Drôle de fosse comblée par la végétation
Localisation du monument énigmatique. Carte IGN au 1/25 000

Un bien étrange monument sur un causse à Penne

S’il est une curiosité remarquable, c’est bien celle du « tumulus » du Frau sur la commune de Penne. En résumé, une vaste étendue pierreuse peuplée aujourd’hui de petits chênes rabougris. Avant la guerre, l’espace était plus ouvert et consistait en des pâtures. Il suffit d’observer l’abondance des clôtures au nord est du site pour s’en convaincre.

En 1970, un article de la main de Jean Lautier(1) relate l’existence sur le plateau dominant la rive gauche de l’Aveyron, au-dessus du hameau de Courgnac, d’une structure insolite qu’Henri Bessac avait assimilé une vingtaine d’années auparavant à un tumulus(2).

En limite de clairière, le site en question est guère éloignée du hameau aujourd’hui abandonné des Grangettes.  Il jouxte un ancien chemin de Saint-Antonin à Penne dont l’intense fréquentation avant l’abandon de ces espaces voués à l’élevage ne fait guère de doute. 

État du lieu: hier et aujourd’hui

L’archéologue Jean Lautier dessina pour l’occasion le monticule et le décrivit ainsi: « un tertre à peu près circulaire de 18 m de diamètre et haut en son milieu de1,40 m. Assis sur un terrain calcaire en pente douce dans le sens NO-SE, il paraissait après défrichement plus elliptique par le fait d’un allongement de son talus artificiel côté ouest. Son périmètre de 57 m fut difficile à évaluer tant ses pentes se fondaient avec le modelé local du terrain boisé des alentours. »

Sur ce, un sondage permis aux archéologues de distinguer plusieurs couches. Sous la terre végétale noire où poussaient des abrisseaux, ils relevèrent une accumulation d’éléments rocheux. D’abord de petites plaquettes calcaires mises à plat, puis des blocs informes et inégaux de belle taille.

À cette occasion, on découvrit, enfoui, un fragment de petite serpe aujourd’hui disparu. Par ailleurs, dans les blocs gisait le squelette d’un petit bovidé.

Au cœur de ce dispositif en élévation, l’équipe de Jean Lautier repéra une fosse circulaire remplie de cendres sur plusieurs mètres. Un cendre grise et noire déposée en plusieurs couches.

La fosse profitant d’un creux de la roche(doline peut être) était ceinturée d’un muret de pierres sèches permettant une circulation commode. Enfin, des marches conduisait à l’est jusqu’au dispositif.

En bas, des blocs calcaires avaient subi une chauffe et portaient des traces de vitrification.

On ne remarqua pas de sole, pas d’os, pas de charbon seulement de 16 m3 de cendre végétale qui fut soigneusement tamisée.

En 2018, le monument est encore parfaitement identifiable.

Il est visible sous la forme d’un cratère. Le cône ayant été évidé lors de la fouille de 1967.

Une raison d’être bien mystérieuse

Plusieurs explications sont possibles mais aucune ne remportent une adhésion unanime à cette heure et déjà à l’époque de Jean Lautier.

L’hypothèse d’un tumulus ou d’un dolmen semble à écarter. Rien ne correspond à un indice de structure funéraire. Rien n’indique non plus une fonction religieuse quelconque à haute époque. C’est manifeste.

L’idée d’un four semble bien sûr la plus probable. Cependant, l’absence de chambre de chauffe, de sole ou d’alendier, même à l’état dégradé, ne permet pas de rapprocher la structure de quelque chose de connu dans notre région(3).

Est-ce le résultat d’une volonté de conserver de la viande ou des denrées agricoles?

Les cendres de bois amassée permettaient-elles de fabriquer de la potasse si utile à beaucoup d’industries au XIXe siècle, voir avant ? (4)Trouver des éléments probants pour valider cette hypothèse est compliqué tant manquent les références en la matière.

Quel qu’il en soit, un plan de la structure peut encore être levé et des recherches menées aux alentours pour désépaissir ce mystère.

Notes 

(1)Jean Lautier, Un monument énigmatique du Frau de Penne, Revue du Tarn, 1970, N°57
(2)La présence de mégalithes et notamment de dolmens est avérée sur ce causse. Ainsi le dolmen  du Suquet au sud ou encore celui de Martres que nous avons pu admirer en chemin. Ne parlons même pas des nombreux exemples sur la rive droite éclairés par Bernard Pajot.
(3)Par ailleurs, le site semble éloigné de toutes autres installations artisanales. Mais cela reste à prouver.
(4)Les drapiers de Montauban, entre autres. Cette cendre servait par exemple à la fabrication du savon.

Dessin de Jean Lautier vue du dessus et vue en coupe.
Photo du « cratère » actuel. Sur les côtés, des murettes circulaires cernent la structure. Un espace de circulation est probable autour du foyer. L’emprise de la végétation est visible.
Un escalier à degré droit de plusieurs marches, ici recouvertes de feuilles et dégradées, permet d’accéder à la fosse. Est-ce une ouverture vers la zone de chauffe?

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