Les carrières de Merlins et les grottes du Poutou

Souvenirs, souvenirs

Les plâtrières de Mespel sont exceptionnelles. Pour la roche en question, le gypse, il n’y a pas d’autres spécimens dans le Tarn.

Dans la seconde partie du XIXe siècle, elles appartiennent à la famille noble des Tholozany (1)  Elles le restent jusqu’à l’entre-deux-guerres. Sont-elles plus anciennes encore ? Ce n’est pas impossible. 

Les propriétaires exploitent le gisement de gypse. On sait qu’il y avait deux carrières à ciel ouvert à Merlins, à flanc de coteau. Seule la plus grande est observable aujourd’hui. C’est aussi la plus récente. Celle que nous allons visiter.

On devine parfois la présence de sondage pour évaluer la potentialité des filons. Les archives témoignent qu’il y en a eu. Certains prennent la forme de fosses d’autres de galeries.

Un four à plâtre existait en bas près du ruisseau avec un moulin et des hangars de stockage. En effet, le gypse une fois concassée est cuit pour être déshydraté. En poudre, on l’utilisait pour le stuc des maisons dans la région environnante, pour le chaulage, pour les mortiers. L’opération fut rentable.

Au vu des témoignages anciens récoltés, le dispositif d’exploitation était assez élaboré. Qu’on en juge. Après l’extraction, les ouvriers remplissaient de petits wagonnets de gypse qu’ils faisaient descendre jusqu’au ruisseau via une double voie ferrée (montée-descente). Les rails et wagonnets sont encore visibles, nous en reparlerons.

Ladite plâtrière fonctionna bon gré mal gré jusqu’en 1930. Il y eu certainement un rachat mais les tentatives pour trouver d’autres filons furent vouées à l’échec. Quel péril, quelle concurrence affronta la petite carrière? Nous n’en savons rien mais les archives devraient permettre de l’expliquer.

Autrefois, de Mespel, d’en-bas, on voyait travailler les carriers. La plâtrière devait être un sujet d’occupation. D’occupation et d’activité puisque la quasi totalité du hameau de Merlins (2), installé plus au nord, à quelques centaines de mètres seulement du site, dépendait de la mine d’une façon ou d’une autre.

Aujourd’hui, la végétation a tout envahi. La trouée forestière s’est refermée. Et l’on se doute de rien. C’est peut être mieux ainsi. Retrouver ce lieu de vie et de travail, dresser son état en cette année 2015 nous semblait intéressant.

Localisation de la grande carrière de Merlins au nord de Mespel (Carte IGN au 1/25 000). Au passage l’indication IGN d’un four à verre à l’Issart est erronnée. Il s’agit plutôt d’un four à chaux.

L’étape d’approche

Nous nous garons à proximité de la maison de “La Trapasse”. Nous longeons un mur de clôture à gros blocs calcaires (3).

D’un pas sûr, Bernard nous conduit à proximité du ruisseau des Beudès dit aussi « ruisseau des plâtrières ». À cette période de l’année, il est encore gonflé par les pluies et il n’est pas facile à traverser. Nous l’avons exploré l’année dernière mais bien en aval. Nous y trouvâmes des ruines de moulins. Cette fois-ci, nous nous contenterons de visiter les carrières.

La végétation est encore assez discrète à cette période de l’année. Aussi reconnaît-ton – non loin du cours d’eau – une aire de charbonnage à une couche noire de sol recouverte par les limons. Un cylindre de « marmite » traine un peu plus haut sur un talus.

Nous parvenons à un ponceau bâti qui permettait le franchissement du torrent. Celui-ci divague aujourd’hui sur l’ancien chemin qui conduisait à Mespel.

Le ruisseau-torrent a creusé les grès. Il s’encombre de déchets qui ont déboulé depuis les hauts de la carrière. Ainsi, une benne de wagonnet renversée sur une rive, rongée par la rouille.

Benne basculante à fond creux qui composait un wagonnet

Nous constatons la présence d’une borne forestière apparemment en place. Vu de près, elle porte dans un cartouche le nombre 173? (illisible). C’est un modèle de borne que nous connaissons bien en Grésigne. Je l’ai déjà évoqué lors d’une sortie.

Puis, c’est la montée de Peyre Penne. Dans une combe au départ, un chemin est tracé. À gauche, en bordure, les affleurements montrent la présence des argilites et des pélites.

Balade dans la plâtrière abandonnée

En haut, après avoir traversé un bois ravagé par les sangliers, nous rejoignons une sorte de plateforme (4). Elle présente une série d’aménagements qu’il n’est pas superflu de noter. D’abord, une amorce de galerie effondrée et la trace toute proche d’une ancienne cabane dont il reste encore les tuiles.

Hors d’usage, une armature métallique pose question. Les restes d’un harnachement de mule peut-être? Des éléments métalliques sont dispersés sur les lieux sans que l’on puisse toujours donner une fonction à chacun.

Partout le lieu, longtemps surexposé à l’érosion, est dangereux. C’est une suite de profonds ravins recolonisés par des acacias et des sureaux. Des chênes ont poussé depuis.

En bordure de plate-forme, le volume des remblais de stériles impressionne. Le spectacle vaut le coup d’œil. Photographiquement, il est très difficile hélas de rendre ses reliefs à l’espace forestier.

