La motte castrale de Saint-Clément est, dans le département du Tarn, une des mottes médiévales les mieux conservées et ce, grâce à la protection multi-séculaire de la couverture forestière de Grésigne qui a en quelque sorte « fossilisé » les structures archéologiques.
Textes : Bernard Alet
Photos : Lidar : PCR RHEFOREST-81-SRA-Occitanie & Nicolas Poirier – Plan motte castrale : Wikipedia
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Qu’est-ce qu’une motte castrale ?
Une motte castrale, comme les enceintes, sont des ouvrages de terre médiévaux, fortifiés et fossoyés.
Ces ouvrages ont pu être aussi appelés « mottes féodales ». Les mottes castrales sont des tertres aménagés, composés d’une motte de terre avec plate-forme sommitale castrale entourée de fossés et dominant parfois une ou plusieurs basse(s)-cour(s).
La motte castrale était souvent le lieu de résidence aristocratique de la petite noblesse locale avec une tour ou donjon (dominium) qui était à la fois lieu de résidence élitaire, bâtiment défensif et poste de surveillance. En particulier, le donjon faisait office en quelque sorte de « tour de contrôle » visant à surveiller entre autres des espaces-ressources aux multiples enjeux et marquant en même temps l’affirmation du pouvoir seigneurial avec un statut privilégié – élitaire – de son détenteur.
Les plates-formes sommitales sont circulaires, ovales ou ovoïdes et leurs dimensions très variables, de 10 x 10 m pour les plus petites à 50 x 40 m et davantage pour les plus grandes, leur superficie moyenne étant comprise entre 200 m² et 500 m². Leur hauteur moyenne varie de 3 m à 8 m.
Les grandes mottes castrales avec basse(s)-cour(s) comme celle de Saint-Clément en Grésigne avaient souvent un rôle multi-fonctionnel, contrairement aux petites mottes castrales sans basse-cour ayant un rôle plutôt « militaire ».
La datation des mottes se situerait entre le haut Moyen-Âge et le Moyen-Âge central, c’est-à-dire entre la fin du Xe et le XIIIe siècle. Des historiens médiévistes ont tenté d’estimer la durée des travaux nécessaire à leur édification en fonction de la main d’œuvre disponible : 3 mois à 30 travailleurs ou 3 semaines à une centaine d’hommes.
Qu’est-ce qu’une basse-cour ?
Une basse-cour est un espace dominé par la motte castrale et circonscrit par une ou plusieurs lignes de défense marquées par des fossés et des talus.
Il peut y avoir plusieurs basses-cours contiguës délimitées par un talus s’étageant souvent les unes au-dessous des autres. La basse-cour est occupée par la paysannerie chargée de l’exploitation des ressources en particulier agro-pastorales et artisanales : habitat souvent en terre crue, bâtiments à vocation agricole (écurie, grange…), artisanale (forge, four à tuiles…) et parfois religieuse (église ou chapelle castrale).
Rôle multi-fonctionnel des mottes castrales avec basse-cour
Une fonction symbolique, emblématique, de prestige
La motte en tant qu’élévation au service du pouvoir seigneurial, dans une société médiévale et féodale très hiérarchisée.
Une fonction défensive
La plate-forme sommitale castrale mise en défense, conditionnée par un relief naturel pré-existant, parfois surhaussé par le creusement du fossé
Une fonction de mise en valeur de nouvelles terres agro-pastorales
Mise en valeur de nouvelles terres agro-pastorales par « défrichement », d’où « motte de défrichement » qu’on a pu donner à ces ouvrages à une certaine époque. Cette conquête agraire médiévale a pu être favorisée entre autres par un climat plus clément lors du Petit Optimum Médiéval.
Une fonction stratégique de commandement et de contrôle
Fonction stratégique de commandement et de contrôle de l’exploitation des ressources agro-pastorales et artisanales ainsi que des réseaux de communication.
Une fonction sociale de fixation de la population
Fonction sociale de fixation de la population et de groupement de l’habitat.
La motte castrale de Saint-Clément : un site spectaculaire par sa situation et son ampleur exceptionnelle
Une douzaine d’habitats perchés, tertres aménagés ou sites fortifiés ont pour l’instant été repérés et identifiés en Grésigne et sur ses marges immédiates : éperons barrés et oppida protohistoriques, mottes castrales médiévales, habitats fossoyés aristocratiques post-médiévaux… datant souvent de différentes époques et n’ayant pas qu’une vocation « militaire » de contrôle d’espaces-ressources et voies de communication. Ces aménagements sont souvent situés en position dominante (ce qui n’est pas le cas pour la butte de Saint-Clément), à une confluence ou un carrefour stratégiques.
La motte castrale de Saint-Clément est, dans le département du Tarn, une des mottes médiévales les mieux conservées et ce, grâce à la protection multi-séculaire de la couverture forestière de Grésigne qui a en quelque sorte « fossilisé » les structures archéologiques.
Ce tertre aménagé a toutes les caractéristiques d’une motte castrale médiévale avec une, voire deux basse(s)-cour(s), ce qui n’exclut pas une occupation antérieure, notamment proto-historique. Il s’agit d’un grand tertre tronconique de 14 m de hauteur au total à la fin du XIXe siècle (I. ALIBERT, 1898) dont la vaste plate-forme sommitale, de forme ovoïde, mesure 40 m de long sur 30 m de large, ce qui fait une superficie d’environ 1200 m². Un fossé (douves) large d’environ 8 m à l’ouverture et profond de près de 3 m au bourrelet extérieur ceinture la motte castrale, ce fossé étant encore en eau après de fortes pluies.
Cette motte diffère de la plupart des autres sites fortifiés de Grésigne, non seulement par son ampleur mais aussi par sa morphologie et sa situation topographique. En effet, le site n’est pas situé en position topographique dominante mais plutôt en terrain peu accidenté non loin du Rô oriental (N. POIRIER, 2020).
A peine visible sur le terrain, une deuxième enceinte fossoyée de forme plus ou moins polygonale a été révélée de façon spectaculaire par le LIDAR. Cette deuxième enceinte, d’une vaste superficie de près de 1,5 ha, est occupée par la basse-cour, voire 2 basses-cours, l’une au nord et l’autre au sud. Elle enserre presque entièrement la motte castrale et est délimitée par un talus de 2 à 3 m de haut et par des fossés aujourd’hui en grande partie comblés.
Ces dimensions imposantes de la motte et de la basse-cour font qu’il s’agit d’un site exceptionnel par rapport à la moyenne des mottes castrales en France, d’autant plus que 2/3 des ouvrages étudiés dans le Sud-Ouest ne comportent pas de basse-cour (N. GUINAUDEAU, 2012).