Puygouzon, Lamillarié, Castelnau-de-Levis : site de “La Garenne” proche de Montsalvy, site de “Fourmazel”, site du “Carla”

Archives et topographie

Nous nous rendons d’abord sur le lieu-dit “La Garenne” à Puygouzon où le terrain ouvert et bombé a été passé au rouleau. Il est vide de culture. Nous profitons de l’occasion pour observer le lieu à fleur de sol. Quelques «aulx» traînent encore. Autant dire, peu d’éléments  vraiment probants.

En 1967, suite à l’arrachage d’une vigne Jean Lautier et Jean-Pierre Antonini (1) relevèrent un «fond de cabane». C’est une tâche plus sombre qui attira l’attention. Ils remarquèrent la présence de morceaux de grosses poteries épaisses non tournées qui furent attribuées à l’époque gallo-romaine sans grande précision. Il y avait aussi de la sigillée et des outils préhistoriques, type galet de quartz façonné. Il n’est pas rare d’ailleurs que les deux soient associés sur les mêmes sites pour notre plus grande perplexité.

Cette «garenne» était boisée au Moyen Âge. Elle appartenait au XIIIe siècle aux chanoines du chapitre de Saint-Salvy d’Albi qui possédaient le « château de Montsalvy ». Il semblerait que l’endroit était réservé à la chasse. Sur une partie, les chanoines y prélevaient des impôts.

Ce site, que nous connaissons bien, en position dominante, aurait été fortifié ou fossoyé (à présent comblé) sur la partie basse ; ce qui n’aurait rien d’étonnant au vu de sa configuration actuelle. Un beau talus, présent déjà au XIXe siècle si l’on se fie aux limites de parcelles du cadastre napoléonien. Une trace d’enceinte ? Possible.

Nous avions fait le tour de la parcelle à la recherche de traces d’enceinte il y a quelques années sans grand succès à vrai dire. L’espace sur le bord est vite forestier. En conséquence, il est bien difficile de se faire une idée.

Saint-Afric d’Alaux, une église disparue

Faute de trouver de nouveaux indices, nous nous rendons ensuite sur le site de Fournazel où était implantée l’église de Saint-Afric d’Alaux. Première mention: début du XIIIe siècle.(2) On connait sa présence par une bulle papale de 1219. L’église est peut être encore plus ancienne, bien sûr. Elle « disparaît » – reste à savoir jusqu’à quel point – au milieu du XVIIe siècle. Rien sur la carte du diocèse d’Albi du graveur cartographe Melchior Tavernier en 1642. Au passage, en 1700, de l’archevêque Charles Le Goux de La Berchère, lors d’une visite pastorale, elle n’est déjà plus qu’un souvenir. Lui-même l’écrit. Et les habitants des lieux demandent un autre bâtiment de culte proche des habitations.

Localisation de Saint-Afric sur le Puech d’Alaux. Cadastre dit « napoléonien ».
 Sources: Archive départementale du Tarn

Comme le matériel au sol est copieux (3), il est assez facile de localiser le site. De visible, ne reste plus qu’une croix, la croix d’Alaux et un beau bloc calcaire. Un nom aussi, celui du «cimenteri d’Alaux», ou encore la parcelle de «La Glezia» (4) Cela se passe de commentaire. À signaler que Guy Mercadier y vit une «motte castrale» en 1985 dans son inventaire de l’Albigeois.

En 1870, puis en 1933, les érudits locaux menèrent «des fouilles»(5). Sans trop de ménagement à vrai dire. On sortit des sarcophages. Un de ceux-ci est observable aujourd’hui chez monsieur Bonnet que nous avons rencontré depuis. Il habite au niveau du château d’eau et conserve un spécimen assez abimé comme bac à fleurs.

Beaucoup plus récemment, un exploitant, lors de travaux, a relevé la présence d’un sarcophage qu’il a aussitôt recouvert dans la crainte d’embêtement judiciaire. Rassurons-le. Il s’agit d’une découverte fortuite et pas d’une recherche de trésor. Donc aucun risque a priori, tout au moins avec les services de protection du patrimoine archéologique. Il est  même dommage que nous n’ayons été informé que tardivement. Nous aurions pu faire quelques remarques de nature stratigraphique, entre autres. 

Le site est intéressant et même prometteur car il a été protégé durant toute une période (contemporaine) des assauts du monde rural. Un peu moins des assauts des savants. Par ailleurs, si le sarcophage a été trouvé en place à l’endroit précis de l’aménagement en cause, cela en dit long sur l’étendue du fameux cimetière d’Alaux. La distance à l’église est d’une centaine de mètres. Fort heureusement, les tombes sont profondes à l’abri des détections intempestives et destructrices. Certains en seront pour leur frais.

Nous prenons la voiture pour rejoindre les berges du Tarn.

Un petit tour au « Carla » à la chapelle Saint-Cécile

Où l’association « Mille étoiles pour l’enfance » aménage une halte sur la berge pour accueillir dès cet été les touristes venus du Tarn par les gabares. Personne. Ce jour-là, impossible de visiter l’intérieur de la chapelle.

Des travaux ont lieu pour permettre aux visiteurs de remonter la pente pour visiter l’église. C’est l’occasion de «fouiller» les déblais et gravats qui couvrent la pente sans grand résultat (6).

