Maison Barret et ses alentours, le château de Milhars

Une maison chargée d’histoire

Vue oblique des lieux visités (source: géoportail) 

Ce jour-là nous rencontrons Marc Barret, à l’intiative de Pierre Fèvre présent avec nous tout au long de notre de visite (1).

De l’histoire de son actuelle demeure, il rappelle son nom ancien : “la maison des Gardes”, son achat il y une dizaines d’années par des Anglais et la présence entre les deux guerres d’Espagnols qui vivaient là dans des conditions précaires (2).

Cette maison était à l’état de ruine, il y a 20 ans remarque Bernard.

Marc Barret nous accueille à l’intérieur de la partie nord de sa demeure.
Elle comporte une grande cheminée assez semblable à celle de l’abbaye de Vaour avec des niches latérales remaniées.

Les murs sont appareillés avec des moellons de calcaire local juste ébauchés, du grès souvent pour les encadrements et les chaînages. Il y a même du tuf quelquefois.

Le sol est une calade refaite récemment. Il consiste en un pavage en galets. Galets éparpillés, noyés dans une chape de béton où Marc Barret trouva une pièce de l’époque de Louis XIII que nous n’avons pas pu voir. Il trouva aussi des médaillons contemporains de la présence des Espagnols.

La calade est constituée de galets enfoncés dans un lit d’argile. Là où elle été restaurée l’argile a été remplacé par un mortier à la chaux. Les joints aussi ont été réalisés à la chaux avec du sable de Lexos.

Il nous montre un fragment de pierre tombale trouvé « vers la château ». Il est gravé et la visibilité est parfaite. Je le prends en photo. Il est – semble-t-il – en calcaire gris bleuté qui jure assez avec le calcaire local. On y voit très clairement un armet à plume de parade (type XVIe siècle). On devine une visière. On remarque la protection de la nuque. Il y a une fleur de lys également (3).

Fragment de pierre tombale en provenance du château

Nous pénétrons, ensuite, dans le deuxième corps de bâtiment sud qui paraît plus ancien. Après la cuisine, s’ ouvre une grande « chambre » rectangulaire, très haute, appelée « salle des gardes » par Marc Barret. Elle comprend deux étages qui possèdent chacun une cheminée. On y voit un parement en moellons calcaires équarris à joint incertain. Il ya des calages d’assise. Le sablage a décapé les mortiers anciens. La pose est irrégulière. Nous prenons des photos.

La cheminée à l’ouest de la pièce présente une «plaque foyère» en pierre (3). Nous la photographions (4).

La pièce conserve d’une époque indéterminée le percement d’une fenêtre à menaux qui donne au sud. Elle ne présente la trace d’aucune archère. Au plafond, solives et poutres ont été refaites récemment.

À présent, nous descendons au sous-sol. Une cave voûtée avec soupirail au nord. Les moellons sont couverts d’un badigeon. Elle est construite sur et avec l’assise du banc calcaire qui affleure à ce niveau. Il n’y a aucune trace de silo nulle part. Rien de particulier à signaler.

Un four banal (5)

Nous gagnons ensuite le « four banal », un des rares exemplaires encore debout dans le Tarn nous a confié François Tourtoin (délégué départemental de la Fondation du Patrimoine). Il est en assez bon état. C’est un four sous abri (construit selon un mélange intéressant terre/calcaire/grès) avec une charpente sur laquelle repose directement les tuiles. Le toit en question menace de s’effondrer. Le four, en tant que tel, est hémisphérique. Le socle et la sole sont en assez bon état, la voûte, où dormait une chauve-souris Rhinolophe, un peu moins. Pour la réfection, le coût s’élèverait entre 15 000 et 30 000 euros nous confie le propriétaire dans l’expectative.

C’était, nous confie Marc Barret, le four du seigneur. Il est en fonction au tout début du XVIe siécle. Les habitants avaient droit au four à pruneaux, au four à chataîgnes mais le four à pain était collectif et son utilisation faisait l’objet d’une taxe. 

Sous le four, nous observons une cave voutée que Marc Barret considère comme une prison à cause de son double système de portes. On y accède par un escalier droit. Nous éclairons à la lampe une couche de galets dans la partie nord de la pièce. Elle soutient un mur hémisphérique d’origine peut être plus ancienne que la cave.

