Ce que peuvent dire les inscriptions qui constellent de la grotte de Mayrière supérieure (Tarn-et-Garonne)

Textes : Christophe Mendygral – Prises de vues : Franck Tayac 2023

Le saviez-vous?

La grotte de Mayrière présente des peintures rupestres préhistoriques.

Contrairement à une rumeur entretenue par Wikipédia, les « bisons » de Mayrières sont encore bien visibles. Ils n’ont pas été effacés. Certes, ils ont subi les affres du temps mais les animaux sont reconnaissables. Ils sont protégés par une structure en inox tout à fait adaptée à la situation.

On peut aussi choisir de les admirer hors contexte. Une reproduction exposée au château de Bruniquel depuis 1996 est conçue à cet effet.

Paréidolies ? À vous de voir…

De part leur extrême discrétion, dès leur découverte à l’été 1952 par André Jarlan, les animaux tracés au noir de manganèse furent l’objet d’interprétations différentielles et de débats sans fin.

Y-a-t-il un bouquetin? comme le suggère un croquis dans le quotidien “Sud-Ouest” en 1952 ? Y-aurait-il plusieurs bisons ? comme l’écrivent les époux Dams en 1978 dans le Bulletin de la Société royale belge d’anthropologie Préhistorique.

Des querelles défièrent la chronique à propos de l’existence de traces ocres sur les parois. La main rouge. Là, un petit malin a plaqué sa main. Nulle trace de cette “œuvre” très visible dans les relevés des années soixante-dix. Il faut s’y faire: ce genre de grotte stimule les faussaires.

Car nous l’avons constaté à maintes reprises: l’esprit stimulé par la pénombre et l’ambiance si particulière du milieu cavernicole produit des formes, des couleurs parfois, dont il est impossible de mesurer le degré de réalité. C’est la paréidolie. Et personne n’est à l’abri. Chaque visiteur assidu détecte son lot de courbes féminines, de visages troubles, de poissons, de grands mammifères dans des postures plus ou moins farfelues.

Les graffitis pour aider à mieux comprendre

Au-delà, beaucoup moins prisés du public, honnis des chercheurs, se livrent aussi toute une série de graffitis gravés ou dessinés dont la valeur n’est pas négligeable pour différentes raisons. Pour une fois, parlons-en car ils constellent littéralement la grotte.

À la lueur des connaissances, cette pratique d’inscrire un nom, une date dans une grotte est exceptionnelle au XVe, très rare au XVIe, rare au XVIIe, courantes au XVIIIe, envahissantes au XIXe et XXe. Les reconnaître, les dater n’est pas simple mais tout à fait possible. Au fur et à mesure que le corpus de signatures s’étoffe, les connaissances s’aiguisent. Il devient difficile pour un paléographe ou un habitué d’être trompé.

La phase de fréquentation

La question se pose en ces termes: quand exactement a débuté la phase de fréquentation de cette cavité ? Il est à peu près certain qu’un éboulis a recouvert la grotte sur un temps long à la fin du Pléistocène.

Le plus ancien graffiti retrouvés sous forme de signatures remontent à 1903.

Autrement dit, cette ouverture n’est probablement pas antérieure au tout début du XXe siècle. Tout au moins jusqu’à ce que l’on nous prouve le contraire. La constitution d’un relevé général et systématique des gravures et dessins aiderait grandement à résoudre cette question.

Par ailleurs, la période de juin 1940, moment où l’histoire s’emballe, semble avoir inspiré quelques inscriptions remarquables.

Identités et confessions des graffiteurs

A première vue, peu de personnalités célèbres semblent avoir fréquenté la grotte de Mayrière. Gérard Caulon, Jaubard … Pourra-t-on un jour identifier ces visiteurs? Sont-ils des enfants du pays? Sont-ils des gens de passage?

. Un graffiteur confie à l’obscurité ses angoisses sous un forme de pulsion, de cri du cœur: PRIVÉ D’AMOUR, tandis qu’un autre exprime ses fantasmes de façon plastique.

. La signature du spéléologue montre une tradition bien ancrée aujourd’hui révolue. C’est au fond de la grotte qu’il trouve le coin le plus propice pour s’exprimer, si possible dans des endroits d’accès difficile. Dans le noir d’acétylène, le spéléologue, la spéléologue marque ainsi un passage, un exploit.

Comme si cela ne suffisait pas, les animaux eux aussi ont participé. Des “griffades” par milliers tapissent les parois. Chauves-souris, renards, blaireaux, ours, à des époques variées, marquent durablement leur présence. Ces griffades furent même l’objet d’un colloque à l’automne 2002 à Roucadour dans le Lot.

Résumé

Haïs de la plupart des chercheurs qui les considèrent comme des souillures de l’époque moderne, la forme la plus récente du vandalisme, les graffitis sont l’objet de campagnes d’effacement. Pourtant, ils sont pourtant riches d’enseignement. Encore faut-il y faire attention.

Article de référence:

Jean Clottes, Robert Guicharnaud, Les Bisons de la grotte de Mayrière supérieure(Tarn-et -Garonne), Gallia préhistoire, Tome 20, p. 293 à 299, 1977

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