Quelques bugadous, cuviers à lessive, sont restés exceptionnellement en place dans des maisons anciennes à Milhars, Sainte-Cécile du Cayrou et dans la région de Giroussens. Ils ont été préservés par leurs propriétaires.

Textes : Rosy Mascaras – Prises de vues : Rosy Mascaras et (voir photos)

La grande lessive, « bugada » (en occitan), ou buée

La grande lessive, « bugada » (en occitan) ou buée, mobilisait les femmes deux ou trois fois par an. Le gros linge (draps de chanvre ou de lin, torchons, serviettes…) avait été accumulé pendant plusieurs mois dans des coffres ou suspendu sur des cordes ou des barres de bois souvent au grenier, bien aéré.

Le premier jour, le linge sale déposé en couches successives dans un cuvier (en terre, en pierre ou en lattes de bois cerclées de fer) était longuement mis à tremper.

Le deuxième jour avait lieu le coulage, une opération renouvelée pendant des heures dans la chaleur et l’humidité. Linge et cendres (déposées dans une toile qui servait de tamis) étaient arrosés à l’eau très chaude. Le carbonate de potassium, contenu dans les cendres, était dissout par l’eau chaude et formait une lessive. (Les cendres avaient été, auparavant, récupérées dans la cheminée, tamisées et stockées dans des sacs de jute).

Le troisième jour, le lavage était terminé au lavoir.

Des bugadous en poterie dans la région de Giroussens

Les poteries de Giroussens ont été étudiées par Jean-Michel Lassure, docteur en Histoire médiévale, avec la participation de Michel Bruyère et Francis Funk.

Leurs recherches ont permis de découvrir que les potiers produisaient aussi des grands cuviers pour la lessive.

Giroussens était un important centre de potiers du XVIe siècle au début du XIXe..

La « pisserotte » : l’eau filtrait à travers les épaisseurs de linge puis s’écoulait par un goulot dans un baquet placé sous la bonde de fond du cuvier.

Les poteries de Giroussens ont été étudiées par Jean-Michel Lassure, docteur en Histoire médiévale, avec la participation de Michel Bruyère et Francis Funk. Leurs recherches ont permis de découvrir que les potiers produisaient aussi des grands cuviers pour la lessive. Giroussens était un important centre de potiers du XVIe siècle au début du XIXe..

« Une installation pour la lessive incorporant deux bugadous a été découverte à Parisot, à la ferme Nicouleau », par Michel Bruyère et Patrick Funk.

Une installation pour la lessive incorporant deux bugadous

« Une installation pour la lessive incorporant deux bugadous a été découverte à Parisot, à la ferme Nicouleau », par Michel Bruyère et Patrick Funk.

Les 2 cuviers (70 cm. de hauteur) sont insérés dans un bâti de briques. Ils ont été installés dans une cheminée « à l’intérieur de laquelle deux murettes en briques délimitent un foyer permettant de faire chauffer de l’eau au moment des lessives. » Jean-Michel Lassure.

Des bugadous au Moyen Âge, Jean-Michel Lassure explique :
« Au cours de prospections sur la commune de Sorèze, Yves Blaquière* a noté l’existence « d’un superbe bugadou de terre cuite rose » « rustique, simplement décoré de trois points en creux faits probablement avec le doigt.». Cette découverte a été faite dans l’habitation d’une ancienne tuilerie. « La technique de lavage du linge requérant l’emploi d’un cuvier a donc été utilisée dans le Tarn au moins dès le Moyen Âge. »

*Yves Blaquière : créateur du Musée du Verre de Sorèze.

Lèvres de bugadier

« Au cours de recherches des ateliers de Giroussens et des communes voisines, des prospections effectuées entre 2013 et 2017 ont permis de constater que des fragments de « bugadous » ont servi de matériau de calage dans les murs de plusieurs constructions du XIXe siècle. » indique Jean-Michel Lassure.

Au lieu-dit Les Héritiers, Commune de Giroussens, c’est dans dans les murs d’une ancienne ferme qu’apparaissent des fragments de bugadous.

Le mur a été décrépi par ses actuels propriétaires révélant une belle structure construite en matériaux composites. Il est formé de solides assises de moellons en pierre calcaire, grossièrement taillés. Des assises de galets de rivière et de briques foraines s’intercalent entre les assises de moellons. Des éléments de calage, fragments de tuileaux mais aussi de bugadous à l’arrondi caractéristique, ont été insérés entre les moellons.

À Sainte-Cécile-du-Cayrou, des bugadous au plus près de la cheminée

À Sainte-Cécile-du-Cayrou, au moins deux maisons anciennes ont conservé un bugadou dans ce qui était autrefois la cuisine.

La partie arrière du cuvier est intacte. Elle se confond avec un renfoncement du mur contre lequel le bugadou avait été placé. Les lavages maintes fois répétés en ont modifié la couleur.

Un couvercle en bois fermait le cuvier.

Une organisation spatiale habilement adaptée aux tâches ménagères

Dans la cuisine traditionnelle, le cuvier à lessive était proche de la cheminée et de l’évier, une organisation spatiale habilement adaptée aux tâches ménagères.