Dans la pente justement, nous signalons quand même la trace de couches alluviales quaternaires (7).

La plus haute est formée de cailloutis serrés. Les galets sont de taille inégale mais plutôt petite. Il serait intéressant pour la suite d’établir son exacte position par rapport au bâtiment.

Couche de cailloutis en place. Fin du Würm

Une autre, plus basse, est une couche de limon marneux très compacte, jaune, sans cailloutis. Nous ne pouvons pas mesurer l’épaisseur des couches. À défaut,  nous les prenons en photo.

Nous estimons à 15/20 m le dénivelé du lit du Tarn jusqu’à la terrasse où est installé l’édifice (8) dans les alluvions de la basse plaine à l’abri des crues.

L’église a laissé peu de traces archivistiques. Si l’on s’en tient à celles-ci, elle fut longtemps une ruine. Et même à plusieurs reprises dans l’histoire avant de subir des rénovations plus ou moins durables. Justement ces aménagements successifs rendent difficile une datation d’origine. Son origine, au moins, serait médiévale. Les éléments restants remontent pour la plupart de la fin du XVe siècle avec quelques exceptions tout de même. En l’occurrence, ce «réemploi ».

Le réemploi

l est encastré dans un mur, côté extérieur. Il s’agit d’une portion de chapiteau à motif floral avec le tailloir sur le haut. De type roman. Période du XIIsiècle. Il est de travers. J’attends une confirmation de Marc ou d’un autre spécialiste. Il y avait d’autres chapiteaux roman à l’intérieur mais ils ont été volés. On conserve cependant quelques photos.

Le bâtiment – sous une forme ou sous une autre – existait déjà début XIVe siècle sur la route qui conduisait de Castelnau à Marssac, rive droite du Tarn. Son tracé est différent de celui d’aujourd’hui. La voie ne longeait pas l’abrupt calcaire mais passait plus avant dans la plaine à proximité de la chapelle.

Bien sûr, sa beauté laisse place à bien des légendes.

Autour, à côté de l’église, il est fort probable – et on s’accorde à le reconnaître – qu’un habitat ait existé au lieu-dit « Mazière » (9) bien avant la fondation de Castelnau-de-Levis. La construction du « castelnau » va entraîner un effacement progressif du petit village. Ce destin, Mazière le partage avec d’autres hameaux des environs.

L’église comme le village auraient eu «l’honneur» (10) d’être détruits lors d’un passage de Simon de Monfort.

Par ailleurs, Guillaume me fait remarquer la présence dans le bâtiment de moellons bien taillés en tuf qu’il est d’après lui difficile de trouver dans les parages. Remonter la vallée du Bigar serait peut être intéressant avec cette objectif : une carrière de tuf. Une comparaison serait pertinente avec les autres bâtiments des alentours. Nous serons vigilants dorénavant. À commencer avec le château de Castelnau et le bâti ancien à Marssac.

Vue du ciel

En tout cas, le vaste terrain plat destiné à devenir un parking au nord de l’édifice réserve de bien belles perspectives archéologiques (11). L’avenir dira…

Nous remercions particulièrement Guillaume Pech pour sa compagnie et la confiance qu’il nous a accordée.

Notes

(1) Nous avons pu visiter le site avec Jean-Pierre Antonini en 2005. Il était encore parmi nous. Nous profitons ainsi de ses remarques.

(2) Il est même possible qu’une allusion soit faite sur les lieux dans le Testament de la comtesse Garsinde de Narbonne à la fin du Xe siècle. C’est dire… 

(3) En 2003, nous avons pu le constater. Tegulae (tuiles plates romaines) en contexte plutôt médiéval et terre noire sur le haut. De la céramique type bas Moyen Âge aussi.

(4) Le toponyme La Glezia est une déformation de l’ecclesia, mot grec puis latin signifiant église, qui a fait en italien la chiesa et en français La chaise (La Chaise-Dieu) mais aussi  le mot « ecclésiastique ».

(5) Notamment le colonel Louis Brieussel.

(6) Quelques tegulae serviront à Yann à justifier une présence gallo-romaine. Et pourquoi pas ? On y a trouvé une pièce de monnaie aussi de l’époque moderne.

(7) De – 80 000 à -10 000 av. JC. Creusement intense, remblaiement de la fin des épisodes glacières, suite à des variations climatiques ; c’est une période de forte perturbation du niveau des cours d’eau. Le Tarn comme son affluent le ruisseau de Bigar qui se jette plus à l’ouest.

(8) À quelques 150 m d’altitude environ.

(9) De « maceria ». La ruine en latin.

(10) Une remarque à ce propos. Les exactions causées par Simon de Monfort m’impressionnent beaucoup depuis que je m’intéresse au patrimoine tarnais. Elles sont indénombrables. Les ravages qu’a commis ce « fléau » en quelques chevauchées dépassent l’entendement. Je cherche la part de vérité dans ces légendes dont beaucoup ont pu être construite a posteriori.

(11) Nous y observons des traces circulaires de fosses funéraires néo. C’est leur dimension et leur nombre qui le laisse penser. C’est un espace à protéger et surveiller.

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