Montdragon (La Roque et Castelet) et La Martinié, le four du Bruc, l’église du Bruc, les silos de Montdragon village, souterrains de La Martinié
À vos risques et périls
S’aventurer dans les bois hors des chemins sous le hameau de La Roque comporte une certaine dose de risque si on est pas préparé. Le lieu est escarpé et soumis à une intense érosion (1). Et ce, en dépit du couvert végétal (chêne vert surtout). Des traces d’effondrement de la falaise en témoignent. Sans guide, il est probable que vous cherchiez longtemps les abris à silos.
La pente est reléguée actuellement en zone de friche mais ce ne fut pas toujours le cas. Loin s’en faut. Fut une époque où le lieu devait être plus ouvert, traversé par des chemins et certainement habité. Sous quelle forme ? Là est la question.
Après nous être garés au bord de la D 631, nous atteignons les sites de la partie occidentale. Le plus à l’ouest a fait l’objet d’un rapport de Jean-Simon, Louis et Frédéric Martorell, il y a maintenant quinze ans. C’était en l’an 2000.
La fouille d’une aire d’ensilage dans une cavité
Ils vidèrent cinq silos dans une même cavité creusée et relevèrent une palette d’informations non négligeables. Mention est faite de leur forme ovoïde, de leur profil (2) et de leur profondeur allant jusqu’à deux mètres (3). Le vidage du contenu ne pas permis de révéler de stratigraphie. Les silos semblaient avoir été comblés ou recomblés à une époque plus récente que le Moyen Âge. À l’image de cette cartouche de chasseur retrouvée, il difficile d’établir une chronologie même relative. Seul un silo réserva dans son dernier tiers des tessons de céramique intéressants et un fragment d’opercule.
Après avoir visité tous les sites connus du périmètre soit six aires de stockage, toutes dans des cavités creusées, les convergences de formes sont nombreuses. On peut parler d’une « série ».
Un usage collectif du Moyen Âge
C’est toujours le même dispositif : une maigre voie d’accès (4), une cavité ouverte plein sud creusée de forme rectangulaire de quelques cinq mètres de profondeur pour deux mètres cinquante de hauteur. Un mur de « barrage » dont il est difficile d’estimer la hauteur initiale. La cavité était-elle complètement fermée, à demi, ou pas du tout ? Façon d’être à l’abri de l’intrusion des bêtes et de la convoitise des hommes.
Ces cavités souterraines sont très simples dans leur conception, sans couloir. Il n’y a pas de trace dans aucun des cas observés pour l’instant de remontée sur le plateau. La voûte est taillée plein cintre ou en ogive. C’est variable(5). Mais elle a subi des desquamations.
À l’intérieur, des silos ovoïdes enterrés(6) remplis de sédiment avec traces de feuillure. Souvent un silo dans chaque angle de la pièce et un au milieu (7).
Il y a aussi des traces sur les parois. Des aménagements en tous genres. Cela va du trou de poutre, de poutrelle, de bâton afin de suspendre des matières périssables, à la niche d’éclairage, au placard profond. Outre le grain, ce sont des aires de stockage de denrées agricoles.
Le tout est couvert de graffitis, non pas sans un certain intérêt, d’ailleurs. Ils livrent les noms de visiteurs. La pratique de signer dans les grotte est fréquente dans la deuxième partie du XIXe siècle (8).
La datation de ces aires d’ensilage demeure problématique. Il est fort probable qu’à l’image de ce que nous trouvons dans le Toulousain et le Lauragais (9), leur utilisation s’étala du IXe au XIIIe siècle.
La foire aux questions
Ces aires de stockage sont-elles associées à l’installation d’un castelas comme le toponyme « Castelet »(10) peut le laisser supposer ou sont-elles des annexes de la communauté paysanne du Bruc ? Quels liens ont-elles avec la présence – toute proche – d’un méandre de la rivière ? Enfin, y a-t-il d’autres aires d’ensilage dans les falaises – plus à l’ouest – comme semble le dire Michel Bidon que nous avons rencontré (11).
Quel qu’il en soit, elles révèlent une pratique collective de tout premier intérêt. À présent, la priorité est de les répertorier et de les localiser précisément sur le cadastre, ce qui n’est pas tâche facile même avec le GPS. Ce travail s’impose avant que leur accès ne deviennent de plus en plus difficile car l’érosion ravage la partie exposée des sites. Il y a urgence dans certains cas, dans d’autres moins. La recherche d’archives – si elle s’est avérée jusque-là négative – n’est pas pour autant à abandonner.
Après avoir observé l’extérieur de la petite église Sainte–Magdelaine dont les crépis nous cachent les principaux éléments d’architecture(12), nous nous rendons au hameau de La Martinié à Saint-Genest-de-Contest à côté de la petite église Saint-Michel.
Les « signes » dans la forêt s’avèrent être de vieux chablis au milieu des taillis. L’ancien chemin nous conduit à une croix isolée que nous photographions avant de rentrer.
Notes
(1) C’est un front de cuesta.
(2 )Le plus souvent symétrique.
(3) Pour une largeur moyenne de 1,60 m.
(4) Parfois dangereuse à prendre parce qu’en cours d’effondrement. C’est très vrai à l’est dans le secteur du « Castelet ».
(5) Elles pourraient être en bâtière.
(6) Pas de trace de silos de paroi à la première observation.
(7) Nous ne reviendrons pas sur le principe de la conservation des céréales en silo déjà évoqué lors de la sortie à Lautrec.
(8) Cette remarque est le fruit de discussions avec Robert Coustet et Philippe Hameau, spécialiste rare et reconnus dans ce domaine.
(9) Voir l’excellent site de Carol Puyg et Odile Maufras sur le sujet: https://ensilage.hypotheses.org/
(10) Dans la partie occidentale du front de cuesta, sur le haut.
(11 )Par ailleurs, d’autres aires d’ensilage, plus proches du type souterrain, sont visibles à quelques kilomètres du lieu sous le village Montdragon dans les berges du Dadou comme l’indique, entre autres, Francis Funk. Certaines ont disparus.
(12 )Sauf une « porte des morts » au sud.