Saint-Marcel-Campes (secteur Campes) : église de Notre-Dame de la Nativité à Campes, recherche de sites au nord du Puech de Bar, Saint-Amans, site à nécropole de Buffevent

Prenons de la hauteur

Cette fois-là, l’objectif de la sortie était d’observer au sol des traces d’anomalie repérées sur Géoportail et Google Earth. Depuis bientôt 40 ans, l’archéologie s’est ouvert de nouvelles pistes avec les observations en altitude. Le principe est simple. Vues du ciel, les lignes claires dessinent les plans de villae gallo-romaines. Plus sombres, elles indiquent des fossés protohistoriques. Fossés qui délimitaient les exploitations agricoles (les fermes indigènes) ou les sanctuaires. Ces variations discrètes de la couleur du sol ou des anomalies de croissance des céréales permettent de repérer des sites archéologiques connus ou encore inconnus.

Nos deux destinations de prospection au bout des flèches rouges. 

Anomalies

La vallée alluviale du Cérou se prête bien à ce genre d’exercice compliqué. Compliqué car les traces ne sont pas évidentes à discerner. C’est selon les saisons, selon les cultures, selon la lumière et l’humidité. Aussi, faut-il au préalable, un patient travail d’observation des photos satellites à des époques différentes qu’offrent ou que vend l’IGN. L’avion est évidemment le mode le plus adapté puisqu’il permet une approche plus ciblée des sites archéologiques. Le CAPA avait déjà tenté le survol de sites il y a une dizaine d’années, sans grande réussite. En ULM, Bernard Jaïs avec gentillesse a pris des photos de sites existants à « l’état solide » mais il n’a pas – à proprement parler – prospecté 1. Dans le Tarn, ce mode de repérage n’en est encore qu’à ses balbutiements2. L’exemple qui suit est caractéristique de notre inexpérience en la matière mais il constitue aussi un apprentissage. Un jour, le coup sera gagnant. Il y a fort à parier. Suffit d’insister3.

Nous nous dirigeons vers deux indices aériens présentés ci-après.

La prise en compte du couvert végétal à certains moment de l’année est importante. À ce titre, le compte rendu sera plus botanique que d’habitude.

L’église de Campes

Avant même le repérage au sol, à l’initiative de Louis et Vincent, nous visitons Notre-Dame de la Nativité à Campes. La première mention connue de son existence remonte à 1105. L’église, dans son architecture à dominante romane, est bien décrite dans catholique-tarn.cef.fr . Elle est en moellons de grès. La façade à l’ouest présente une entrée en arc brisé à triple voussure. Le clocher repose sur deux tours emboitées à base carrée soutenues par des contreforts. Plus haut encore, deux étages présentent deux séries de baies plein cintre, typiques du roman. Certaines sont bouchées. Le tout approche les 15 mètres de haut.

Il n’est pas impossible que la tour octogonale, la dernière, ait été élevée lors de la reconstruction après le passage de Simon de Monfort au début du XIIIe siècle.

À l’intérieur, de nombreux élément sont inscrits à l’inventaire des monuments historiques. Nous  nous attacherons à décrire ceux qui ne le sont pas et la croix monumentale.

Nous remarquons un socle de bénitier en pilier cannelé assez semblable à celui de Saint-Martial observé il y a quelques temps. Il est bien possible que ce type de bénitier avec socle, pilier et vasque-coquillage soit le fruit d’un style régional dont il nous reste à déterminer l’époque.

Des armoiries polychromes sur clef de voute ne semblent avoir retenu l’attention de personne. Nous les confions à la sagacité des plus savants d’entre vous.

Arrêtons-nous un instant sur la croix monumentale. Fut un temps, elle était à l’extérieur. Du reste, le socle d’origine existe encore. Il supporte à présent une autre croix, tout près de l’église vers le cimetière.

Aujourd’hui, la croix est à l’abri sous une arche. Historiée, elle présente sur une face, une  Lamentation, thème typique du XVe siècle. Il n’est pas – bien sûr – sans rappeler La Mise au tombeau de Combefa. Voici la Vierge Marie dominée par un ange tenant une couronne. Elle supporte Jésus sur ses cuisses. Celui-ci, torse nu, en pagne, descendu de la croix à l’aspect d’un cadavre. Accompagnent la Vierge, saint Jean (à gauche) qui tient délicatement la tête de Jésus et tente peut être de lui retirer la couronne d’épines et sainte Madeleine (à droite). Elle lui passe de l’onguent. Sans être détruit, le bas relief est très altéré mais il ne semble pas avoir été mutilé.

Interpréter la face opposée est une autre paire de manches. Nous devinons un personnage assis, saint Amans peut-être4, montrant le ciel à une dame couronnée à genoux. Celle-ci tient ses mains serrées comme en prière. Saint Amans est-il en train de convertir la femme d’Honorant ? Femme de barbare, elle le supplie de la baptiser comme il est dit dans Les saints du Rouerguede l’abbé Louis Servière à la fin du XIXe siècle. C’est une supposition que nous trouvons crédible. Il est vrai que l’absence de mitre est troublante.

