
Introduction
Commençons par remercier Pierre Cabot pour son aimable accueil sur place. Mémoire des lieux depuis les débuts des fouilles, il s’est montré un guide agréable et animé par la passion du sujet.
Chaque participant-e aura pu constater le caractère purement archéologique de cette sortie de l’après-midi où la partie en plein air a pu se dérouler sans pluie et avec une température acceptable. Nous étions près d’une trentaine, nombreux en tout cas à y participer. C’était l’occasion de découvrir ou revoir les vestiges de la confession de type paléochrétien où fût inhumée Sainte Sigolène au VIIème siècle, située dans l’actuel cimetière de Lagrave, dans une presqu’île entre deux cours d’eau, le Tarn et son affluent rive gauche, la Saudronne.



Les origines historiques
L’aventure commence dans une époque où le monachisme bénédictin (règle de Saint Benoît) progresse en Europe, la règle fait son apparition en 620 près d’Albi au monastère d’Alta Ripa.
Sainte Sigolène est née vers 620 à Albi dans une famille de la noblesse franque originaire d’Austrasie, royaume franc du Nord. Elle est mariée à l’âge de douze ans à Gislulfus, riche jeune homme de l’Albigeois. Après dix années de vie conjugale, son époux meurt. Veuve , Sigolène refuse à 22 ans un remariage que ses parents veulent lui imposer, pour prendre l’habit religieux, probablement sous l’influence de l’essor monachiste de l’époque.
Son père Chramsicus, pour éviter l’éloignement de sa fille, lui fait alors construire un monastère dans ses terres appelées Troclar (l’origine du nom serait le pressoir, torcular en latin), à proximité d’un gué sur le Tarn. Elle s’y installe comme première abbesse, impose aux moniales la règle de vie des pères du désert, et fait construire un mur de clôture. Il semble d’après les fondations découvertes, que chaque moniale disposait d’une cellule individuelle, ce qui correspond aux communautés érémitiques aux sources du monachisme (vie en ermite), ne partageant que les offices religieux collectivement. D’après Pierre Cabot, les moniales maîtrisaient la lecture et l’écriture et on imagine que ces activités participaient de leurs tâches quotidiennes.
Les textes indiquent que Sigolène accomplit plusieurs miracles de guérison ; elle s’impose jeûnes, privations et mortifications diverses, ne se nourrissant que de légumes, pain d’orge, poiré, dormant sur un lit de cendres et pierre, vêtue d’un cilice, passant de longues veilles en prières. A sa mort survenue à l’âge de soixante ans en 680, « son visage s’éclaire d’une blancheur angélique », « son corps exhale une suave odeur de fleurs », elle est inhumée dans un sarcophage placé dans la crypte où les pélerins affluent, l’on dit que les miracles s’y poursuivent…
En 1062, subsistent l’église monastique et l’église funéraire de Sainte Sigolène. Le monastère ne survit pas au-delà du XIème siècle (La bulle de Grégoire VII en 1079 confirme la déchéance de la vie monastique et l’abandon d’offices divins réguliers). Les terres sont récupérées par les nobles laïcs, contre l’opposition de l’église.

L’historique des fouilles

Les premières découvertes archéologiques à Lagrave remontent au début du XIXème siècle lorsque, vers 1820, un agriculteur veut remettre en culture les terres stériles de l’ancienne abbaye de Troclar, sa pioche déterre deux-cents inhumations dans des cercueils. Au-dessous de cette couche funèbre, cent-cinquante sarcophages en pierre mentionnés par Caraven-Cachen sont découverts. A l’occasion de l’extension du cimetière communal entre 1971 et 1995, plusieurs campagnes de fouilles initiées par Jean Lautier puis conduites par Marie-Claude et Pierre Cabot ont révélé des traces datant du haut Moyen-Âge. Au total trente-deux sarcophages supplémentaires ont été mis au jour. Les cuves sont réalisées à 70% dans du grès tendre rose ou ocre, les autres en tuf (travertin) et un seul en calcaire.
A proximité du monastère avec hospice et hôtellerie, s’était formé un village éclésial qui fut abandonné au profit du village castral (autour du château seigneurial) en hauteur sur la rive gauche du Tarn. De nombreux silos en forme de cloche creusés dans la sabline (sable fin limoneux fragile et sujet aux effondrements) témoignent de la quantité considérable de vivres entreposés pour les moniales mais surtout l’accueil nourricier des pélerins. Ces silos ont été réutilisés plus tard comme dépotoirs.
Les vestiges encore en place
De la crypte à chevet quadrangulaire subsiste encore la base des murs (de 0,7m à 1 m de hauteur) avec quelques décorations à la fresque rouge représentant des draperies stylisées et une porte murée (fragments de sarcophage de réemploi inclus) suggérant la circulation des pèlerins venus se recueillir sur le tombeau de la Sainte. Tout proche, sous la halle de protection se trouve aussi un aménagement médiéval pour fondre une cloche.
Au fil des campagnes de fouilles, les fondations d’une église englobant la crypte de Sainte Sigolène ont été découvertes, dont on peut encore voir quatre marches de l’escalier d’accès à la crypte.
Le niveau du sol de cette église était établi suivant l’arasement de la confession. Elle est décrite à voûtes d’ogives avec une nef flanquée de deux chapelles dédiées aux sieurs Dussap et De Segonzac avec sa sépulture dans un procès-verbal de visite en 1700 a été désaffectée en raison de son accès difficile depuis le village haut, nécessitant le franchissement du ravin de la Saudronne. En très mauvais état à la fin de l’ancien régime, elle a été démolie en 1793, les matériaux récupérés.





La visite du musée
Après la visite en extérieur nous avons rejoint le musée-archéocrypte de Lagrave organisé en labyrinthe et qui présente en vingt vitrines et quarante panneaux explicatifs, l’ensemble des artefacts collectés pendant les fouilles et recouvrant six siècles d’occupation humaine du haut Moyen-Âge jusqu’au XIIIème siècle, ainsi qu’une remarquable reconstitution de la crypte de sainte Sigolène, un très beau sarcophage, pégau (cruche basse à anse et bec verseur) en céramique rouge, etc… Dont on pourra retrouver l’essentiel dans les photos ordonnées autant que possible suivant la chronologie historique. C’est une exposition très riche et unique sur cette période de notre histoire, sur la vie dans la région à partir des origines du royaume de France, une des rares occurrences témoignant du monachisme féminin en ces temps reculés.

















Pour conclure
La sortie s’est terminée dans la convivialité à l’intérieur, dans la salle agrémentée d’affiches de la BD au Moyen-âge, autour d’un goûter réconfortant avec des chaises bienvenues, occasion d’échanger sur cette belle après-midi partagée du CAPA.
J’ai rédigé cet article avec les quelques informations dont j’ai pu disposer, mais je ne suis pas spécialiste du haut Moyen-âge, alors si vous avez des données supplémentaires ou souhaitez corriger une erreur ajoutez-les en commentaire. Merci à Rosy Mascaras pour les photos qu’elle a bien voulu me fournir et à Luc Lefort pour la belle mise en valeur sur le site. Amical salut à toutes et tous. Laurent Maignial