Le silex dans tous ses états et dans toutes ses formes : les carrières antiques et contemporaines de silex du Clusel ou du ruisseau de Marines (Vieux, Alos, Le Verdier)

Textes : Bernard Alet, photos : Rosy Mascaras

Le but de cette sortie (29/04/2023) était de découvrir les carrières antiques et contemporaines de silex de La Planque ou de la Combe de Savi ou encore du Clusel (ou Cluzel), non loin de Marines, aux confins des communes d’Alos, Vieux et Le Verdier. Ce site est considéré comme un des plus importants gisements de silex du Tarn, sinon le plus imposant. Il s’agit ici du silex lacustre du Stampien (calcaire de Cordes de l’ère tertiaire). Ces gisements insolites ont servi non seulement aux tailleurs de silex au Paléolithique et plus précisément au Moustérien mais aussi plus récemment (jusqu’au début du XXe siècle) à l’extraction de meules de moulins de toute la contrée.

Le moulin Dalgues

Nous avons d’abord visité les ruines du moulin Dalgues (du nom de son ancien propriétaire au XIXe siècle). Ce grand moulin était aussi appelé Moulin du Clusel (ou Cluzel), en raison de la proximité des grottes ou carrières souterraines de silex (Clusel ou Cluzel = grotte, souterrain). Construit sur le ruisseau de Marines, ce très vieux moulin est déjà mentionné sur les compoix du XVIe siècle. Il est abandonné à la fin du XVIIIe siècle puis remis en état par Jean-Pierre Dalgues en 1809 (AD 81 : série 7 S 860). Il appartint à cette famille Dalgues jusqu’à la 1e guerre mondiale. Ce moulin possédait 2 paires de meules : une paire de meules en silex dont la tournante est en silex monolithe (voir photo), ce qui est tout à fait exceptionnel, paire de meules qui était probablement destinée à la farine pour les hommes et une paire de meules en grès probablement pour la farine animale ou d’autres usages. En 1817, ce moulin donnait 50 hectolitres de blé, 150 de méteil et 40 de millet, soit 240 hectolitres de farine (D. Loddo, 2010, p. 176). Il aurait cessé toute activité pendant l’entre-deux guerres.

Fosses d’extraction de silex et quarts de meule

Ensuite, nous avons déambulé dans un paysage aujourd’hui plus ou moins boisé et pastoral, totalement bouleversé depuis des siècles, voire des millénaires d’exploitation du silex. En effet, le sol est constellé de fosses d’extraction de silex pour de multiples usages au cours des temps. Au Paléolithique et notamment au Moustérien, les hommes préhistoriques ont taillé ici une grande quantité de silex pour de nombreux usages, en particulier des outils et des armes. De nombreux bifaces y ont été découverts et le sol est parsemé de déchets de taille qui témoignent de l’importance et de la célébrité des ateliers de débitage du silex du Verdier et de Vieux en stations de plein air (L. Fortier, 1994 et 1998). Dans les bois clairs de chênes pubescents où se développe la belle limodore à feuilles avortées, grande orchidée violette, les nombreuses fosses sont les témoins de l’extraction des meules de moulins au cours du XIXe siècle : on peut y observer les fronts de taille, les monticules correspondant aux stériles des meules (déchets de taille) et même plusieurs ébauches spectaculaires de quarts de meules abandonnées sur place (ces quarts de meules étaient ensuite assemblés et cerclés de fer). Ces meules en silex auraient remplacé au début du XIXe siècle celles des grottes meulières d’Amarens qui étaient de moins bonne qualité. En outre, ce silex servait à la fabrication de pierres à feu, pierres à fusil…

Cavités d’extraction

Nous avons terminé la prospection par la visite d’une paroi calcaire haute d’une quinzaine de mètres située juste au-dessus du moulin Dalgues, avec de nombreuses inclusions de silex et percée de plusieurs cavités creusées pour extraire à plusieurs époques le précieux silex. Ces cavités ont ensuite servi comme abris de bergers.

Le retour nous a permis d’observer de belles stations d’ancolies et de grémils pourpres.

Références :

  • André Tavoso (1988) Le Moustérien dans l’Albigeois, in Archéologie Tarnaise n°1-Hors-série, Actes du colloque « Peuplement et vie quotidienne dans le Tarn : 10 ans d’archéologie tarnaise » / Hommage à Jean Lautier, pp. 19-27
  • Laurent Fortier (1994) Marines (Vieux) : un atelier de débitage de silex moustérien du Verdier – Contribution à l’étude des peuplements paléolithiques tarnais, Mémoire de DEA, Université de Toulouse-Le Mirail, 120 p.
  • Laurent Fortier (1998) Un atelier de débitage moustérien du Verdier à Marines (Vieux), in Archéologie Tarnaise n°10, pp. 5-18
  • Daniel Loddo (2010) Gents del païs grésinhol, p. 176
  • Christian Servelle (Dir.) (2011) Haches de pierre : les stations de plein air et ateliers de taille du Verdier (A propos de la collection de haches polies du Néolithique de Marcel Delpech), pp. 220-222

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