Igue du Cuzouls, dolmen de Peyroseco et les moulins de la vallée de Laussière
Igue du Cuzouls
Au menu, exploration de l’igue du Couzouls. Pour nous, le lieu ne présente plus ou aucune trace – à l’heure qu’il est – d‘art pariétal (1) ; seule, une tâche ocre nous laisse sceptique dans la partie ouest. Des traces, il y en a, mais elles sont récentes car le lieu ne présente aucune difficulté d’accès particulier. La progression est facile.
Très fréquenté, il a été livré aux pilleurs de grottes et littéralement ravagé depuis des années. C’est loin d’être un cas exceptionnel. Ces déprédations ne remontent pas forcément au XXe siècle.
Des stalagmites coupées nous rappellent cette pratique courante des hommes de la Préhistoire la plus ancienne jusqu’au XXe siècle (2).
À toute fin utile, précisons-le, aujourd’hui, arracher des concrétions est passible de 10 000 euros d’amende.
Par ailleurs, partout, des fouilles clandestines à la barre à mine se sont succèdées, notamment dans le fond de la cavité où une fosse de près de 2 mètres de profondeur a été creusée.
Par bonheur, des pilleurs ont laissé quelques tessons de céramique dont il difficile de donner une période tant ils sont petits, abîmés et sporadiques. Après consultation, ils semblent plutôt médiévaux que préhistoriques.
Il est remarquable que cet igue ait fourni des éléments de toutes les époques historiques.
Je le rappelle au passage : poteries dites « chasséennes », probable sépulture protohistorique, aiguille de bronze, amphores, tessons médiévaux, papier à cigarette contemporain.
L’effondrement progressif de la voûte, par endroit, a entraîné la formation d’un chaos rocheux. C’est sous ces rochers que les clandestins cherchent.
Des graffiti aussi « ornent » la caverne. Il sont de facture très récente.
Nous remarquons sur les parois des formations de calcite en draperie tout à fait remarquables. Partout aussi les points noirs des lampes à acétylène des spéléos.
Le dolmen de Peyroseco: un mégalithe reconstitué
L’approche de ce dolmen est mal indiquée. À la différence de celui de la Peyralade, plus connu sous le nom de dolmen de Vaour, il n’est pas en bord de route mais à l’écart d‘un chemin qui conduit de Roussayroles à Saint-Michel-de-Vax.
Pas d’autres dolmens proches à associer à ces deux là.
Depuis longtemps, des curieux avaient gratté autour. À partir de 1958, il fut l’objet d’une surveillance et fouillé par l’équipe de Jean Lautier à la fin de années soixante dix. Notre ami Henri Prat était de l’aventure (3).
Reconnaissance d’une architecture classique
À l’époque de la redécouverte, caché sur une croupe dans les fourrés, il consistait en une chambre quadrangulaire au trois-quart comblée de remblais, chambre couverte par deux grandes dalles plates (4) superposées. De part en part, des montants se dressaient pour supporter ces dalles de couverture (5). La structure s‘inscrivait dans une pente déclinante vers sud.
On discerna des traces du tumulus d’origine, au nord du monument. Il devait recouvrir la chambre. Il était composé de petites dalles calcaires jointives, posées à plat par centaines les unes sur les autres jusqu’à former une demi-lune autour de la chambre sépulcrale. Il s’agissait d’inscrire, d’une manière visible et durable, le monument dans le paysage. On devait le voir de très loin sur le Causse.
C’est en fouillant les restes du tumulus que furent retrouvés des morceaux de dalle de couverture et de montants.
L’opération – très courageuse – aux dires d‘Henri consista au démontage, à la fouille, puis au remontage partiel et cohérent du mégalithe.
Aujourd’hui, le dolmen a gardé la forme donnée par l’équipe de Lautier dans les années soixante dix.
au sud.
Source : Travaux et Recherches
Mobilier
Hors d’atteinte avant le dégagement des dalles, dans une couche compacte de terre brune, la fouille d‘une partie de la chambre offrit toute une gamme de matériel lithique (hache polie, lames et éclats de silex, pointes de flèche classique du Quercy), osseux ou en test de coquillage (perles, pendeloques, éléments de collier) et métallique en cuivre (aiguilles, épingle, perles) mais aussi de la céramique.
Avec des exceptions, ce mobilier est typique de la fin du Néolithique entre le troisième et le second millénaire avant notre ère, moment où la métallurgie du cuivre fait son apparition dans notre région. C’est le Chalcolithique.
