Archives départementales du Tarn, dessin à l’encre de Jean Lautier, 145 J 516, date indéterminée (années 80 ?)

Talentueux ce dessin de Jean Lautier aux Archives départementales du Tarn qui présente d’un trait clair les principales caractéristiques de la statue-menhir de “La Bessière” à Murat-sur-Vèbre.

Le mégalithe fut repéré en 1897 par l’abbé Louis-Joseph Gautrand. Dans un mur de basse-cour vers l’église du hameau de “La Bessière” au nord de Murat. Il attendait qu’on y fasse attention. C’était « l’inconnu ». Protégé par miracle des intempéries, il était encore sur les lieux en 1931 avant de partir pour le musée d’Albi à l’initiative de l’abbé Frédéric Hermet, le découvreur de la dame de Saint-Sernin. Une affaire d’abbés en quelque sorte. Où était-il fiché en terre à l’origine ? Mystère. Certains de ces mégalithes servaient de banc, d’autres de pierre de cheminée, d’autres encore de pont pour enjamber le ruisseau.Très peu sont à leur place originelle.

La statue-menhir de “La Bessière” vient récemment d’être cédée par le musée d’Albi au musée Fenaille de Rodez. Au préalable, elle a subi une restauration pour plusieurs milliers d’euros. C’est le coût de l’utilisation avec précaution et patience d’un nettoyeur à vapeur. La statue a repris ses traits d’origine. Pas au point de découvrir des couleurs1… mais presque2.

128 X 80 cm pour presque une demi-tonne de diorite3, l’une des roches les plus dure qui soit4. Une roche locale aussi.

Le mégalithe est plutôt gravé que travaillé en ronde bosse. Un être humain en pied nous regarde. Les traits du visage sont comme toujours simplifiés au maximum : deux yeux, un nez, avec des trace de tatouage ou de scarification sur les joues. Un collier entoure le cou. Les bras sont repliés sur le buste. La taille est prise dans une ceinture. Les jambes et pieds sont droits et joints. Il ne porte pas d’arme mais un baudrier en travers de la poitrine. La face postérieure est brute en forme de carène.

Cette statue, comme les autres, participe d’un vaste mouvement d’érection qui va de 3 000 à 2 500 avant notre ère. Cela correspond au début du Chalcolithique5grosso modo. Ces statues-menhirs couvrent des portions d’espace bien délimitées en Europe (Italie, Roumanie, Ukraine, Crimée). On en trouve près de 150 en Rouergue, Tarn et Hérault. Très peu ailleurs dans la région, bizarrement.

Pas aussi mystérieuses que ça

Dans les articles parcourus, il y a bien du plaisir à trouver chez ces statues-menhirs du mystère, mais l’archéologie depuis des années et des années livre des informations.

Pour ne parler que du Tarn, après les longues prospections de l’abbé Rouanet et de notre ami Jean Record nous savons que les campagnes du Lacaunais étaient peuplées au Néolithique final et aux débuts de l’Âge des métaux. Le matériel ramassé – funéraire ou autres – le prouve à bien des égards. Certainement des populations paysannes de pasteurs et de cultivateurs. Par ailleurs, les fouilles de Michel Maillé et Jean Gasco en 2011, lors de la découverte d’une grande statue-menhir renversée au “Montalet” à Lacaune, permettent, pour une fois, des datations qui confirment les suppositions initiales. À savoir, la fin du Néolithique. 

À l’occasion de la fouille, on apprend que la statue été mise à bas et cassée intentionnellement sans en déterminer la période. Le travail de Christian Servelle sur les étapes du façonnage des statues est aussi très instructif.

Si mystère il y a, c’est quant à la fonction de ces statues (ancêtres de tribu ? Chefs coutumiers ? Guerriers, voire guerrières héroïsées). L’aventure archéologique continue. Elle n’est pas perdue d’avance. Pour ceux qui seraient sceptiques, lisez d’urgence Michel Maillé, Homme et femmes de pierre. Statues-menhirs du Rouergue et du Haut-Languedoc, Toulouse, 2010.

Notes

1. – Car c’est une question que l’on se pose bien évidemment.

2. – Il n’ y pas à voir là je ne sais quelle « copie » comme nous le lisions sur un blog récemment. C’est bien elle, mais en plus propre…

3. – Diorite  ou diorizein en grec veut dire « distingué ».

4. – Polie, elle offre un aspect vert magnifique quand il s’agit de hâche.

5. – Le Chalcolithique est le début de l’Âge des métaux. La transition entre le Néolithique et l’Âge du Bronze.

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