Saint-Marcel-Campes : site du souterrain du Puech de Bar, tour-pigeonnier du Roul, Buffevent, Puech Gaubel, carrière de grès à l’ouest du Roul, une croix planté dans un bloc calcaire.
Mais d’où vient ce besoin de creuser sous la terre ?
On est moins dans le doute désormais. C’est dans l’histoire des campagnes qu’il faut ranger les souterrains « ruraux ». À l’époque du Moyen Âge, il en existe probablement autour d’une centaine dans l’Albigeois. Peut-être plus (1).
La sortie en 2012 de l’ouvrage Souterrains et cavités artificielles du Tarn de Robert Coustet et Bernard Valette a permis une synthèse sur un sujet controversé.
Longtemps, les pionniers de l’archéologie tarnaise virent dans ces cavités l’œuvre des préhistoriques ou protohistoriques. Au Moyen Âge, ces caves profondes perpétuaient l’esprit de croyances anciennes. Croyances en lien avec le catharisme. La théorie circula longtemps. Il est vrai que les archives inquisitoriales sont riches en mentions à des cathares dans des « cruzels ». C’est le nom donné aux souterrains dans notre région spécifiquement. Aussi, le pape et le comte de Toulouse au début du XIIIe siècle décidèrent leur destruction. D’autres spécialistes, encore, ne voyaient dans les souterrains que des échappatoires à proximité des châteaux. Comme souvent la réalité est moins pittoresque mais tout aussi intéressante.
De l’entrepôt au refuge
En règle générale, les souterrains sont l’œuvre patiente des paysans à la période de plénitude des campagnes tarnaises que constituent les XIIe et XIIIe siècles. Peut être même un peu avant. Proches d’une zone de culture, associés à des habitats, s’ils ont pu servir à des fins défensives, ils sont d’abord des lieux de stockage des récoltes. Mais la raison initiale du creusement est souvent dépassée par d’autres impératifs. On touche là justement un point passionnant de l’archéologie. À chaque fois il faut bien distinguer l’intention première des usages qui diffèrent selon les époques. La fonction du monument ou de l’objet évolue. C’est vrai pour les souterrains comme pour d’autres structures. Ainsi,un menhir devient une croix, un théâtre une place publique, un collier abîmé une attache pour les clôtures.
Le souterrain visité ce jour-là témoigne de ces questionnements. Autrement dit, a-t-il été conçu pour se cacher ou pour entreposer ? A-t-on envisagé les deux cas de figure? Et ceci dès la construction.
Après visite et don de notre brochure sur les souterrains au fils du propriétaire, il nous ouvre aimablement l’accès au site. Nous y parvenons sans trop de difficulté par le versant est.
La cavité est creusée au pic dans des bancs de calcaire lacustre du Tertiaire (2).
Cette roche est propice au creusement. La cassure s’y fait à angle vif. L’attaque au pic d’extraction y est plus facile que dans les schistes. Les traces d’impacts des outils sont visibles par endroit.
Autres remarques en vrac : en dépit des fortes précipitations ces jours derniers, sur le lieu sont absentes les grandes flaques si fréquentes dans les souterrains. Il n’est pas possible d’y faire des graffitis tant la surface est irrégulière, graveleuse. À l’intérieur, il n’y a pas de traces de maçonnerie ou, tout au moins plus, de traces.
Nous pénétrons par l’entrée basse au flanc du talus. Elle est exposée au levant. Quelques ruines sont autour dans les broussailles, mal identifiables même en période hivernale. Il n’est pas exclu que ces ruines furent autre chose un jour que des bergeries.
Passé le porche, la cavité ouvre sur une salle rectangulaire creusée et aménagée avec des réduits, des niches, des trous de poutre sur les parois. Nous l’appelons le «hall» car ce mot correspond bien au volume et à la possibilité de lumière. Pas de silos (3) mais l’espace peut accueillir du matériel grâce à des sortes de « boxes » creusés.
Il y a deux entrées. Une petite (qui devait pouvoir se fermer) et une plus grande qui a subi des effondrements visibles. Oui, l’entrée est souvent la partie fragile du souterrain. Surtout quand il s’agit de terrain calcaire. Des effondrements ont eu lieu à des époques indéterminées, y compris à l’intérieur.