Mais, comme il est fréquent, le mégalithe a été « utilisé » (6) à des époques bien postérieures. En témoigne une épingle à tête ronde de linceul en bronze plutôt du XIIe siècle. Jusqu’à quel point son agencement même n’a pas été modifié ? Plusieurs épisodes historiques semblent se succéder en laissant chacun des traces dont il est, pour le cas présent, impossible de livrer l’ordre et le sens (7).
La présence d’une nécropole du Haut Moyen Âge de plein champ n’est pas à exclure aux abords de ce dolmen.
Vestiges anthropologiques
Enfin, la fouille de tumulus, montra au nord-ouest du caveau, les traces d’une sépulture (extérieur à la chambre). En tout, on estima grâce aux amas osseux sur l’ensemble du site à une soixantaine le nombre d’individus enterrés, pas obligatoirement à la même époque. Récolte très fructueuse, si l’en est.
L’analyse de 853 dents aurait montré la présence d‘une grande proportion d’enfants. Ce qui peut paraître étonnant. D‘habitude, les dolmens sont plutôt réservés à des sépultures d’adultes. Les ossements montrent des formes de sélection.
On peut se féliciter de l’œuvre de protection de l’équipe Lautier. Presque quarante ans ont passé et le mégalithe est encore debout, visible de tous. Le mobilier découvert a été déposé au musée Lautrec à Albi.
Les moulins de Laussière, un patrimoine au fil de l’eau
La vallée encaissée et ombragée du ruisseau de Laussière présente une série de moulins et d’aménagements tout à fait remarquables en l’espace d‘une centaine de mètres seulement. Bernard Alet a mené un travail d’archives sur ces moulins dont l’état de dégradation est avancé (8). Ils sont menacés à terme d’effondrement puisqu’il n’y a plus de toiture. Ils remontraient au XVIe siècle.
Des bâtiments destinés à moudre le grain sont visibles dans la partie haute de la vallée. Ils ont été abandonnés au milieu du XIXe siècle et figurent sur le cadastre napoléonien.
D‘autres sont installés plus bas. Ils ont été abandonné un peu plus tard en 1893. Dans le hameau, quelqu’un vivait encore juste avant la Seconde Guerre. On y installa même l’électricité. A partir de 1945, le lieu tombe dans l’oubli, il redevient sauvage.
Les deux hameaux connurent des périodes de concurrence farouche aux dires de Bernard.
À l’époque les versant était couvert de vigne.
La faiblesse du courant, à certains moments de l’année, nécessita des aménagements de bassin. Toute un système complexe de bassins et de canaux est visible.
La dimension patrimoniale de cette vallée ne fait aucun doute. Les mécanismes sont bien visibles. Tout l’enjeu consistera à mettre en valeur ce patrimoine.
Notes
(1) – Des yeux plus experts peuvent bien sûr venir nous contredire et ce sera avec un grand plaisir.
(2) – Que l’on agisse pour de l’argent dans la perspective d’un commerce juteux ou lors de mises en scène mystérieuses, elles sont victimes d’une fascination qui n’est pas récente comme le montre la découverte des « spéléofacts » de Bruniquel, quelques 400 stalagmites brisées il y a 175 000 ans. On ose à peine le croire. Voir à tout prix https://lejournal.cnrs.fr/videos/bruniquel-la-grotte-qui-bouleverse-notre-vision-de-neandertal
(3) – A. Faraut, J. Lautier, H. Prat, A. Thubières – « Le dolmen de Peyroseco », Travaux et Recherches, n° 16, 1979, p. 21-29
(4) – Pour mieux comprendre les propos de l’auteur.
(3) – A. Faraut, J. Lautier, H. Prat, A. Thubières – « Le dolmen de Peyroseco », Travaux et Recherches, n° 16, 1979, p. 21-29
(4) – Elles sont dite « de chevet ». Y en avait-il une seule au départ ? C’est fort possible.
(5) – Ils prennent le nom savant d’ »orthostates ».
(6 – La finalité de ces utilisations nous échappe pour l’instant.
(7) – Quand le dolmen n’a pas été pillé, c’est envisageable comme à Saint-Martin-du-Larzac, par Rémi Azémar.
(8) – http://www.mairie-roussayrolles.fr/groupe-magret/magret-six.pdf