Au fil de notre parcours, nous découvrons des wagonnets. On parvient sans trop de mal à reconstituer le tracé du chemin de fer d’exploitation. Il est probable que l’installation a séduit plus d’un gamin.

Au terme de l’exploration, nous nous approchons d’un front de taille encore visible que nous prenons en photos. 

Une affaire très ancienne 

Le gypse est la résultante d’une présence marine il y a un peu moins de 300 millions d’années. Au Permien, nous sommes ici-même en bordure d’océan. Des lagunes se forment, se déforment pour se reformer. Des cuvettes remplies par intermittence d’eau marine s’étalaient. Soumises à forte évaporation, l’eau entraînait la formation de croûtes, de pellicules salines (5). Cette saumure est à l’origine du gypse actuel. Le gypse témoigne d’une époque géologique révolue, d’une eau piègée dans le creux de la roche.

Nous le remarquons, des dépôts sédimentaires marneux brunâtres s’intercalent entre les lits de gypse. Ils protègent ce minéral soluble et friable de la disparition. Ce gypse permien à l’aspect d’un sucre un peu rosé. Il est assez différent des gypses que nous avons déjà vu dans des carrières parisiennes, gypse qui sont de formation plus récente.

Le gypse est la résultante d’une présence marine il y a un peu moins de 300 millions d’années. Au Permien, nous sommes ici-même en bordure d’océan. Des lagunes se forment, se déforment pour se reformer. Des cuvettes remplies par intermittence d’eau marine s’étalaient. Soumises à forte évaporation, l’eau entraînait la formation de croûtes, de pellicules salines (5). Cette saumure est à l’origine du gypse actuel. Le gypse témoigne d’une époque géologique révolue, d’une eau piègée dans le creux de la roche.

Nous le remarquons, des dépôts sédimentaires marneux brunâtres s’intercalent entre les lits de gypse. Ils protègent ce minéral soluble et friable de la disparition. Ce gypse permien à l’aspect d’un sucre un peu rosé. Il est assez différent des gypses que nous avons déjà vu dans des carrières parisiennes, gypse qui sont de formation plus récente.

Étant donnée la nature même du gisement (épaisseur des couches, pendage des roches…) le gypse ne devait pas être facile à extraire.

Les grottes du « Poutou » ou du « baiser »

Nous employons notre après-midi à visiter les grottes du Poutou.

Traversant le village de Larroque, nous empruntons la route vers “La Salette” pour tenter de trouver les abris-sous-roche du Poutou sur la rive gauche de la Vère. Ils sont exposés au nord. Archéologiquement, ce n’est pas le meilleur emplacement (6). 

Ce baiser correspond à celui que donna une mère inquiète à ses enfants qu’elle cacha dans les cavités pour leur éviter une fin tragique lors de la Terreur en 1793. Tout au moins c’est la légende.

Il y a exactement cinq grottes dûment répertoriées (7). Des « fouilles » y ont été menées par le naturaliste Alfred Caraven-Cachin, à la fin du XIXe siècle. Il y trouva des traces moustériennes (silex) et des dents de renne. Il bien difficile d’en savoir plus à l’heure qu’il est.

L’accès aux grottes est compliqué. Le lieu, escarpé, met à rude épreuve nos capacités physiques. Dans l’aventure, Jean-Pierre est même blessé (8), sans gravité fort heureusement. À ce prix, après bien des hésitations et presque un renoncement, nous trouvons la plupart des cavités en question. Elles sont ancrées au pied des falaises comme il est classique en milieu karstique.

Nous constatons sans les explorer la présence de trois grottes (9) assez profondes. Deux manquent à l’appel. Notamment celle au « grand porche ». Mal équipés, fatigués, nous rebroussons chemin mais bien décidés à revenir. L’expérience aidant, ce devrait être plus facile.

Notes 

(1) Peut être d’origine italienne pour Bernard. Nous tirons nos information surtout de Daniel Loddo, Gents del pais gresinhol, Cordea, La Talvera, Cordes, 2010. Nous disposons de quelques témoignages oraux.

(2) C’est aujourd’hui un hameau en ruine. Il exista quelques années durant une verrerie à Merlins. Il n’y a pas si longtemps on pouvait y admirer un creuset. Il a disparu.

(3) Ils sont d’ailleurs forts intrigants par leur dimension.

(4) Les indications en matière d’orientation ont été données par notre ami Henri Guibert à Bernard Alet. Henri les tenait des chasseurs. Faites-en vous-même l’expérience. Sans guide, il est très compliqué de se repérer. Le lieu est passablement sauvage. C’est un terrain de chasse privé à présent.

(5) C’est d’ailleurs le même principe que les marais salants.

(6) Le lieu idéal est bel et bien celui de la paroi de Larroque visible derrière les maisons du dit village. Un vrai gruyère. Si les plus anciens ont des informations sur l’accès à ces parois, nous sommes preneurs. Plus à l’est, exposé plein sud, le site de Rouquette est beaucoup mieux connu.

(7) Nous nous basons sur Christian Nespoulous, Inventaire spéléologique du Tarn, SSPCV, Département du Tarn, 2, date de parution inconnue. Cet ouvrage précieux est à présent épuisé.

(8) Un caillou dans sa chute lui a percuté le haut de la joue. Il va mieux à l’heure qu’il est. Au moins que cette mauvaise aventure nous serve de leçon dans nos « stratégies » d’approche.

(9) La 4, 5 et 6 d’après les descriptions de Christian Nespoulous.

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