Rousseyrolles, Milhars, Féneyrols (Tarn-et-Garonne), sarcophages de Milhars et de La Madeleine + verrerie de Bonnan, grand aven du Cuzouls, doline aménagée en culture de Rousseyroles, la « grange » ou « métairie » de Bonnan, prieuré de Sainte-Magdeleine, carrière de Lexos, carrière de meules (Pierre) et/ou tombes rupestres (Lautier) à Peyrelade, Camp Grand

Sarcophages dit de La Magdeleine

La vallée de Bonnan fut l’objet en 2002 d’un rapport de prospection-inventaire sur le canton de Vaour. Il était le fruit du travail de Frédéric Martorell et du CAPA.
Suite à sa relecture, il s’agissait ce jour-là de faire le lien entre les sarcophages lieu-dit du
« cimetière de La Madeleine » et le sarcophage entreposé au nord du four banal de Marc Barré dans la propriété de Gilles Jaïme.
C’est en leur compagnie que nous examinons les restes du tombeau – ou de ce qu’il en reste – conservé en plein air.
Nous remarquons bel et bien la présence de fragments de sarcophages dans les broussailles. Deux fragments, plus exactement, parce que plus gros ils sortent du lot : un couvercle en bâtière et une cuve. Nous les prenons en photo. Les pièces sont couvertes de mousse et vraiment très abîmées.

Elles sont en grès quartzitiques du Trias. C’est un grès gris et très durs, riches en feldspaths. Hypothèse la plus probable : le matériaux proviendrait de la formation de Grézelles bien en amont dans la vallée (1).

Ce sarcophage aurait été ramené jusqu’ici pour des raisons inconnues à une époque indéterminée mais plutôt récente. Il nous est raconté qu’une exposition de biens patrimoniaux a eu lieu il y a déjà quelque temps dans le village à l’initiative d’un certain monsieur Donnadieu. En outre, d’autres éléments gréseux sont visibles mais à l’état de petits fragments (2).

Avoisinantes, nous notons aussi la présence de grosses cuves hautes en grès, et enfin, de conduites en terre cuite rouge, de différents diamètres, liées au bassin creusé dans le parc du château que l’on connaît (3).

Nous nous rendons ensuite en voiture chez Sonia Roockx au lieu dit « Les Clauzels ». Elle nous accueille avec gentillesse pour un café. Nous échangeons quelques propos.

Elle ne nous apporte pas d’autres précisions sur les sarcophages dit de La Magdeleine que nous ne connaissions déjà. En revanche, elle évoque la verrerie de Bonnan. Est-ce justement celle de la famille Collomb mentionnée pour la première fois au tout début du XVe siècle ? (4).

Revenons quelques années en arrière. Le site a été fouillé en 1984 précisément, et ce par des « archéologues ». L’autorisation donnée par Sonia (à l’époque propriétaire du terrain), les soi-disants archéologues ont effectivement extrait du lieu des morceaux de verre dont Sonia certifie la nature mais elle est bien en peine pour se souvenir d’un nom. Bien entendu, plus de traces, ni de nouvelles des « archéologues » depuis cette époque. Ils auraient été en lien avec le musée d’Albi. Pas de rapport de fouille à notre connaissance pour l’instant (5). Il ne faut pas désespérer cependant.

Est mentionnée lors de la discussion la présence d’«arènes» au nord-ouest vers Le Gros. A priori, le lieu serait plutôt une doline aménagée pour les cultures en terrasses soignées que de facture gallo-romaine (6).

Est relaté l’aménagement à des fins pédagogiques du dolmen de Peyroseco (Fourcou) par l’ASCA auquel Henri participa. Sonia nous indique aussi la probabilité d’un dolmen au Clot dont il ne serait pas inintéressant d’évaluer la réalité archéologique.

Nous est localisée précisément sur la carte une suite de quatre bassins sur le cours d’eau en amont de La Magdeleine. La plupart sont au milieu des pâturages.

Ils sont dans des états d’inégales conservations. L’un d’eux a été abîmé par un engin. Barrages pour les uns, bassins bâtis pour les autres. Leur vocation prête à interprétation : irrigation, viviers à poissons. Ils semblent en lien avec des aménagements du Bonnan à des époques variées mais surtout au XVIIe siècle (7). Le rapport du CAPA de Frédéric est très précis sur le sujet, aussi nous ne nous y attarderons pas. Le descriptif est impeccable.

A l’occasion, il m’est signalé qu’il n’y  jamais eu de véritables moulins sur le Bonnan.

Pour terminer, Pierre rapporte la présence d’indices gallo-romains dans la haute clairière du « Grand Camp ». Le toponyme (8) et des traces insolites sur des vues aériennes intriguent.