La cheminée était indispensable pour faire chauffer l’eau de la lessive, récupérer les cendres qui étaient stockées et tamisées pour la « bugada ». Les cendres de noisetier ou de hêtre étaient privilégiées (celles de résineux auraient noirci le linge).

La grande table en bois réunissait plusieurs générations vivant ensemble sous le même toit. La cuisine était autrefois la seule pièce chauffée de la maison.

Inséré dans un renfoncement du mur, le cuvier ne tenait pas de place et l’eau chaude nécessaire au lavage était à portée de main.

Aujourd’hui, la cuisine a repris vie intégrant l’ancien à la modernité du quotidien. (L’ancien propriétaire de cette maison a enlevé le cuvier.)

Ici, la cuisine a changé de fonction mais elle a gardé des éléments témoins du mode de vie traditionnel.

Cuvier à lessive taillé dans le grès.

Un cintre en fer et un épais arceau de bois insérés dans le mur maintiennent en place ce lourd cuvier.

Hauteur du cuvier : 70 cm.
Diamètre intérieur au sommet : 64 cm.

Les maisons dans lesquelles ont été retrouvées ces bugadous datent vraisemblablement du XVIIIIe siècle, peut-être même du XVIIe siècle si la date 1670 inscrite sur l’une d’elle n’est pas un remploi. Il semble que ces cuviers à linge aient trouvé leur place lors de la construction de la cuisine, hypothèse qui pourrait permettre de les dater.

À Milhars, des bugadous dans le fournil de maisons anciennes

Deux maisons ont exceptionnellement conservé des bugadous disposés près d’un four à pain (privé, non communal.)

Le four à pain et les trois cuviers à lessive (XIXe siècle)

Les dépendances d’une maison (propriété privée) construite au XIXe siècle recèle de nombreux outils anciens, un patrimoine familial précieusement conservé qui témoigne d’un mode de vie aujourd’hui disparu.

Fait remarquable trois cuviers à lessive sont toujours logés à proximité d’un four à pain remarquablement conservé.

C’est un cuvier dont les dimensions sont impressionnantes : 1,50 m. X 0, 93 m. (dimensions extérieures)
Profondeur : 50 cm.

L’hypothèse d’un cuvier à lessive est la plus probable, sa grandeur facilitait le lavage des lourds draps de lin accumulés pendant des mois. La quantité d’eau chaude nécessaire pour un tel cuvier justifie à elle seule qu’il ait été installé au plus proche de la cheminée.

Toujours dans ce fournil, deux autres cuviers à lessive en grès avaient été placés côte à côte. Le bâti en pierre est parfaitement adapté à leur forme.

Les bugadous-jumeaux

Ces « bugadous-jumeaux » sont rares.
Deux femmes pouvaient travailler côte à côte sans se gêner.

On retrouve dans ce fournil, le même souci d’organisation rationnelle de l’espace pour alléger un tant soit peu le travail pénible et fastidieux des laveuses aux gestes inlassablement recommencés pendant des heures et des heures.

Profondeur du cuvier : 38 cm., hauteur : 65 cm.

Et voici qu’apparaissent dans ce fournil, deux outils de laveuse rarement retrouvés. Ils sont munis d’un long manche, l’un est en métal, l’autre très rustique est en bois.

Avec cet outil, les laveuses frappaient l’eau et la toile contenant les cendres pour bien imprégner les couches successives de linge jusqu’aux plus profondes posées dans le cuvier. (En quelque sorte le tambour « antique « de nos machines.). Quel est son nom ?

Une exceptionnelle maison construite au XVIIe siècle

À Milhars, une exceptionnelle maison construite au XVIIe siècle a été conservée en l’état. C’est une maison d’un autre temps qui a gardé intacts les vestiges d’une vie quotidienne rurale aujourd’hui révolue. Ils restent à les dater avec précision.

On y découvre au rez-de-chaussée, au milieu d’outils abandonnés, deux cuviers à lessive en grès dont un de grande dimension. À leur base, la « pisserotte » est bien visible. Ces deux cuviers ont été déposés à côté d’un four à pain relativement en bon état.

À l’étage, la pièce de vie a gardé une évier en pierre et une imposante cheminée aux pierres sculptées d’un décor encore énigmatique.

Grâce à la Commune de Milhars, devenue propriétaire des lieux, la maison est en passe d’être classée Monument Historique, d’être étudiée et réhabilitée par des spécialistes du patrimoine.

La fin des bugadous et des lavoirs

Au début du XXe siècle, les bugadous disparurent des maisons, progressivement remplacés par les lessiveuses en tôle galvanisée.
Lavoirs et ruisseaux ont été peu à peu désertés par les laveuses…

Courbée sur sa planche à laver, une laveuse savonne le linge sous le regard des enfants.

Une scène disparue de nos campagnes.

Notes

Un grand merci à Marcelle, Aurélie, Jean-louis, Jean-Paul, Francette et Guy : propriétaires qui nous ont accueillis dans leur maison. Sans oublier Jean-Michel Lassure qui m’a autorisée à utiliser ses recherches historiques et ses photos sur les bugadous de Giroussens. R. Mascaras

Si vous désirez nous transmettre des informations sur les cuviers encore in situ vous pouvez nous contacter grâce au site du C.A.P.A. Les recherches continuent.

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