Saint-Marcel-Campes (secteur Saint-Marcel) : église de Saint-Martial-de-Cérat

Ce jour-là, avec Marc, nous nous sommes rendus à l’église de Saint-Martial-de-Cérat au nord du hameau de “Pointe-à-Pitre”(1) sur la rive droite du Cérou. L’édifice est au bas du “Puech Blanc” visité tout dernièrement. Il surplombe la route principale vers Cordes. Saint-Martial constituait une paroisse au MoyenÂge. Le hameau actuel a été rattaché à la commune de Saint-Marcel en 1791. Et l’ensemble est réuni avec Campes depuis 1972.

Localisation de l’église de Saint-Martial non loin du Puech Blanc

Une église toute en simplicité

Suite à la visite du site de “Puech Blanc”, nous voulions avoir l’avis d’un spécialiste sur les lieux mêmes et profiter de sa présence pour mieux observer la petite église à des fins de comparaison avec des établissements que nous connaissons mieux. Tant il est vrai que regarder permet de comprendre.

À notre arrivée, nous fûmes accueillis par Mr et Mme Legrand qui habitent au « domaine » dit de “Saint-Martia”, un peu au nord de l’église. Ils détiennent la clef du sanctuaire et l’entretiennent tant bien que mal(2). En familière des lieux, MmeLegrand nous montre la crèche en cours de finition.

En blocs de grès, le bâtiment de 17 x 8 m, tout en simplicité, est normalement orienté. Il est constitué d’une nef unique, sans chapelle latérale avec une abside. Les remaniements successifs(3) et le crépi cachent les formes primitives. La partie sud de l’abside est éclairée d’une baie assez facile à dater pour Marc. L’arc de la petite fenêtre, à l’extérieur, est non appareillé au dessus des jambages. On s’est contenté de tailler un bloc dans la forme d’un cintre. Cette pratique est typique du XIe siècle roman.

Figure d’un linteau monolithique à claveaux simulés pour exemple

Les grandes étapes de la construction du bâtiment sont repérables, les détails beaucoup moins. On peut dater de la période romane la première élévation à partir de l’abside. L’entrée initiale de l’église se faisait du côté sud, côté cimetière, appelée aussi  de façon générale “la porte des morts” avant d’être condamnée à une époque indéterminée. Peut-être au début du XVIIIe comme à Saint-Sernin, mais plus probablement au XIXsiècle comme semble le montrer un vieux tableau. Ceci pour permettre un agrandissement du bâtiment avec l’élévation d’un clocher-mur à trois baies pour recevoir les cloches. Dessous, un portail s’ouvre avec une porte en arc brisé. Sur le fronton deux dates sont gravées dans la pierre : 1728 et 1859. Deux années probables de réfection.

Pas de génoises à plusieurs rangs comme à Lombers. Peu de fioritures. Un crépi couvre le plus souvent les parois extérieures.

À l’intérieur un bénitier en forme de coquillage présente un support pilier bien particulier plutôt « renaissant ». D’où provient-il ? Appartient-il à une autre ensemble ? Cela n’est pas impossible.

Une statue de saint Martial dont des reliques – aujourd’hui disparues – pour l’anecdote, guérissaient les croûtes purulentes des enfants.

Enfin, Mr Legrand nous informe qu’une litre(4)funéraire était visible sur la paroi intérieure avant la restauration.

Les lavabos du prêtre

Plus remarquable, une double piscine liturgique a été aménagée dans l’épaisseur du mur sud de l’abside avec des cuves à écoulement. Le terme de « lavabos » n’est pas usurpé pour définir le dispositif. À l’origine, il s’agissait pour le prêtre de se laver les mains puis de laver les offrandes des paroissiens(5), le plus souvent des produits issus de la terre, dans un but de purification à l’époque où la quête n’existait pas encore. L’eau était versée depuis un récipient (une burette à eau, en général) par les desservants ou les enfants de chœur sur le mains du prêtre. Cette piscine est forcément antérieure au XIIIe siècle, période où la pratique des dons en nature a définitivement disparu. Nous n’avons pas pris de photo hélas.