Où il est question de la verrerie de Bonnan

Nous nous rendons sur le lieu de la verrerie de Bonnan sondée en 1984. Les archives la mentionne « à mi chemin entre Rousseyrolles et Milhars ». La dite verrerie est installée dans un coude du sentier en haut d’un ruisseau sur une terrasse à présent enfrichée. In situ, ce qui ne manque pas d’intriguer, est l’absence de traces d’artisanat verrier pourtant fort polluant d’habitude. A priori, pas de fragments de creusets, de tessons de verre, de pierres vitrifiées, de ratés de cuisson, de zone de dépotoir visibles. Tout au moins au premier abord.
Nous parvenons juste à distinguer une suite de bâtiments composites sur un demi hectare, bâtiments liés à des murs d’épaisses clôtures. A l’atelier aurait-il succédé – dans un deuxième état – un bâtiment agricole comme souvent c’est le cas. Cela n’aurait rien de surprenant. Quelqu’il en soit, l’état de dégradation des vestiges est très avancé. Il serait temps d’en dresser si ce n’est un plan, au moins un schéma. Au nord du site, nous constatons le trou du sondage non rebouché des « archéologues ».
Dés lors un travail d’archives déjà mené – au moins en partie – par Jean-Paul Marion est nécessaire. Nous reviendrons sur les lieux cet hiver afin de préciser les lignes et les contours du bâtiment et, enfin, de découvrir un indice verrier. Peut-être dans la pente vers le petit torrent…
D’éventuelles relations avec les bâtiments religieux qui l’entourent ne sont pas à exclure.

Des sarcophages sans église

Nous nous rendons ensuite à La Magdeleine pour observer les sarcophages. Du chemin, ils passent inaperçus car ils profitent d’une petite terrasse dans la pente hors d’atteinte des crues du Bonnan. Le gué est guère éloigné des sarcophages. Notons aussi la proximité des limites communales.
Ce sont deux cuves de sarcophage (9) monolithes vidées depuis longtemps avec un couvercle en bâtière très dégradé. Parmi, les éléments remarquables, nous constatons qu’ils sont orientés (tête à l’est) et donc fort probablement dans leur contexte d’origine. Ils sont d’ailleurs encore «à fleur de sol». Des amorces de têtière sont visibles mais pas, à franchement parler, de « loges céphaliques ». Nous ne les avons pas dessinés car la végétation est bien trop dense pour une bonne observation.

C’est bien le même type de sarcophages que celui de Gilles Jaïme à Milhars. Mêmes formes générales sans avoir le même gabarit, même grès triassique.Toutefois, nous ne trouvons pas la zone de prélèvement du sarcophage entreposé à Milhars.

Deux remarques confirment et modifient notre approche pour la prospection-inventaire du CAPA de 2002. Il est certain qu’ils ont des parentés morphologiques évidentes avec ceux du « cimetière des Anglais » à Marnaves que nous connaissons bien.

Par ailleurs, nous ne parvenons plus – dans la partie inférieure des sarcophages – à distinguer la trace de ce que souvent la tradition orale considère comme des trous d’évacuation des liquides de décomposition corporelle mais qui sont en réalité des trous de « louve », engin de levage, sorte de grosse pince métallique pointue, du type grue, des carriers antiques pour tirer les blocs de pierre destinés à devenir des sarcophages, avant leur taille et leur mise en place (10).

Suite à une discussion avec Marc Durand, la nature de ce type de sarcophages les placent avec une quasi certitude entre le VIIe et le IXe siècles, pas après. La fruste ébauche des têtières ou des « amorces de têtière », l’absence de véritable loge céphalique et la forme en bâtière du couvercle militent en ce sens. La fourchette est large mais intéressante car elle s’accorde avec une première christianisation de masse des populations.

Dans quelle mesure un bâtiment religieux accolé à ce cimetière n’aurait-il pas existé avant même La Madeleine. A-t-on assisté à un « déperchement » du lieu de culte originel ? Cela, bien sûr, reste à prouver mais c’est une hypothèse de travail fort intéressante. 

Une chose est sûre, au moins. D’expérience, ces sarcophages sont trop éloignés du bâtiment de La Magdeleine pour être le cimetière de cette église dont le nom apparaît au XIIIe siècle. A plus forte raison, à une période comme le haut Moyen Âge où le tendance est à disposer les sépultures autour des églises, dans un souci de placer le défunt au plus près de Dieu. 

Au début de la période carolingienne

Ces premiers « oratoires » champêtres du VIIIe siècle qui deviendront des églises sont fort probablement construits en bois (11) peut-être sur solins de pierres. Aussi l’archéologie est très démunie pour les décrire. Il est tout à fait exceptionnel d’en retrouver des traces. Ce sont des édifices, au départ privés, que l’Eglise va utiliser pour répondre au besoin des ruraux isolés. Besoin pour baptiser, pour la célébration des offices et, bien sûr, pour inhumer.

