Nidouzel : Une « tour » et un ermite entre Penne et Bruniquel

À Las Coste, les bancs du Bajocien ont été aménagés. Ils ont offert durant plusieurs siècles sur un adret une étendue de terrasses de culture viticole  au prix d’un travail colossale qui s’étale probablement sur plusieurs siècles. Exceptés des terrasses et quelques murs de soutènement encore debout sur le versant, deux témoignages bâtis à mi-pente ont fait l’objet de notre curiosité.

Les terrasses, un patrimoine à l’abandon

L’approche a été compliquée à cause de la végétation d’une densité insoupçonnable et c’est au prix de gros efforts, vraiment, que nous avons pu observer les bâtiments. Cette quasi inaccessibilité – une vraie jungle – nous a étonné quelque peu (1).

Dans un premier temps, un petit « entasons » de vigne, dans un second temps une vraie bâtisse avec pigeonnier plus élaboré, comportant une cave, deux étages et une cheminée.

Le premier, le plus à l’est, se résume à une construction à un seul niveau avec une toiture (aujourd’hui effondrée) à un pan couverte, à l’origine, de lauzes en calcaire.

Elle est en pierres sèches. Une seule pièce presque carrée, ouverte à l’est par une porte avec un linteau en bois. À proximité, comme souvent, un bassin-citerne. Le lieu devait être fréquenté il n’y pas si longtemps avant d’avoir servi de squat temporaire. Des traces de feux sont visibles ici et là à l’intérieur.

Pour le deuxième édifice, nous avons là l’embryon d’un véritable petit mas sur deux étages installé sur une corniche rocheuse dans un endroit escarpé. La toiture est à un pan. Une cave s’ouvre sur une porte à l’ouest, par le bas. Elle est taillée à même la roche, au nord. Au rez-de-chaussée, un conduit de cheminée. À l’étage, une deuxième porte qui ouvre au nord. Enfin, un « grenier à pigeons » ouvrant au sud et à l’ouest. On y voit encore le bandeau en saillie dit « larmier » (2) et deux lucarnes d’envol. Trois baies étroites ouvrent au sud, une autre donne du côté ouest.

Ce bâtiment à étages ne manque pas d’interroger. Pas d’attribut lié à la maison de maître mais des linteaux de pierre et de la peinture à la chaux. La finition de l’appareil est plus élaborée que celle de la cabane. Ce fut assurément un lieu de vie permanent.

La taille surprenante de la maison lui vaut une légende. Elle a la réputation d’être une « tour lumière ». D’aucun le raconte. Il n’y a pourtant pas indice d’architecture particulière. Pas de maçonnerie vraiment remarquable. Si tour, il y eut un jour, elle fut bien rudimentaire.

Tout porte à le croire, ce type de bâtisses fait écho à un contexte. Fin XIXe siècle, la pression démographique est telle qu’elle force les brassiers, les métayers, les vignerons les moins fortunés à bâtir sur places à partir de cabanes au milieu des vignes. On améliore alors les structures qui se transforment en véritables maisons d’habitation, non pas sans un certain confort.

À long terme, leur disparition paraît inéluctable. De ces terrasses, de ce bâti, il ne restera rien. C’est la perte d’un patrimoine paysager dont, étrangement, presque partout dans le Tarn, peu d’élus et d’associations s’émeuvent. L’enjeu est de taille pourtant (3).

Des éléments de mise en scène cultuelle dans la grotte dite du « cheval »

Après bien des recherches, nous parvenons laborieusement à la grotte dite du « cheval” (4où nous constatons quelques éléments intéressants. Elle est à l’état fossile. Au juste, c’est un tunnel perpendiculaire à l’escarpement. Un muret de hauteur très modeste (50 cm) ferme la grotte en partie.

Nous discernons, tour à tour, un relief fort probablement sculpté d’origine indéterminée.

Une portion de rocher littéralement arrachée qui ne laisse guère de traces au sol ? Est-il la conséquence d’un dispositif ancien ?

Enfin et surtout, une lame de roche « en cheval d’arçon », polie voir lustrée par les mains ou plus probablement de véritables chevauchements. Nous l’appelons « la dorsale ». Elle est tellement lisse qu’elle reflète la lumière.

Par ailleurs, de très fins rainurages parallèles et verticaux tapissent par centaines les bords dudit cheval de pierre. Griffures, rainurages, auxquels on ne peut donner aucune explication. Ils piquent la curiosité. Des animaux ? Peut-être. Lesquels ?  C’est comme si on avait « peigné » la roche. On les retrouve ailleurs sur les parois mais en moins grand nombre au beau milieu des pollutions graphiques modernes.