Un cimetière médiéval et un sacré remue-ménage

Le cimetière, contigu à l’église, au sud, a révélé en 1969 des tombes anciennes au nombre de trois(6).

Un sondage de Francis Meunier du Centre de Recherche archéologique de Cordes a permis de conserver une trace de la découverte mais le compte-rendu de fouille n’est pas épais. Loin s’en faut.

Les deux premières tombes appartiennent à une couche très peu profonde : environ 0,30 m en moyenne(7)Ce sont des sarcophages monolithiques à butées peu abimés mais sans couvercle disposés ouest/est bien alignés.

L’un de ces sarcophages, proche de l’église, accueillait encore un squelette de 1,20 m de long. Bras étendus le long du corps. Des dents non encore sorties. Francis Meunier pense qu’il s’agit d’un enfant qui profiterait là d’une place de choix dans le cimetière.

La dernière sépulture fut découverte, peu après, sous le premier sarcophage à 0,80 m de profondeur. Elle était à moitié recouverte par un couvercle cassé. Elle est dissemblable des premiers. Il ne s’agit pas d’un sarcophage mais d’une tombe à lauzes à l’image de celles du “Puech Blanc”. Une partie du squelette encore en place(9) était en décubitus dorsal disposé ouest-est,avec l’avant bras droit replié sur l’épaule ce qui est assez rare et représente une position tardive dans le rituel d’inhumation (bien après le XIVesiècle). Avec les ossements, le chercheur trouva quelques fragments de céramique, une sorte de vase lissé à pâte claire, une pièce de monnaie de l’époque moderne (liard de cuivre de Louis XIV) également. Peu d’indice ont été livrés à l’occasion des fouilles. Impossible d’émettre même des hypothèse avec si peu et si bouleversé. Ces sarcophages ont souvent eu plusieurs réutilisations. Ils renvoient à une histoire compliquée et ce jusqu’au XIXesiècle.

Merci à monsieur et madame Legrand pour leur accueil.

Découvertes de Francis Meunier dans le cimetière de Saint-Martial. Planche tirée de Travaux et Recherches, N°7, 1970

Notes

1) – Cela ne s’invente pas : Pointe-à-Pitre… Le toponyme n’existe pas sur le cadastre napoléonien. En 1843, la Guadeloupe est dévastée par un terrible tremblement de terre. Serait-ce une commémoration, un hommage quelconque ou est-ce beaucoup plus simple ? Nous allons nous renseigner.

(2) – Annexe de la paroisse de Campes, l’église en question ne fait l’objet pour l’instant d’aucune protection particulière par les Monuments de France. La première mention du bâtiment remonte à 1253. Les terres et l’église sont donné par Adhémar de Salles à l’évêque d’Albi.

(3) – …Et même des plus récents. L’abside s’étant effondrée; elle a été reconstruite voilà quelques années. Même opération pour le maitre autel et le mur de la sacristie. Ce sont l’œuvre de l’Association pour le Patrimoine de Saint-Marcel-Campes.

(4) – Bande noire, plus ou moins large, peinte à l’intérieure de l’église pour honorer un défunt, généralement d’une grande famille liée à la paroisse, le plus souvent associée avec le blason ou les armes s’il s’agit d’un noble.

(5) – On parle « d’offertoire » jusqu’au IXe siècle. C’est simple. Avant la communion, les fidèles donnaient aux prêtres des biens matériels tels des animaux, des légumes. Les paroissiens donnaient aussi la pain, le vin à consacrer, des cierges et de l’argent. La pratique, plus simple, de la « quête » remplace l’offertoire au Moyen Âge. Ce genre de « redécouverte » mérite protection car ces piscines sont assez rares dans le Tarn.

(6) – Les sarcophages sont à présents dans les réserves du musée Charles Portal à Cordes-sur-Ciel.

(7) – Elie Rossignol avait déjà mentionné la découverte de deux sarcophages en 1865. Sont-ce les mêmes enterrés de nouveau au dessus de tombes plus récentes comme le pense Francis Meunier.

C’est peu probable étant donné la grande fragilité des sarcophages.

(8) Une partie du squelette a été arrachée suite à la construction d’un caveau apparemment.

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