Au même titre que les castelas, ces premières églises et leurs cimetières fixent l’habitat. C’est à partir d’elles que les évêques découpent l’espace et forment peu à peu la trame des paroisses à l’époque carolingienne.

Il est dans la logique des choses que ces sarcophages – à l’époque – n’étaient pas isolés mais cotoyaient un modeste bâtiment de culte et quelques maisons. D’autre part, il va de soit que les sarcophages ne se résument pas à deux sur le lieu même (12). Ces derniers étaient-ils alignés ? Y-a-t-il à côté d’autres types de sépultures à la même époque ? C’est fort probable, car il existait aussi des tombes construites à bordures de pierres, des inhumations en coffre de bois ou sur brancard et aussi des inhumations en pleine terre pour ceux qui n’avaient pas eu les moyens de s’offrir un sarcophage qui coûtait relativement cher. Le cimetière a-t-il été désaffecté ? Quand ? Seule l’archéologie peut répondre.

Le toponyme de « Saint Babo » typiquement mérovingiens (13) bien plus à l’est n’est peut être pas sans lien avec cette première phase de construction de bâtiment religieux (chapelle de cimetière ou église ?) sans doute bien antérieure à La Métairie et à La Madeleine.

Dans la vallée au bord du Bonnan, nous observons la moitié d’un gros rouleau en grès. Evidemment, il pose question. A en juger par nos quelques observations, cette partie forestière de la vallée n’a pas toujours présenté l’allure sauvage qu’on lui connaît actuellement. Les traces d’aménagement pour ne parler que de celles visibles (chemin, canaux, clôtures) sont nombreuses. Et elles remontent certainement au tout début du Moyen Âge.

Nous remercions bien sûr Sonia pour sa confiance et ses indications.

Notes

(1 )Des carrières d’extraction du grès sont d’ailleurs prévisibles dans cette partie de la vallée. A confirmer.

(2) Y-avait-il plusieurs sarcophages et non pas un seul ?

(3) Voir notre dernière sortie à Milhars. Le bassin est détruit à la Révolution pour être reconverti en vignes. Puis en 1980, en culture de céréales. C’était un œuvre du début du XVIIe siècle suite à un captage des eaux du Bonnan. Son emplacement exact ne fait pas l’unanimité.

(4) Paul et Jean-Paul Marion relèvent encore une mention d’archives. De 1640 à 1648, le verrier rouergat itinérant Philibert de Filiquier s’installe dans ladite verrerie de Bonnan qui appartient à François Cazillac.

(5) Peut-être le centre de documentation de la DRAC de Toulouse nous donnera plus ample information?

(6) Il est vrai, le lieu, pour le moins isolé, ne prête pas à ce genre de bâtiment plutôt urbain. Il n’y a qu’à s’y rendre pour en convenir. Yann nous avait fait part de sa perplexité face au monument.

(7) Frédéric Martorell spécifiait que les aménagements hydrauliques n’étaient pas d’origine romaine comme une légende tenace l’avait soutenue. Notre collègue est même très circonspect quant à une datation du Moyen Âge.

(8) Le « camp » désigne plutôt le champ que le camp militaire dans la région.

(9) L’une d’elle fut bien décapée par nos soins en 2002. Une photo existe.

(10) Que cette légende à la vie dure… Peut-être par qu’elle est fascinante et morbide. Ces trous dans les grès ne sont pas à confondre avec des cupules.

(11) Encore que le débat, je ne vous le cache pas fait rage. Le bois contre la pierre dans notre région.
Par ailleurs, l’idée que les sarcophages de pierre soient à cette époque réservés à une élite est de moins en moins acceptée.

(12) Il en existe quatre pour Jean-Paul Marion. Ce n’est pas du tout improbable.

(13) Lié à sainte Sigolène. Lire le texte de Jean-Paul Marion à cet égard. Ce type de vocable lié à un saint de l’époque mérovingienne est repris à l’époque carolingienne pour nommer un lieu, une église.

(14) A noter. Notre ami Pierre évoque sans précision, ni véritable preuve – pour l’instant – la présence de sarcophages à La Madelaine même, à proximité immédiate des bâtiments. Nous verrons bien.

Vous pouvez approfondir la réflexion en lisant deux ouvrages non liés à l’archéologie mais fort utiles pour comprendre les phénomènes à l’œuvre à l’époque carolingienne.

AUBRUN Michel (2008) – La paroisse en France, des origines au XVe siècle, Picard, Paris
GARDON Stéphane (2003) – L’origine des noms de lieux en France, essai de toponymie, Errance, Saint-Etienne

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