La grotte n’a pas subi de pillage évident au sol et, pour sa plus grande chance, elle est actuellement difficile à trouver.

Notre-Dame de Roussergues en question

Repas paisible au soleil devant l’église de Notre-Dame de Roussergues. Nous la visitons. Depuis peu, elle est ouverte au public. Plan en croix latine avec transept, portail à voussures plein cintre, moulures à billettes, elle semble avoir subi au moins deux grandes étapes de constructions. N’était-ce pas, à l’origine, une grange. Il y a toutes les raisons de penser que la rumeur qui veut que catholiques et protestants y célébraient la messe simultanément en des endroits séparés soient saugrenue. En tout cas, il y fort à dire sur l’édifice qui mériterait à lui seul un long développement.

Nulle part en vue les fameux sarcophages  qui auraient  parsemés le champ du vallon en bas mais une tombe avec un menhir crevassé pour stèle qui personnellement m’étonne beaucoup. Cette pierre levée se trouve à l’est du cimetière actuel – dont la topographie est d’ailleurs très tourmentée(5).

La montagne comme refuge idéal

Les ermites sont de grandes figures du christianisme occidental et ce jusqu’à aujourd’hui (6).

Marginaux, difficiles à contrôler, leurs biographies respectives se couvrent de légendes. Il en va d’Antoine le Grand comme d’Abélard ou encore ceux, plus tardifs, du Mont Valérien. Très tôt, on leur assignat la montagne comme lieu d’accueil privilégié. La montagne considéré comme « Désert » (7qui, au Moyen Âge, et encore à l’époque moderne, signifie bien moins l’aridité climatique que la nature sauvage et rebutante, la nature peuplée de loups et d’ours.

La plupart, répondaient à l’appel de la solitude pour accomplir une vie spirituelle. Ils se nommaient « anachorètes », autrement dit ceux qui se retirent. Prière, méditation, travail étaient leur lot quotidien. Ils tentaient, tant bien que mal, de vivre de leur propre moyen. Parfois, il leur arrivait de quitter le refuge pour mendier et se déplacer. Ils devenaient alors un temps des « gyrovagues ».

À la fois tout autre, à la fois très proche, était Alain Carcenac, retrouvé mort dans la grotte des « Battuts » le 11 janvier 2014. Il avait 68 ans. Nous ne reviendrons pas sur sa biographie maintes fois détaillée (8mais toujours opaque quant à définir le personnage sensible. Quelle est la part de la force des choses ? Quelles est la part de ses convictions dans ce destin hors du commun ?

Ce jour-là, ensemble, nous avons observé son quotidien. En effet, fidèle à l’image que le montagne vous rapproche – si ce n’est de Dieu, au moins de la nature – il avait investi le vallon à l’est et surtout les abris et grottes dits des « Battuts » propices à l’isolement et à l’ensoleillement, tout au moins le matin (9).

Sa motivation ne revêtait pas un caractère religieux mais bel et bien d’un choix. Reste à savoir jusqu’à quel point, nous l’avons déjà dit. La-dessus, sa vie livre des indices mais tous ambigus à interpréter. Presque aussi ambigus que ces milliers d’objets du quotidien qui nous parlent comme l’archéologie nous parlerait d’un temps révolu, celui – une fois n’est pas coutume – d’un passé très récent. Pour une fois, pas de formalités administratives. Pour une fois, tout est en place. Quelle aubaine ! il est possible de tracer un portrait, des contours, non pas d’une civilisation, mais d’un individu qui cherche à être un personnage.

Avant que ne disparaissent tous ces artefacts (10), nous voulions revenir sur des indices du quotidien sans aucune prétention scientifique. Peut-être s’agit-il alors d’honorer respectueusement la mémoire de ce qui n’est plu et qui mérite de rester et de repousser un peu la définition classique de  l’archéologie que beaucoup ont tête.

Notes

(1) – Elle multiplie d’ailleurs les risques d’incendie.
(2) – Il s’agit de protéger les volatiles et leurs oeufs des rongeurs. 
(3) – Si je compare avec certains territoires du Sud -Est de la France que nous connaissons très bien.
(4) – Une grotte à proximité, nous a échappé.
(5) – Existence d’un fossé ? 
(6) – L’Église de France en décompte autour de 200. Des femmes comme des hommes.
(7) – Qui est à l’origine du mot « ermite ».
(8) – Voir les articles de La Dépêche du Midi  
(9) – Il s’installa d’abord dans les bois de Vaïssac, puis aux « Battuts » 
(10) –  Et c’est tant mieux.

Merci à Agnès pour les photographie.

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