l’église de Léjos et ses alentours et les pentes du Bruc, aires d’ensilage à Montdragon-village à visiter, église Notre-Dame à Cahuzaguet (Saint-Grégoire)

Une ossature gothique

D’abord nous nous rendons à l’église Saint-André de Léjos dont Mme Boudou (1) nous ouvre les portes.

La première mention des lieux remontent au début du XIVe siècle. Connaître son origine n’est pas facile tant les archives sont pauvres, tout au moins pour le Moyen Âge. On sait qu‘elle était déjà une église « paroissiale » au XIVe siècle. Il faut s’en contenter.

Chevet plat, clocher mur, voûtée sur croisée d’ogives, rien de visible ne permet de la dater de la période romane. Les culs-de-lampe qui supportent la retombée des arcs présentent parfois des écussons bien lisibles.

Cette église en bon état ne présente pas d’originalité particulière. Elle entre dans la catégorie des petites églises rurales du Réalmontais que nous avons déjà étudié avec Saint-Sernin de Lombers en 2014 (2).

Pas d’originalité particulière, si ce n’est sa hauteur qui surprend. À ce sujet, émettons quelques hypothèses que viennent étayer les travaux les plus récents (3).

La proximité d’une voie ancienne, une position en surplomb au dessus d’un vallon déterminèrent assez tôt, semble-t-il, un habitat. La présence avérée d’une source (4) et d’un puits (5) ont dû jouer à l’actif de Léjos.

À la merci des pillards

Mais la particularité du lieu, somme toute, semblable à beaucoup d’autres tient dans les caractéristiques d’un fort villageois. En effet, Léjos se range dans cette catégorie.

D’après Cédric Trouche-Marty, il faut remonter au milieu du XIVe siècle pour assister à un phénomène de fortification de ces habitats isolés dans l’Albigeois.

Pas de château à Léjos. Ici, le phénomène se déploie à deux niveaux. La mise en place probable d’un dispositif défensif autour des maisons avec fossés et parfois murailles. 

Ensuite, l’utilisation certaine de l’église comme base de repli avec les aménagements militaires en conséquence. L’église est en quelque sorte – et au moins pour un temps – transformée en maison forte.

Autodéfense paysanne 

Ce phénomène de « forts villageois » révèle l’insécurité qui règne dans le Réalmontais durant la guerre de Cent Ans. Des bandes de pillards sillonnent et rançonnent le Réalmontais. Les « Anglais » (7), installés à la lisière de l’Albigeois, lancent des raids. Ils laissent les communautés villageoises démunies. Pour elles, deux solutions : fuir vers la ville ou rester et résister au village au prix de réaménagements. Les paysans assurent leur propre défense. Le phénomène n’est pas spécifiquement tarnais, il a été étudié surtout en Auvergne mais aussi dans l’Aude et le Quercy.

L’enjeu est de fournir un refuge collectif temporaire pour les populations apeurées des fermes alentours (6).

Une église forteresse

Il fait peu de doute que l’église Saint-André ait subi une campagne d’aménagements à cette époque troublée (8). Pour ce petit village isolé, l’édifice religieux s’impose comme un lieu de refuge par excellence. 

Aussi, au XIVe siècle, un réhaussement avec plancher(s) au-dessus de l’extrados en témoigne. Il est réalisé en blocs de grès bien équarris. Ce réduit, on le gagne aujourd’hui par une tourelle exposée au sud, côté cimetière. Pouvait-on y parvenir par le clocher ? Pas impossible.

Ces combles servaient-elles temporairement à entreposer la nourriture des fermes des alentours. L’hypothèse n’est pas dépourvue de vraisemblance.

Léjos à l’épreuve des guerres de Religions

Après un repit d’une centaine d’année, c‘est partie remise, à l’époque des guerres de Religions. Elles couvrent dans notre région une période de 70 ans. En gros, de 1560 à 1622 avec la réddition de Lombers. De nouveau, les lieux servent de refuge. Alors on relève, on restaure et complète les défenses préexistantes devenues obsolètes. Quand cela ne suffit pas, on reconstruit ou on agrandit les combles de façon plus rudimentaire toutefois (9).

L’église eut à souffrir de l’épisode d’une guerre civile si l’on en croit l’archevêque d’Albi, Le Goux de La Berchère qui, en 1700, évoque une démolition par les huguenots. Il se garde bien d‘en préciser la date et les circonstances.

On perce deux fentes de tir sur la façade sud.

Dans cette pièce haute, nous avons tenté de repérer, mais sans réussite, d’éventuelles inscriptions ou graffitis à l’aide d’un éclairage puissant. Nous ne désespérons pas de parvenir à un résultat. 

Par ailleurs, l‘église Saint André devait s’intégrer dans un système plus vaste regroupant aussi les maisons entourées de fossés. Le parcellaire du cadastre napoléonien suggère que le hameau d’aujourd’hui est un peu différent du village d’hier dans sa configuration.

Au sud, au-delà du cimetière, un talus abrut encore bien visible aujourd’hui. 

Au nord, un fossé résulte d’un aménagement ancien. Apparemment, aucune maison actuelle ne porte les traces matérielles d’une fortification. 

L’ensemble forme un enclos rectangulaire autour de l’église. On devait  pénétrer dans le village aussi par le sud. Ce n’est plus les cas aujourd’hui.

Fin de parcours

En suivant la voie ancienne nous relevons un fragment de meule de Marèze. Un véritable « complexe » de garennes/clapiers suscite notre étonnement.

Nous poursuivons notre visite par une recherche d’aires d’ensilage sur les pentes du Bruc. De l’argile plein les chaussures, nous rentrons.

Notes

(1) – Cette dame très aimable détient les clés de l’église.

(2) – Christophe Mendygral, Des sarcophages à Saint-Sernin de Lombers, Archéologie Tarnaise, n°16, 2014

(3) – Nous nous fondons surtout sur le travail de Cédric Trouche-Marty, Forts villageois ecclésiaux et églises fortes dans l’Albigeois des XIVe et XVe siècles, Archéologie Tarnaise, n° 17, 2015
(4) – Le sol de la nef en témoigne. À l’est, à l’approche du coeur, il est humide et ce depuis le … XVIIIe siècle car Berchère déjà le mentionne .
(5) – Admirable dans sa confection bien postérieure au Moyen Âge. Il est très sophistiquée.
(6) – Il n’est pas exclu d’ailleurs que les routiers eux-même aient été à l’origine des œuvres de fortification à maintes reprises comme les archives l’indiquent. Ces villages sont un enjeu pour les troupes puisqu’ils servent de base arrière pour attaquer les villes beaucoup plus attrayantes.

(7) – Ils n’ont souvent “d’Anglais » que l’appellation. Ce sont davantage des paysans déracinés, des nobles déclassés venus du Bordelais ou de Gascogne.
(8) – Pour ne parler que du Réalmontais, c‘est loin d’être un cas isolé: Fréjairolles, Dénat, Pouzols, Orban, Sieurac, Saint-Pierre de Conils, Roumégoux, Fauch, Teillet
(9) – Deux inscriptions d‘année sont mentionnées sur l’église: 1628 à l’angle extérieur du mur goutterau et du chevet, en hauteur. 1666 au-dessus du linteau du portail en grès.

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