine nous sont complètement inconnues. Il nous faut savoir – ce sera l’objectif d’une sortie hivernale – si il y a des traces d’extraction bien nette démoussage et si on peut voir des restes d’équarissement des blocs dans la pente. Y-a-il d’autres carrières sur le flanc oriental au dessus du parking? Et pourquoi celle-ci est si petite ?

Un nettoyage ultra fin d’une partie seulement du réseau de rigoles du bas serait aussi intéressant.

Divers : en réponse à la question de Bernard D,  il semblerait que nous ayons le cas classique d’une corniche romane en réemploi sur un mur gouttereau. La pièce est typique du XIIIe siècle. Marc nous précise :  Le décor de billettes (ces petits cubes) est typique de l’art roman. Il s’agit de l’angle d’une corniche. Observez bien. La partie gauche n’est pas la même que la droite destinée à recevoir une partie complémentaire. La gauche forme un retour d’angle que l’on ne peut pas voir sur la photo puisqu’il entre dans l’épaisseur du mur.

S’il est besoin de compléter la datation des billettes, voici une photo prise par Marc en Israël en 1989 à Saint-Jean-d’Acre (maintenant TEL AKKA) fortifié par les Français après 1191. On y voit un décor de billettes au-dessus de l’arc en tiers point d’une des portes de la ville. C’est bien daté puisque la ville est définitivement perdue en 1291 sans nouvelles fortifications. Dans notre région, en Albigeois, il existe aussi le magnifique portail de la prieurale Saint-Michel à Lescure-d’Albigeois mais aussi le clocher de Saint-Salvi d’Albi (partie en pierre) qui datent du XIIe siècle.

Notes

(1) – SSABLT, n°38, 1983.1984. Elle dresse un excellent portrait, à la lueur des archives, de ce que pouvait-être la commanderie au XVIIe siècle au temps de son appartenance aux chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Elle s’attache surtout au donjon et beaucoup moins au reste.
(2) – Si le besoin s’en fait sentir, nous ferons un relevé plus précis avec une photo en grimpant dans un arbre que nous avons repéré avec Yann.
(3) – Marc penche pour un grenier sur pilotis.
(4) – Nous vous laissons par vous-même juger ou non de la pertinence de la proposition faite par Francis Fabre. Merci à nos deux photographes car ce n’est pas facile du tout de rendre du relief.
(5) – Nous distinguons bien les rigoles creusées des diaclases naturelles issues d’un mouvement tectonique ou d’une attaque de l’érosion.
(6) – Dans l’alignement du « réfectoire » qui est plus au sud. Les deux pièces sont séparées par une cheminée.
Nous mettons des guillemets car rien ne peut confirmer ces deux appellations si ce n’est la logique et la tradition.
(7) – À moins de l’interroger bien sûr.

(8) – Nous admettons que cette expression peut choquer mais à défaut de date précise…

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