La borne armoriée de Puech Calm près de Cambou :
une borne spectaculaire mais encore énigmatique.
Textes : Bernard Alet, Photos : Rosy Mascaras et Valentin Cadilhac
Description
Cette borne armoriée, en calcaire, se trouve située à environ 800 m au sud de Cambou sur un point culminant à 278 m d’altitude.
A la limite des communes actuelles de Varen et de Verfeil, il semble qu’elle marque la frontière entre les 2 anciennes juridictions : elle pourrait donc être une borne frontalière.
Il s’agit d’une borne exceptionnelle par la diversité et la richesse de ses gravures qui n’ont peut-être pas encore livré tous leurs secrets.
Cette borne calcaire est composée de 2 parties bien distinctes : d’une part, une partie « aérienne » soigneusement équarrie et portant les gravures, et, d’autre part, une partie enterrée (ou socle) brute ou grossièrement taillée, de plus en plus exhumée et inclinée en raison de la forte poussée d’un chêne qui jouxte la borne. Le sommet de cette borne est taillé en 3 pans.
Les dimensions de la borne sont les suivantes : la hauteur moyenne de la face nord est de 1,20 m, dont 0,80 m pour la partie équarrie ; la largeur moyenne est de 0,30 m et la profondeur (ou épaisseur) est de 0,16 m.
Interprétation* de la face nord de la borne en direction de Verfeil.
Les 2 gravures sont ici encore assez bien visibles. Elles représenteraient la bastide royale de Verfeil avec, sur la partie supérieure, un écu de France couronné à 3 fleurs de lys et, sur la partie inférieure, une porte cintrée fortifiée surmontée d’une tour crénelée, avec des créneaux bien apparents sur la photogrammétrie.
La gravure représentant l’écu de France couronné à 3 fleurs de lys mesure 20 cm de hauteur et la porte cintrée fortifiée avec la tour crénelée mesure 31 cm de hauteur.
La bastide de Verfeil est créée en 1269 par Alphonse de Poitiers, gendre du dernier comte de Toulouse Raymond VII et frère du roi Saint-Louis. A la mort d’Alphonse de Poitiers en 1271, Verfeil passa aux Rois de France, d’où les 3 fleurs de lys.
Interprétation* de la face sud de la borne en direction de Varen.
En raison de la forte érosion de cette face, l’unique gravure est ici difficilement visible in situ et donc peu lisible, ne facilitant pas sa compréhension.
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour interpréter la représentation de cette gravure. Tout d’abord, celle d’une gourde de pèlerin avec une panse en forme de coquille Saint-Jacques mais Varen était-elle une étape sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle ? Ce point est à vérifier. Ensuite, une autre hypothèse était celle d’une « ampoule de pèlerinage » ou ampoule à eulogie liée à l’église de pèlerinage Saint-Pierre de Varen, elle-même vouée à Saint-Serge, qui était l’église primitive de Varen.
Plus récemment, une nouvelle interprétation a été apportée, finalement plutôt logique : nous serions ici en présence des armoiries de l’abbaye bénédictine Saint-Géraud d’Aurillac, dont dépendait le grand prieuré de Varen, devenu doyenné au XIIIe siècle. En effet, la gravure ressemblerait au blason de cette abbaye, blason avec une bordure engrêlée ou festonnée et surmonté d’une mitre dont le sommet semble érodé (peut-être la mitre de l’abbé-comte d’Aurillac ?).
Sur la borne, le blason de l’abbaye d’Aurillac mesure 28 cm de haut sur 18 cm de large.
L’abbaye Saint-Géraud d’Aurillac, très puissante, aurait fondé des centaines de prieurés (comme celui de Varen), qui s’étendaient jusqu’en Catalogne et ailleurs en Espagne sur une douzaine de diocèses, ce qui plaçait l’abbaye-mère à la tête d’un immense territoire. Cette abbaye eut en outre un grand rayonnement culturel et intellectuel européen.
Datation
A partir de ces diverses interprétations, la datation de cette borne pourrait se situer avec beaucoup de précautions entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle.
*Reportage de Valentin Cadilhac sur la photogrammétrie de la borne
L’interprétation des gravures de la borne a été grandement facilitée par les belles photogrammétries réalisées par Valentin Cadilhac, étudiant au campus YNOV de Toulouse. Vous trouverez ICI le reportage illustré de son travail, dont une belle vidéo (voir ci-après.)
Salut BERNARD
En tant que médiéviste, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt ton étude sur cette borne armoriée qui semble être, selon ta dernière hypothèse, une borne de limite de propriété. Ta datation, entre les XIIe et XIVe siècles, en fait une borne assez ancienne (donc à protéger des vandales et des « antiquaires » !) puisque celles que nous connaissons, tout du moins pour la France du Nord, se situent surtout aux XVe et XVIe siècles. J’ai eu l’occasion d’en étudier plusieurs, en forêt d’Halatte (Oise), qui délimitaient les propriétés domaniales de celles des propriétés appartenant à de puissantes abbayes fondées, le plus souvent, grâce aux largesses royales. Dommage que tu n’aies pas ajouté une courte bibliographie.
je voulais te dire, aussi, que j’ai plusieurs ouvrages à te remettre pour la biblio du CAPA. Aurais-tu l’occasion de passer les prendre au moulin de la Mothe ? À ce sujet, faut-il continuer le dépouillement des ouvrages reçus ? Il faudrait que nous en discutions, car il n’y a, comme références des ouvrages appartenant au CAPA, qu’une liste des auteurs qui, d’ailleurs, n’est aux normes ISBN.
À te lire, bien amicalement
Marc