Au fond, à quatre mètres, le hall ouvre sur un couloir assez large d’un peu plus d’un mètre pour deux mètres de hauteur. Les côtés droit et gauche permettent un rangement sans gêner le passage. Un homme même grand s’y tient debout.
Au fond, à quatre mètres, le hall ouvre sur un couloir assez large d’un peu plus d’un mètre pour deux mètres de hauteur. Les côtés droit et gauche permettent un rangement sans gêner le passage. Un homme même grand s’y tient debout.
Puis c’est la remontée par un escalier à angle avec des marches assez larges surtout dans sa première partie.
Accès à l’extérieur
À l’extérieur
La galerie débouche au cœur même d’un bâtiment rectangulaire de 4X5m sur la partie sommitale de la butte. Ici, l’habitat de surface n’a pas disparu. Ce dernier est en relation direct avec le souterrain. Reste à connaître la nature de cet habitat à l’origine (4).
Il semble qu’il y avait une fissure naturelle avec une petite cavité au nord. Il semble aussi que le souterrain ait été éventré sur le haut. Un aven, une crevasse a-t-elle été prolongée ? Ce n’est pas impossible. La cavité servait-elle de cave ? Autour des bases de murs en pierres s’élèvent de 60 cm.
Le mur nord possède les caractéristiques suivantes : les moellons utilisés sont de tailles différentes ; ils sont ébauchés, jamais équarris, posés à sec apparemment mais nous ne sommes pas assez instruits pour le certifier. La nature pétrographique est le calcaire blanc et le grès que l’on trouve quelques 100 m plus au nord et à l’est. Nous avons repéré une micro-carrière. L’épaisseur du mur est de 80 cm.
Dans la perspective du premier, un deuxième bâtiment s’étend quelques 5 mètres plus à l’ouest. Il est plus difficile d’en cerner exactement les limites. La SSPCV y trouva une fusaïole (5) en terre cuite à l’aplomb d’un mur lors d’un sondage en 2010 (6).
Découverte de seuils
L’un des bâtiments s’ouvrait au sud par une porte. Un seuil en pierre de taille en grès a été repéré et « défeuillé ».
Un autre seuil, à l’ouest, celui du deuxième bâtiment est visible. Ces seuils peuvent nous donner le niveau d’un sol de circulation. En cela, leur découverte n’est pas dénuée d’intérêt. Il est peu probable qu’ils aient été déplacés. Nous notons la présence de ces seuils avec des rectangles rouges sur le plan.
La tour du Roul dans un sale état
Par la suite nous nous rendons au lieu-dit du Roul où nous prenons la tour-pigeonnier en photos. L’édifice ressemble comme un frère à la tour carrée de Salles-sur-Cérou si ce n’est son état de conservation, très dégradé. Un crépis grisâtre couvre les façades et rend les observations difficiles. Roul ferait-il partie de ces « forts villageois » dont parle Élodie Cassan (7) au même titre que Frausseilles, Mouzeys, ou Souel ? C’est envisageable à la lueur des signes extérieurs du bâti. Sont remarquables une fenêtre géminée — si l’on en croit la trace d’une colonnette dans la façade — et une porte en arc brisé s’ouvre en bas de la tour (8).
On peut, au vu des indices, évaluer la construction de la tour à la fin du XIIIe siècle.
Cette tour pourrait faire l’objet de nouvelles investigations en contactant le propriétaire.
Notes
(1) Oui, notre territoire est « un vrai gruyère » : carrières, caves, silos, souterrains.
(2) Nous n’y avons pas repéré de fossiles.
(3) À vrai dire, nous n’avons pas réalisé une observation précise du sol. La tâche ayant déjà été accomplie par nos collègues de la SSPCV.
(4) Le statut exact des habitants qui possédaient un souterrain questionne les archéologues.
(5) Une « fusaïole » est un anneau utile pour le tissage des textiles. Voir ci-dessous.
(6) Le souterrain a été visité par Jean Lautier auparavant.
(7) Élodie CASSAN – Des forts villageois autour du castrum de Cordes en Albigeois : défense des campagnes et évolution des paysages du XIVe au XVIIe siècle, Archéologie du Midi médiéval,tome 29, 2011
Je retiens aussi que le fils du propriétaire me parle d’une autre tour dont il a gardé une marche d’escalier à vis, plus au sud de la première. À voir avec le propriétaire des lieux.
(8) Ouverte plein nord, bizarrement.