Texte: Bernard Alet / Photos: Bernard Bouffier et Rosy Mascaras
Le but de cette sortie (20/05/2023) était d’explorer les grottes meulières artificielles ou carrières souterraines d’Amarens en complémentarité avec la sortie du 29 avril consacrée au silex de Marines. On a vu également le nouveau musée archéologique de Vindrac avec les fameux sarcophages mérovingiens et l’exceptionnelle croix pivotante du XVe siècle des Fargues.
Des « grottes » carrières souterraines
Seules, 2 « grottes » sur 5 peuvent être visitées : la plus grande, celle de Clairac, et la plus petite, celle de Bégoutte 2. La grande carrière souterraine de Bégoutte 1, privée, ne se visite pas. Celle des Combals s’est effondrée à la fin du XVIIe siècle ou au début du XVIIIe siècle, emmurant vivants hommes et bœufs d’attelage !!! Quant à celle de Crozecombe (commune de Vindrac), elle aurait été volontairement dynamitée par son propriétaire.
Ces « grottes » sont donc des carrières souterraines entièrement artificielles d’où étaient taillées et extraites des meules de moulins. Il y avait aussi des carrières à ciel ouvert, dont on a pu observer les alvéoles d’extraction de meules. Ces carrières s’ouvrent dans la couche de calcaire lacustre du Cordais, appelée Stampien par les géologues, à une altitude constante de 250 m.
La grande grotte meulière de Clairac
Nous avons visité la plus grande grotte meulière, celle de Clairac : 60 m de large X 60 m de profondeur X 12 m de hauteur (L. MALET, 1987). C’est aussi une des plus spectaculaires en France et peut-être même en Europe. Cette grotte a déjà fait l’objet d’une visite du CAPA le 20/04/2016 avec un compte-rendu rédigé par Christophe Mendygral et publié le 7/05/2016 sur le site du CAPA. Je renvoie donc à ce compte-rendu circonstancié (voir site internet du CAPA), ainsi qu’à l’intéressante publication de Louis MALET (1987).
De l’immense plate-forme de déblais, stériles et autres déchets de taille, appelée carreau ou halde, en avant de la grotte de Clairac, on a pu observer en face, de l’autre côté de la vallée et exactement à la même altitude (250 m), l’emplacement supposé de la grotte tragique qui s’est effondrée accidentellement il y a 300 ou 350 ans avec une vaste plate-forme blanchâtre de déblais et stériles, permettant de localiser approximativement cette funeste grotte meulière.
La grande grotte meulière de Clairac appartenait déjà aux Comtes de Toulouse au XIIIe siècle (archives sur les possessions des Comtes de Toulouse en 1260) puis plus tard aux seigneurs de Clérac (ou Clairac). Un des nombreux débats de ce jour était de savoir combien de meules ont pu être extraites de ces carrières non seulement souterraines (5 actuellement connues) mais aussi à ciel ouvert, creusées un peu partout dans la couche de calcaire Stampien : des milliers de meules ? des dizaines de milliers ? près de 40000 comme l’affirment certaines sources (entre autres L. MALET, 1987) ?… Ce qui est certain, c’est que l’exploitation de ces carrières a brutalement cessé dans les années 1840, remplacées par les carrières de meules en silex de Marines (à la limite des communes d’Alos, Vieux, Le Verdier), de meilleure qualité, puis par les meules « Bordelaises » du Périgord.
La grotte meulière de Bégoutte, véritable « chapelle Sixtine » des meulières européennes
Le « clou » de la sortie fut la visite de la toute petite grotte meulière de Bégoutte 2, que j’ai redécouverte récemment, véritable petite « chapelle Sixtine » des meulières européennes, avec sa meule perchée, presque entièrement dégagée de la paroi (voir photos) et abandonnée pour des raisons inconnues : défauts de qualité de la meule ? meule ratée au dernier instant ? raison sociale et/ou économique ?… Quoiqu’il en soit, ces vestiges sont émouvants d’autant plus qu’a été retrouvée en 1987 la moitié d’une autre meule dans les déblais et stériles en avant de la grotte (voir photo).
Les sarcophages mérovingiens de Vindrac et la croix des Fargues
Cette sortie sur les grottes meulières a été précédée par la visite des sarcophages mérovingiens (VIe – VIIe siècles) de Vindrac, avec leurs cuves typiques trapézoïdales en grès et leurs couvercles en faîtière. La nécropole de Vindrac, fouillée par l’abbé Marius Bessou dans les années 1980, renfermait plus de 120 sarcophages de la période mérovingienne. Certains sarcophages, parmi les plus beaux, « décorent » le pignon du nouveau musée archéologique de Vindrac qui renferme aussi la croix originale des Fargues dont nous avons ensuite vu la copie sur place aux Fargues : croix du XVe siècle exceptionnelle par ses sculptures et par le fait qu’elle soit pivotante pour éloigner les risques d’orages et protéger ainsi les cultures. Classée Monument Historique en 1905, le fût est fixé sur une meule faisant office de socle.
Références :
- Louis MALET (1987) Les carrières meulières souterraines d’Amarens et de Carlus, Bulletin de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres du Tarn, n°40, pp. 363-380
- Alain BELMONT (2006) La pierre à pain : les carrières de meules de moulins en France du Moyen-Age à la révolution industrielle, 2 tomes, Presses Universitaires de Grenoble, 240 p. et 332 p.
- Jean-Pierre AZEMA (2006) Prospection et inventaire des meulières souterraines du Tarn et de l’Aveyron, Actes du colloque de Grenoble des 22 au 26 septembre 2005 sur Recherche, protection et valorisation d’un patrimoine proto-industriel européen
- Remarquable site internet : meulieres.eu (Atlas des meulières de France et d’Europe)
- Voir aussi : « Un patrimoine en péril: les meulières souterraines d’Amarens »