Un possible piège à loup dans les Monts d’Alban
Parmi les bêtes qui occupent une place de choix dans notre imaginaire, il y a le loup.
Longtemps cantonné à la « petite histoire », le voilà qui entre peu à peu dans la grande suite à des ouvrages comme L’homme contre le loup, une guerre de 2000 ans ou Histoire du méchant loup, 3000 attaques sur l’homme en France de Jean-Marc Moriceau. Ouvrages qui animèrent la polémique dans le contexte que vous savez. D’un côté les zoologues et les écologistes qui soutiennent que le loup est un animal inoffensif pour l’homme, de l’autre, les historiens qui à grand renfort d’archives prouvent qu’il n’en est rien. Sur la question de l’anthropophagie du loup, nous nous garderons bien d’avoir un avis tranché. Quant aux traces matérielles de sa présence, il faut enquêter.
Le Centre de Recherche du Patrimoine Rieumontagné a mené un formidable recensement d’anecdotes d’archives liées aux loups à l’échelle du Lacaunais et plus largement du Haut Languedoc.
La toponymie, elle aussi, témoigne de la longue existence du carnassier à côté des hommes. Existence tranquille ( Loubatière à Ambialet, Loubière à Montroc, Loubers dans le Cordais, ) ou plus pénible pour le fauve (Loup pendu en Grésigne).
Piéger l’ennemi public n°1
Après les archives et la toponymie, partons à la recherche de traces matérielles. Outre les pièges mobiles, le piègeage bâti sous la forme de fosses mais aussi de trappes, de tranchées, de labyrinthes a existé. Comme le montre le Livre de Chasse de Gaston Phébus, dès le XIVe siècle tout un arsenal est mis en place. Au XVIIIe siècle, il est repris tel quel, à peu de chose près, dans L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert.
Dans l’Albigeois, les traces bâties de piège à loup sont rares. Soit qu’elles soient inconnues, soit qu’elles aient disparu avec le temps. Aussi quand une habitante de Paulinet attira notre attention sur une possible structure nous fîmes le déplacement, intrigués.
Les sources d’information sur la nature même de la structure sont oraux. En ça, ils peuvent bien sûr être mis en doute. Nous n’avons pas mené de recherche d’archives. Elles ont bien des chances de s’avérer vaines. Le cadastre napoléonien ne mentionne pas le piège en question. Peut être la construction est-elle d’ailleurs bien postérieure au premier levé du début du XIXe siècle.
L’édifice est construit à une vingtaine de mètres d’un chemin sur le haut du flanc d’un versant exposé au nord. En décroché dans la pente, il profite d’un affleurement rocheux en sailli dans une forêt de chênes et de châtaigniers. Le lieu est actuellement assez éloigné d’habitation. La première est à 900 m à vol d’oiseau.
Un exemple atypique à Paulinet
Voilà l’architecture de la structure. A vrai dire, elle n’offre rien de vraiment caractéristiques si on la compare au relevé fait en Lacaunais voisin. La forme s’inscrit dans un trapèze presque isocèle ouvert à sa base sud. Sa hauteur actuelle est de moins d’un mètre pour trois de long à son maximum. L’intérieur est marqué par une légère inclinaison vers le nord dans le sens de la pente du versant. Une grosse dalle est fichée verticalement au sol au fond de la structure. L’absence d’ouverture sur les côtés ne milite pas pour un affût.
Sans couverture, la structure est montée en pierres sèches (dalles en plaque de schiste local de dimensions diverses, juste équarries) et présente des deux côtés e/o, des parois légèrement déclives par encorbellement, ce qui a fragilisé la couverture. S’est-elle effondrée ? Aucune trace cependant. Est-t-elle ainsi pour accueillir une couverture végétale ?
Il faudrait mieux observer le bâti en question, actuellement couvert de mousse et de fougères, sur le haut. Si la solution du four parait exclu, la cabane de berger est probable : ouverture au sud et guère éloignée du chemin. Par ailleurs, d’autres éléments bâtis détruits accompagnent ladite structure dont il est impossible de donner l’origine.
Des mesures de salut public
Gariote? cabane? piège à loup? Étant donnée la variété des spécimens plus ou moins bâtis répertoriées à l’échelle de l’Europe, en l’état, il est difficile d’apporter une conclusion définitive.
Très tôt, les hommes se sont organisés pour lutter contre les fauves avec plus ou moins de réussite. D’abord, l’élimination fut l’affaire des lieutenants de louveterie. Pas question de partager le privilège de chasser avec les paysans. Aussi il faut attendre la Révolution française pour assister progressivement à un recul général des populations de loups. Aux classiques battues, filets, mâtins, sonnailles (et même prières) s’ajoutent la strychnine et le fusil à percussions. A partir de 1795, leur carcasse fait même l’objet de primes. Variables dans le temps, celles-ci dépendent de la nature de la bête ( âge, mâle ou femelle, enragée). Ainsi, une véritable politique d’éradication est mise en place. Elle se renforce encore sous la IIIe République.
Aussi la présence du prédateur régresse jusqu’à disparaître dans le département à la toute fin du XIXe siècle. Depuis 2015, celui-ci est de retour dans l’Hérault. Il mène des incursions en Montagne noire autour du Pic de Nore. Mais c’est une autre histoire.
Une fosse à loup a été reconstituée à côté de la maison de Payrac.