Le château de Milhars

Nous nous rendons ensuite devant la grille du château en passant par le tunnel (6) où se tient une exposition et l’orangerie. Nos guides évoquent les figures d’Albert Lemaitre, peintre longtemps propriétaire du château. C’est la famille Lamborelle qui en est actuellement propriétaire. Les caves du bâtiment remonteraient aux premières phases de la construction. Nous n’avons pas pu le vérifier.

La bâtisse actuelle est le résultat d’un réaménagement courant XVIIe siècle visant à la rendre plus confortable. Des archives témoignent de l’opération. Une tour existait à l’est avant son effondrement et sa démolition complète en 1882. Le cadastre en conserve la trace. Le bâtiment est classé MH depuis 1943. Cela n’a pas empêché l’effondrement d’un mur de soutenement au printemps 2014. Heureusement sans victime.
À noter : nous constatons la présence de sarcophages en morceaux à côté du four banal dans les friches au nord. Ils proviendraient de la vallée du Bonnan. Nous nous promettons de revenir sur les lieux avec l’autorisation du propriétaire.

Nos deux amis subodorent l’existence d’une courtine et d’une porte à l’ouest. Ils nous montrent la trace possible d’un ancien rempart. Aucun indice de fossé cependant. Ils sont apparemment divisés sur l’emplacement du « lac avec vivier au lieu dit Le Parc » réalisé au XVIIe siècle dans la foulée de la rénovation du château. Sur la hauteur pour Pierre, plutôt en bas en fond de vallon pour Marc.

Un bâti plutôt composite vous le constatez. Peut être un tronçon de rempart.

Plus au sud, en façade, nous distinguont assez facilement deux périodes dans la construction de la maison Barret. Autant l’aile orientale montre une finition maladroite, autant le corps de bâtiment sud présente un aspect plus régulier dans le parement. La partie la plus ancienne de la maison s’intègre-t-elle à une étape des fortifications du bourg castral ? Ce n’est pas impossible. Reste à savoir quand et comment. Sa position actuelle à l’extrémité ouest du village sur le chemin de Bonnan est un argument favorable à cette étape.

Une construction en deux temps

Le village de Milhars organisé en colimaçon autour de son château perché présente un intérêt historique et archéologique. Ce n’est pas une bastide, ni un bourg marchand, mais il a toujours entretenu un soucis de sécurité visible à travers des remparts qui vont doubler ou compléter ceux du châteaux, en plusieurs phases, à des moments divers de l’histoire notamment lors des périodes de troubles. On parle de fortification collectives c’est-à-dire pour tous les habitants et pas seulement pour les seigneurs. C’est d’ailleurs le cas pour les autres villages du Nord du Cordais. Au préalable et pour précisez la chronologie, un travail d’archives doit être mené avec une problématique claire de recherche.

Pour le four, nous conseillons à Marc Barret d’établir un dossier d’inscription (7) au préfet pour trouver par la suite un financement plus facile auprès des services publics ou de partenaires semi-privés comme la Fondation du Patrimoine. Elle vient d’ailleurs d’agir à Milhars pour une « maison de caractère ». Qu’il s’inspire aussi des financement pour la restauration du four de Magné à Haute-Serre en Grésigne. Ce four gagnerait à être dessiné et mis en plan.

Quant au bâti du village, il mériterait – au moins à certains endroits précis – une étude attentive de celles qu’ont mené récemment Élodie Cassan pour les bourg castraux autour de Cordes et Cédric Trouche-Marty dans le dernier AT17 pour les bourgs castraux en Albigeois. C’est très à la mode, décidément. Et c’est tant mieux.
Le dernier colloque sur « la maison médiévale en Aveyron » en 2013 est aussi riche d’informations. Il est en ligne gratuitement.

Affaire à suivre en tout cas.

Notes

(1) Nous les remercions bien sûr pour leur accueil.

(2) C’est en effet, une vingtaine de familles qui vinrent s’installer dans le Cordais.

(3) D’autres pièces de collections, extérieures à notre région, nous sont montrés comme un moule à osties, un canon de réjouissance (XVIII-XIXe siècles) et même un miroir aux alouettes.

(4) Elle peut servir à étudier celle du Puy-Saint-Georges à l’étage dans la tour qui depuis longtemps intrigue.
(5) Il appartient au seigneur du village qui contre l’usage aux habitants fait pays une banalité, une taxe.

(6) Salle basse voûtée qui sert d’entrepôt pour les tonneaux de vin.

(7) Nous nous posons la question de savoir si il n’est pas déjà inscrit dans la cadre du rempart et de « ses abords ».

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