Les petits secrets de la forêt : Le site verrier du bois de Madame (Saint-Just-sur-Viaur), Miramont (oppidum) et Notre Dame du Roc (chapelle) 

Au dernière nouvelle, une œuvre de référence

D’abord, pour mieux connaître la vie et les activités saisonnières des verriers du Rouergue, précipitez-vous sur le blog copieusement illustré de DominiqueGuibert : http://verriersduro uergue.over-blog.com/.

Il sort un livre ces mois-ci qui promet de rester dans les annales. L’ouvrage en question mêle archéologie, généalogie des verreries à une échelle qui dépasse celle du Rouergue. Il montre des familles à l’action, de génération en génération, du XIVe au XVIIIe siècle pour fabriquer le verre au cœur des forêts et le vendre dans les villes. Des plus anciennes, comme les Colom, aux plus récentes comme les de Grenier de Haute Serre. Des familles venues du Languedoc, du Lot et même d’Italie.

Une verrerie très forestière

Le Sud de l’Aveyron compte des traces d’activités verrières très intéressantes et ce, souvent dans des endroits très isolés aujourd’hui. Dans la lignée, le site verrier du Bois de Madame découvert par notre ami Henri Prat ne fait pas exception (1).

Pas de hameau aux alentours aujourd’hui, l’endroit est très isolé. Fut une époque, c’était un véritable vallon industriel étant donné les traces qu’il livre.

Bien sûr, il fallut pas mal « bartasser » avant d’atteindre le lieu en question. Il s’agit d’un replat nivelé d‘un demi hectare, à découvert, à la confluence du Rieussec et d’un ruisseau qui provient à l’ouest d’une vallée très escarpée. La plus grande partie de la zone est en surplomb par rapport à la rivières à l’abri des crues les plus fréquentes.

Il existait — il n’y a pas si longtemps — des murets en pierres sèches pour endiguer le cours d’eau. Une puissante crue-éclair les a emportés (2). À l’époque, ces murs comptaient des blocs vitrifiés que nous avions pris en photos.

Ce replat présente à faible profondeur des traces d’activités multiples sous forme de débris de verre mais aussi par la présence d’une petite sole (autour d’un mètre de diamètre) avec son trou d’évent ou de chauffe à présent bouché. Il reliait le foyer (dessous) à la chambre de chauffe (dessus). C’est  tout ce qu’il reste de visible du four de fusion. Le haut est arasé. Cette sole de forme circulaire comprend des restes de creuset.

Prélevé, un bord de creuset en terre réfractaire vitrifié sur l‘intérieur est conservé par Henri. Il est conçu pour supporter des température avoisinants les 1400° cgr. Il contenait le mélange vitrifiable.

Un ferrier

Il faut aussi mentionner de la présence sur les lieux, au bord de la rivière, de scories de type coulée de réduction en monticule L’activité du fer est-elle concomitante, postérieure ou antérieure à l’atelier verrier ? Seul un sondage permettrait de répondre à cette question. Et encore…

Un travail d’archive reste à mener sur ces installations qui peuvent remonter au Moyen Âge.

Une fois la verrerie au bois observée nous remontons le versant oriental du ruisseau pour gagner la route. Nous remarquons au passage à mi-pente quantité d’amas de pierre en vrac comme sur les site miniers.

Successivement, déchets de découpes aux ciseaux,  parois fines soufflées, résidus de pâte vitreuse de travail. On trouve aussi des gouttelettes, des larmes de verre, des bulles 

L’eau à tout faire

Le constat est clair. Ce site, comme beaucoup d’autres du même type, montre à quel point les cours d’eau et leurs berges aujourd’hui en friche furent fréquentés dès le Moyen Âge et jusqu’à une période récente.

Usage domestique mais aussi usage industriel, les uns construisaient des ponts, les autres des moulins. On y écrasait les grains, tamisait la farine, foulait le drap, séchait le chanvre, tannait les peaux. On y lavait, on y arrosait, on y refroidissait. Jamais très loin, on y fabriquait le verre et le fer grâce aux charbon de bois.

À ce sujet, nous ne résistons pas à la tentation de recopier un texte qui nous a toujours ému par sa teneur et par la vie qu’il y décrit. C’est celui d’un moine cistercien de l’abbaye de Clervaux au XIIIe siècle dans la lignée d’un saint Thomas d’Aquin. il est traduit du latin.

« Un bras de rivière, traversant les nombreux ateliers de l’abbaye, se fait partout bénir par les services qu’il rend… La rivière s’élance d’abord avec impétuosité dans le moulin, où elle est très affairée et se remue, tant pour broyer le froment sous le poids des meules, que pour agiter le crible fin qui sépare la farine du son. La voici déjà dans le bâtiment voisin; elle remplit la chaudière et s’adonne au feu qui la cuit pour préparer la bière des moines si les vendange ont été mauvaises. La rivière ne se tient pas pour quitte. Les foulons établis près du moulin l’appellent à leur tour. Elle était occupée à préparer la nourriture des moines, maintenant elle songe à leur habillement. Elle ne refuse rien de ce qu’on lui demande. Elles élève ou abaisse alternativement ses lourds pilons, ces maillets, ou pour mieux dire, ce pieds de bois et épargne ainsi aux frères de grandes fatigues… que de chevaux s’épuiseraient, que d’hommes se fatigueraient les bras, dans ces travaux que fait pour nous la gracieuse rivière à laquelle nous devons nos vêtements et notre nourriture. Quand elle a fait tourner d’un mouvement accéléré tant de roues rapides, elle sort en écumant; on dirait qu’elle est broyée. Au sortir de là, elle entre dans la tannerie, où elle prépare le cuir nécessaire à la chaussure des frères; elle y montre autant d’activité que de soin, puis, elle se divise en une foule de petits bras pour visiter les différents services en cherchant diligemment partout ceux qui ont besoin de ses services, qu’il s’agisse de cuire, tamiser, broyer, arroser, laver ou moudre, ne refusant jamais son concours. Enfin, pour compléter son œuvre, elle emporte les immondices et laisse tout propre »(3).

Redécouverte et découverte dans le périmètre

Remis de nos émotions et afin de montrer aux membres récents du CAPA des lieux remarquables, nous visitons brièvement l’ oppidum de Miramont dans sa partie méridionale et la chapelle romane de Notre-Dame du Roc qui domine le Céor et le Giffou. La nuit qui tombe sur le petit cimetière familial des Castelpers ne nous gâche même pas le plaisir. Au contraire.

Notes

(1) – Dix ans plus tard, Louis découvrait la sole du four qui est actuellement encore très visible.

(2) – Elle laisse des traces à la confluence avec la présence de gros blocs qui semblent avoir été charriés. Ils ont arraché et déraciné des arbres. 

(3) – Description du monastère de Clervaux, Migne, Patr Lat, cité dans Jean Gimpel, La révolution industrielle au Moyen Âge, Seuil, Points, 2016  

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