Sites des verreries ou « verrières » de Combenègre, du Lagast et de Ginestet, Castelpers, Roc de Miramont …

Le premier atelier de verrier que nous avons visité sous un beau soleil matinal est celui de « Combenègre » dans la commune de Centrès. Sur les rivages du Viaur dans une forêt de hêtres, le site fut fouillé lors de l’hiver 1981 par une équipe de Lucien Dausse. Un bulldozer avait éventré un dépotoir pour tracer un chemin de randonnée. Dès lors, les débris de verre attiraient une foule de curieux. Les tentations étaient trop grandes de creuser pour ramener des trésors. Il fallait agir. Un chantier de fouille fut lancé.


Sur le bas du site, les archéologues mirent au jour un « cendrier ».  C’est l’épaisse couche de cendres résultant de la chauffe. Cendres dont on se débarrasse comme on peut. Si possible pas trop loin du lieu de production.

Plus haut, ils relevèrent des dépotoirs avec des débris de verre. Il fut même possible de dater l’accumulation grâce aux objets présents, notamment  un liard de France de la seconde moitié du XVIIe siècle. La céramique, quelques boutons et la pièce laissent entrevoir un fonctionnement encore au début du XVIIIesiècle.

L’atelier se présentait à l’époque, et se présente toujours d’ailleurs, sous la forme d’un mur de pierres sèches sans fondation de forme presque carrée avec des seuils d’ouverture. Deux exactement. Ils permirent de localiser le niveau de circulation.

Au dessus, ce mur devait supporter un toit en matière végétale (genêt, paille?). D’après les observations de Lucien Dausse, il est fort probable que le sol était en terre battue.

Les fours de fusion et de recuit

Élément principal de l’atelier, le four de fusion ressortait de 1,40 m  au dessus du niveau de circulation à l’époque. La sole qui portait la matière à chauffer était composée de plaques de schiste alignées. Elle était percée par une lunette, le trou de chauffe. La sole conservait encore quatre fonds de creuset. Un départ de calotte hémisphérique fut relevé. Une sorte de dôme couvrait donc le four. Il était percé de deux fenêtres, pour dire mieux, de deux «ouvreaux » afin de cueillir le verre en fusion qui reposait dans les creusets.

Ces pots en terre réfractaire épurée dont on a retrouvé ici et là des fragments étaient de couleur brune violacée suite à la chauffe. Nous l’avions évoqué lors d’une sortie précédente. Ici, l’observation des spécimens retrouvés montre qu’ils étaient montés au colombin. L’attestent les ondulations des parois. Ces creusets étaient probablement importés comme en témoigne l’empreinte du tissu grossier qui avait servi à les transporter. Les creusets étaient remplis du mélange vitrifiable. À savoir du sable, de la soude, de la chaux et du verre récupéré. Le dosage exact relevait du secret de famille.

Au-dessous, creusé dans les schistes et encore tapissé de verre fondu, un alandier, autrement dit, une chambre de chauffe. Elle était destinée à recevoir le bois. On alimentait les flammes en passant le combustible par une bouche, suivie d’un couloir, c’est le tisard.

En outre, il existait un four de recuit soit partie intégrante du four de fusion, soit séparé de celui-ci (comme dans notre cas) mais jamais très loin.

 Verrerie sans surprise

La structure de la verrerie de « Combenègre » est donc sans surprise dans sa construction.

On fabriquait dans cet atelier un verre de couleur vert foncé. C’est le verre dit de «fougère», résultant « certainement » de l’utilisation comme fondant des cendres de cette plante. 

« Certainement » car tous les scientifiques ne partagent pas cette analyse(1).

Ce qui est sûr, c’est que l’usage de la cendre des végétaux, riche en potasse, va permettre d’abaisser le point de fusion très élevé du sable afin d’économiser du combustible. Selon le type de cendre utilisé, le verre va présenter des propriétés particulières. Des propriétés et des couleurs. De telle sorte qu’il n’est pas impossible de donner une origine à la production. Cependant, il arrive que le verrier utilise du verre cassé ou amène un fondant de milieu marin comme la salicorne. Dès lors, tout devient très, très, compliqué. Sacré gageure de savoir si le verre provient de “La Grésigne ”, de la Montagne Noire, de l’Aveyron ou d’ailleurs !Il conviendra toujours de tempérer l’enthousiasme des vendeurs de « verre de La Grésigne » sur internet.

Le verre de couleur verte représente la majorité des restes à “Combenègre” mais on remarque, ça et là, quelques verres incolores dont l’origine est, peut-être, le fondant de hêtre.

Par ailleurs, on y préleva du verre à vitre et du verre à boire (bouteilles, gobelets et verres à tige). Les gobelets avaient une paroi ondulée moulée. Des décors en forme de cordelines cylindriques agrémentaient les bouteilles. Ils étaient rapportés à chaud.

Deux outils seulement ont été exhumés. Un fragment de canne à souffler près de la porte du foyer du four de recuit. C’était un tube de fer creux d’environ 1 cm de diamètre pour un mètre cinquante de long. Il permettait de souffler le verre qui « collait » à son bout. L’objet était renflé à son extrémité.