La croix, au volume octogonale, porte à l’extrémité de ses branches des couronnes avec des fleurons à trois feuilles, signe de résurrection. À titre personnel, nous ne remarquons pas de traces de polychromie5.

En route vers les traces vues du ciel

Nous nous rendons par la suite plus au nord sur un chemin qui mène à Saint-Amans en longeant le Puech de Bar.

Des traces de galets en couche dans le talus du chemin sont visibles. Elles ne permettent pas cependant de tirer des conclusions. À savoir l’existence d’un chemin ou d’une structure archéologique. Plus loin, tout un aqueduc en briques a été aménagé pour conduire l’eau du ruisseau de Magot au « château » pour alimenter une centrale électrique. Il est dans un état de dégradation avancé. Ce château, de  la fin du XIXe siècle, appartenait à la famille Gorce, entrepreneur de broderie à Cordes.

Un regard sur le couvert végétal

Nous remontons à présent sur le versant. Nous approchons du but : une vaste parcelle en pelouse exposés à l’ouest. Elle révèle la présence des végétaux bien spécifiques. Ils n’ont pas été pâturés par les bêtes. C’est la « corroyère »6ou « herbe aux tanneurs », dite encore « redoul » dont on utilisait les feuilles pour la tannerie. Cette plante est très toxique pour les animaux et les hommes. Elle contient une sorte de strychnine. Vous comprendrez qu’il est convenable de ne pas l’avaler.

En tapis, demeurent aussi à cette époque de l’année des brachypodes. Ce sont des graminées vivaces qui colonisent les surfaces calcaires. Elles apparaissent en touffes toujours épargnées par les bêtes. Invasives, elles sont souvent le signe d’une perte de biodiversité7.

Cercle des fées

Mais il faut chercher ailleurs les traces circulaires vues du ciel. Il s’agit de « ronds de sorcière » ou « cercles de fées ». Le mycélium annulaire est un champignon qui colonise en formation circulaire au fur et à mesure des années à partir d’un centre. Le cercle de champignons qui progresse peut atteindre jusqu’à une centaine de mètres avec le temps. Il surprend par sa forme géométrique en anneau régulier de couleur claire. Il surprend d’autant plus quand on observe le paysage du ciel.

L’examen au sol des traces de la deuxième anomalie ne sont pas plus concluantes. Nous ne trouvons aucun indice et la nature pentue du terrain ne laisse rien espérer.

Plus bas, vers Saint-Amans, en revanche la terre est très noire. Elle recèle peut être une nécropole. Un sarcophage fut un jour exhumé si l’on en croit un habitant des lieux.

Nous prolongeons la sortie par un détour sur le site de Buffevent8qui accueillait à l’époque médiévale un petit cimetière avec des tombes à lauzes de forme trapézoïdale. Il fut sondé à deux reprises en 1950 et en 1967 par les soins de Jean Lautier. 

Les squelettes montraient une position mains jointes sur la poitrine. Les têtes étaient orientées au Levant.  À l’époque, on distingua une tombe double et une petite sépulture pour enfant avec des os mal conservés. Peu de mobilier funéraire. Les archives de Jean Lautier devraient être plus précises car la localisation exacte du cimetière reste inconnue. A-t-il dessiné ? Nous verrons. Ce cimetière dans ses caractères spécifique n’est pas sans rappeler celui du Puech Blanc.

Merci à Michel pour l’excellente qualité de ses photos en dépit de ce qu’il raconte.

Notes

1 – Tout au moins pour l’instant.

2 – Exceptés quand même les travaux de Michel Passelac au sud de notre département. Lire Michel PASSELAC, La prospection aérienne dans les régions méridionales de polycultures, AT, n°6,1990, p. 21 ou encore, amusant, Serge NEGRE, La photographie par cerf-volant appliquée à l’archéologie, AT, n°4, 1987, p. 135 

3 – Peut-être en investissant dans un drone si les finances sont assez solides. Le drone mérite a lui seul un long développement. Lire Florian CADU,  Avec le drone, l’archéologie prend de la hauteur , Le Monde, 19/ 05/ 14

4 – Notre ami Vincent pense différemment. Concernant les personnages au dos de la croix, il hésite à y voir un évêque comme saint Amans car il n’a pas de mitre mais, semble-t-il, la tonsure du moine. Portant un livre, serait-ce un docteur de l’Église ? Il émet l’hypothèse suivante. Saint Dominique prêchant la conversion ou ayant converti une dame de la noblesse (la couronne ne pourrait-elle pas être une couronne comtale ou autre?) touchée par le catharisme. Vincent rappelle, par ailleurs, que les Dominicains  étaient très présents dans la région. Ils fournissaient bon nombre d’inquisiteurs. Pour preuve, l’animosité qui perdurait à leur égard. Un exemple singulier étant la scène de chasse sculptée sur la façade de la maison du « Grand Veneur » à Cordes symbolisant le jeu de mots ironique sur les Dominicains « domini canes » chiens du Seigneur pourchassant les hérétiques.

5 – Certains en voient.

6 – Coriara myrtifolia dit Bernard A.

7 – Des scientifiques font le lien entre cette plante et l’utilisation du brûlage ou la présence des nitrates. 

8 – Le site est encore appelé « plateau des treize-vents » ou « Bufobent ».

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