Milhars (limite avec Le Riols) : site de roches à cupules de “Caudecoste” et parcelle des “Claouses”
L’avenir des cupules comme objet d’étude
La sortie en 2012 d’un Guide archéologique du Tarn consacré aux cupules et rochers gravés des vallées du Viaur et du Tarn fut une étape importante de la recherche sur notre territoire. Louis Falgayrac et Henri Prat ont été durant des années les artisans infatigables d’une collecte remarquable. Gageons que la venue de Philippe Hameau1sera stimulante en la matière. Désormais, il faut ouvrir notre curiosité à d’autres territoires pour pouvoir établir des comparaisons. Parallèlement – et ce n’est pas contradictoire – s’attacher à un site bien spécifique et le décrire encore plus précisément2est important. Par ailleurs, il faut « médiatiser » – autant que faire se peut – nos découvertes par le biais de conférences. Enfin, il faut aussi poursuivre le travail de collecte comme ce fut le cas ce jour-là à Milhars.
En route
La route de crête D34 nous conduit à Sommard. Nous nous accordons à penser qu’elle est un axe est-ouest majeur du Ségala. Une voie de passage adoptée à une époque forte ancienne, déjà. Du ruisseau de Portoux vers Lacapelle-Ségalar jusqu’à Sommard qui domine le Cérou et l’Aveyron, les sites préhistoriques, de part et d’autres de la route, sont nombreux. Ils ont déjà fait l’objet de reconnaissances.
Sous la conduite de Louis, nous nous rendons au lieu-dit “Caudecoste” sous le mamelon de Moncrabous. Nous y voilà. Il a repéré des cupules au bord de la falaise qui donne sur l’Aveyron. À peine arrivés sur les lieux nous constatons leur présence.
Cupules, marques des hommes
Il est préférable de définir brièvement ce que sont ces fameuses cupules. Cupule dérive du latin cupula qui veut dire « petite coupe ». Ce sont des cavités hémisphériques creusées de main d’homme dans des rochers affleurants ou sur des mégalithes. Elles ont des tailles et des profondeurs variées mais ne dépassent pas les 10 centimètres de diamètre1. Certaines sont reliées par des rigoles. Dans le Tarn, une majorité des découvertes sont faites sur les roches métamorphiques ou plutoniques. Très peu sur des roches sédimentaires comme le calcaire dont l’érosion plus rapide a tendance à effacer les traces.
Et justement, nous sommes ici en plein terrain calcaire. Il remonte au Lias, une période du Jurassique. Les roches sur lesquelles nous marchons n’ont pas tout à fait 200 millions d’années2.
Plantons le décor
Songez. L’eau de l’océan proto-atlantique engloutit progressivement tout l’ouest de notre région dit du Bassin aquitain. Nous sommes ici en eau peu profonde. Il va de soi : pas de vallée de l’Aveyron, pas de falaise, juste un continent, au loin, à l’ouest. La Grésigne, au nord, fait comme une presqu’île3.
Dès lors, une longue, longue phase de dépôts commence. Elle va durer jusqu’au début du Tertiaire, presque 150 millions d’années. La texture et l’épaisseur des dépôts varient en fonction de la profondeur marine qui fluctue. Notre Sinémurien ne dure que … 7 millions d’années.
À la surface des terres, il y a les dinosaures. Ils voisinent avec les tous premiers mammifères. Assez petits aux dires des spécialistes. D’hominidés bien sûr, il n’y a pas.
Ces calcaires, hérités du Sinémuriens, constituent le socle sur lequel sont visibles les cupules. Ils sont mis à nu par l’érosion à proximité de la falaise.
Un vrai nid de cupules, rarissime en milieu calcaire
Ensemble, nous développons un zèle scrupuleux à nettoyer et balayer les dalles calcaires. La roche est dépouillée de ses buissons les plus gênants. Le lieu semble tout ce qu’il y a de plus propice. En contre-bas : l’Aveyron ; la vue est magnifique. Une sorte de balcon. Un chemin passe par le site qui va longer le haut de la falaise. Bref, l’endroit idéal pour les cupules.
Des cupules nous en trouvons. Pas deux, pas trois, mais bel et bien une cinquantaine.
Elles foisonnent littéralement. Plus qu’à Font Frèche. Plus qu’à Paragal. L’enthousiasme est à son comble. Nous envisageons un relevé dans un futur proche.
Elles sont à la ressemblance des cupules relevées ailleurs. Les plus visibles mesurent de 7 ou 8 cm de diamètre pour 3 cm de profondeur. Certaines sont moins évidentes, 2 cm pour 0,5 cm de profondeur. Elles sont plus ou moins circulaires et aucun ordre apparent ne les relie. Il n’y a pas d’alignement, ni d’autres signes que des cupules. Il n’y a pas de rigoles mais des diaclases plus ou moins remplies de terre végétale.
Extravagances et cartésianisme
Comme toujours les théories vont bon train4mais les sceptiques menés par Sylvain et Nicolas n’ont pas dit leur derniers mots. Déliter, arracher une plaque en place du calcaire pour voir si ces cavités sont véritablement d’origine anthropique (humaine) est décidé. Elle sera déterminante.
C’est l’affaire de quelques minutes. Nous délitons à partir d’une fissure une partie supérieure du rocher pour découvrir… une cavité de taille et de proportion typique. Devant la qualité de la forme, Louis reconnaît sa méprise. Indiscutablement, ces cupules-là remontent à un âge où l’homme n’existait encore sous aucune forme.
Sans équivoque, ces cupules ou plutôt ces «pseudo-cupules» sont le produit d’un phénomène géologique dont les tenants et les aboutissants nous dépassent. Des figures de sédimentation ? Des fossiles type oursin ou oolithes ? Des dissolutions de partie tendre ? L’action du gel ?
Entendons-nous bien, ce constat ne remet nullement en question les autres découvertes de cupules. Nous apprenons à être méfiants. Ce n’est pas plus mal.
Nous explorons ensuite la parcelle des “Claouses” qui a déjà livré des bifaces. Sans résultat. Je remarque une nouvelle fois la présence de silex blanc que je n’explique pas géologiquement.
Notes
1 – Ce sera les vendredi 20 et samedi 21 mars. Philippe Hameau est un anthropologue et archéologue spécialiste des gravures et peintures du Néolithique final. Il connaît bien les cupules de Provence pour les avoir répertoriées.
2 – C’est le cas avec l’article de Henri Prat et Bernard Alet sur La Grésigne et ses pétroglyphes qui se concentre sur un territoire restreint (AT, 16). C’est le cas également avec le rocher à cupule de “La Gaugne” à Saint-Antonin-de-Lacalm (AT15) suite au travail de Michel Payrarstre, Henri Prat et Christian Servelle.
1 – Elles deviennent alors plutôt des bassins.
2 – Ce sont des calcaires du Sinémurien bien plus anciens que ceux de Cordes ou d’Albi. Ils sont lithographiques en « plaques » couchée de couleur plutôt grise avec des intercalations de marnes. La couche géologique du Sinémurien mesure entre 50 m et 100 m d’épaisseur. Elle est bien visible au niveau des abris-sous-roche déjà visités par nos soins. Les bancs sont massifs bien réglés presque toujours de même d’épaisseur.
3 – Une barrière de récifs.
4 – Car c’est le propre des cupules d’être mystérieuses. Sont-elles fonctionnelles, décoratives, votives ? Que sais-je encore ?