Le deuxième outil retrouvé est un morceau de moule en argile dans lequel on soufflait la boule de pâte, pour la coincer en quelque sorte. Le moule donnait une forme au verre.

Ce jour-là encore quelques échantillons de verre, bullé de gaz, ont été retrouvés sur les lieux dans un état de fraîcheur inégale. Nous le constatons, le verre se décompose sous l’action de l’humidité et des matières organiques. D’abord à la surface, puis en profondeur. Il devient de plus en plus friable et disparaît. Cela pose des problèmes en terme de conservation. Même au CAPA avec des morceaux découverts à Lombers.

Quelques menus fragments de verre découverts autour du four.

À Auriac-Lagast, la verrerie d’un certain monsieur Colomb-Delsuc

À quelques détails près, même type de four en forêt de “Lagast” sur la commune d’Auriac-Lagast. Encore à proximité d’une route. Cet atelier est plus récent puisqu’il ne remonte qu’au début du XIXesiècle. Des traces d’archives nous donnent – une fois n’est pas coutume – le nom du constructeur et exploitant. Il s’agit de Jean-Baptiste Colomb-Delsuc(2)descendant d’une famille de verriers rouergats. Nous sommes un peu avant la généralisation des fours à charbon qui s’installent en 1842 à Boisse-Penchot pour le Rouergue. 

Le mur de l’atelier a disparu mais la structure du four de fusion s’est maintenue jusqu’à nos jours. Elle s’offre au regard facilement dans une clairière. L’emprise au sol est sensiblement identique à celle de “Combenègre”. La terre forestière,  toute autour, recèle, outre des débris, des roches vitrifiées, des champignons que ramassèrent à pleine brassée Régine, Camille et Charlette.

Un panneau adéquat explique aux visiteurs curieux le fonctionnement du four. Ce qui n’est pas superflu. Nous exhumons quelques échantillons. Ce site à notre connaissance n’a pas fait l’objet à proprement parler de fouilles. Il témoigne d’un passé artisanal révolu.

En résumé, à partir du XIVesiècle, tout se passe comme si des verriers du Languedoc, de Provence ou d’Italie s’installent en Rouergue où ils profitent de ressources forestières nouvelles. Et ce jusqu’au début du XIXe. Une cinquantaine de fours ont été recensés en Aveyron. Une trentaine dans le Ségala et une vingtaine dans le sud du département du Tarn(3). Ils produisent du verre creux utilitaire et des vitres. Le secteur de la verrerie devait représenter une activité économique loin d’être négligeable pour la région. Sur le lot, très peu de verreries ont été véritablement fouillées.

Croix-menhir avant la verrerie du « Ginestet » (Centrès)

Un rapide déjeuner fut  le bienvenu (cela va sans dire). Il se déroula sous un beau soleil à proximité de l’oratoire de “La Capelle Farcel”. Le périple reprit peu après. Nous nous dirigeons ensuite en voiture vers la verrerie du “Ginestet”. 

Au passage, nous nous arrêtons devant une croix-menhir du Levezou dont l’implantation au bord de la route n’est pas d’origine. Le mégalithe qui attire notre attention est de facture grossière, en schiste. Ces croix – car il y en a plusieurs sur le plateau – sont à l’origine probablement des mégalithes que les Chrétiens ont transformés en croix. Soit que celles-ci soit gravées sur la pierre, soit que la pierre levée soit taillée pour lui donner une silhouette moins phallique et plus chrétienne(4). Ainsi, à peu de frais, l’Église détourne à son profit des pratiques anciennes qu’elle réprouve. Les équivalents sont courants dans toute l’Europe occidentale à partir du Moyen Âge.

Par la suite, l’opération consista à descendre profondément au bord du Viaur sur un chemin aménagé de vieille date au flanc du versant exposé au soleil. Le tracé est sinueux. La pierre est parfois entaillée. Ce ne fut sans doute pas une partie de plaisir que de tailler le chemin qui montre aujourd’hui des signes de faiblesse.

Il conduit presque directement à une verrerie dont la présence est indiquée par un panneau.

C’est ici qu’il s’achève pour Louis. Reste une sole et des traces de creusets associés à une paroi rocheuse, le tout guère éloigné de la rivière dont les rives ont subi des aménagements. La structure est en mauvais état, aux prises aux ronces et aux végétaux. Si ce n’est l’état de délabrement, les restes encore en place ressemblent aux deux autres sites visités précédemment. À proximité du chemin et dans un chablis, Régine et Camille recueillent des morceaux de verre. Le lieu reste entouré de mystère quant à sa création et son fonctionnement.


Merci à Louis Falgayrac pour son impressionnante connaissance des moindres recoins du Viaur. Il nous a guidé tout au long de la journée.

Notes

(1) – Bernard Pajot conteste que la couleur verte soit le résultat d’une utilisation de la potasse.
(2) – Alain Goulesque accomplit une belle recherche d’archives sur ce maître verrier.
(3) – Dominique Guibert, Verrerie et verreries du Rouergue, Patrimoni, n° 31, mars/avril 2011
(4) – En l’occurrence, celle-ci, vous remarquerez est marquée par l’ébauche d’un bras.

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