Les mines de fer à ciel ouvert de La Barrière (dit souvent « Janade » qui est plus à l’est), hauts fourneaux et forges de Bruniquel (Tarn-et-Garonne)
Comme prévu lors de la dernière Assemblée générale, cette année les investigations du CAPA porteront surtout sur le travail du fer dans l’Albigeois. Il s’agira de dresser un bilan de la localisation des sites à l’aide des fiches de visite recueillies depuis une vingtaine d’années. Une carte sera dressée qui permettra de compléter celle de Marie-Pierre Cousture (1). C’est suite à une discussion avec elle que nous nous sommes rendus à Puycelsi pour localiser les mines de fer à ciel ouvert dite de « La Barrière » (ou parfois « Janade »). L’enjeu est surtout à moyen terme de trouver des traces plus anciennes de récolte et d’artisanat.
Une page de l’histoire du capitalisme : la soif du fer
L’histoire est bien connue par les archives (2); elle remonte à 1796 quand Jean-Bapiste Garrigou se voit attribuer la concession de minières à Puycelsi et Penne. L’exploitation passant de main en main capitalistes durera trois quart de siècle. Elle cessera définitivement en 1875. Sur les péripéties, fort intéressantes par ailleurs, nous passerons. Disons qu’elles montrent à quel point le fer devient un enjeu crucial en ce début du XIXe siècle. Coûte que coûte, il faut en produire. On s’acharne à gratter les montagnes. Les projets les plus risqués sont mis en œuvre, toujours encouragés par l’État. Même les territoires les plus isolés entrent dans l’aventure industrielle.
Les minières
Il semble que plusieurs « gîtes » furent sondés au sud de Penne mais c’est surtout à Puycelsi que l’exploitation fut la plus active. À Payrol, à proximité de l’église de Saint–Maurice de Camps, à Laval, à Lascroux et enfin à La Barrière. C’est précisément en ce lieu que nous nous sommes rendus.
Hormis à Pennes sur le causse, il n’apparait pas d’autres gisements et exploitations de fer dans la Grésigne et alentours jusqu’à présent. Et ce, en dépit de toponymes fort révélateurs comme la « tour de Métal » (3).
Les conditions de la production
Durant la période, le minerai était transporté à dos de mulet (4) jusqu’aux hauts fourneaux et forges de Bruniquels à Caussanus sur les bords de l’Aveyron (5) en suivant la vallée de La Vère. C’était un va et vient continuel et un commerce autour des convois.
Ainsi, la ferme de Pontbourguet servit de relai pour les mulets et leurs maîtres, les voituriers (6).
Le lavage du minerai n’avait pas lieu sur place apparemment. Sa localisation reste énigmatique.
Pas de doute que les activités de bûcheronnage comme charbonnière aient été stimulées. Il s’agit de nourrir des hauts fourneaux très gourmands en énergie. Forêts de Grésigne et de Vaour seront mises à contribution. Le déclin des forges et hauts fourneaux de Bruniquel correspond d’ailleurs à l’affirmation du charbon de terre.
Tels sont les faits consignés par les archives.
Du minerai en grains
La nature du minerai consiste en des altérites ferralitiques en nodules. Elles sont issues de paléosols qui ont comblé le karst. Grosseur : du petit pois à la pomme. Au cours du temps, des propos plus ou moins qualifiés s’opposent quant à la qualité de ce minerai à la fois primé et décrié. Nous nous garderons bien de donner un avis.
Un sous-bois criblé de fosses
Aux Barrières, Agnès Martin nous accueille avec une extrême gentillesse et nous fait visiter les lieux juste derrière sa maison d’habitation. C’est sa propriété.
On devine le mode d’extraction. Ce sont des gisement superficiel de surface. On vide le minerai meuble qui remplissait les cavités creusées par l’eau depuis la surface.
Résultats: des excavations en entonnoir de deux mètre de profondeur maximum, gossiérement circulaires, plus ou moins comblées ou inondées avec le temps.
Quelquefois, des tranchées relient deux cuvettes. Peu de haldes, de stériles visibles. Ce qui ne manque pas d’interroger d’ailleurs.
Les cuvettes se répartissent de façon anarchique reliées par des chemins ou des pistes. Reste un plan à dresser. Aucun habitat annexe (hangars) ne semble associé à cet ensemble. Pas de moyen bâti de garder l’eau.
Autres remarques en matière archéologique
De très épais murs de clôture en blocs calcaires (stériles de la mine?) couvre la partie nord des lieux. Peut être la fameuse « barrière« du toponyme.
La vocation du lieu au XIXe siècle ne fait pas de doute mais il est difficile de relever l’existence d’une exploitation du minerai antérieure tant le relief est défoncé, tant le couvert végétal empêche la visibilité. Aucun vestige de transformation du minerai en métal. Pas de scories et même peu de stériles.
Les autres sites moins exploités et moins connus peuvent réserver des surprises. Nous devons aussi prospecter à proximité du ruisseau de Bouysselou à l’est du site actuel.
En marge de notre objectif initial, nous nous sommes rendus à un tombeau par les ruines de l’ancienne métairie de Loubers.
Notes
(1) – Depuis 2011, des recherches (prospections et sondages) sont menées par cette scientifique du CNRS et de l’université du Mirail pour inventorier les mines et les traces d’artisanat du fer dans le département pour les périodes anciennes (avant le Moyen Âge). Entre autre, il s’agit d’établir la provenance des barres de fer protohistoriques de Montans en mettant au point une traçabilité des minerais du Lacaunais, de l’Ambialades et de la Montagne noire. Elle permeterait de mieux connaître le commerce du fer.
(2) – Nous suivons Raymond Granier, Les minières de Penne-Puycelsi et les forges de Bruniquel(1796-1880), Revue du Tarn, 1978; Daniel Loddo, Gant del pais gresinhol, Cordae, Cordes, 2010; Adrien Béziat, Monographie sur Puycelsi,1972
(3) – Ce n’est pas faute d’avoir cherché. Plusieurs approches déjà se sont révélées infructueuses. Nous ne désespérons pas.
(4) – Des sacs jusqu’à 150 kg peut-on lire.
(5) – Le lieu changea à plusieurs reprises de type de production. On y voit encore des cheminées et des bâtiments délabrés. Un canal de 160 mètre de long et 6 mètres de large fut creusé pour l’occasion.
(6) – Apparemment très remuants au niveau syndical.