Secteurs: Est de la Grésigne / Larroque
L’extérieur
Extrait du cadastre napoléonien de 1816
La petite église ne paie pas de mine. Elle est modeste dans ses dimensions et dans son mobilier. Elle était avant 1790, l’église paroissiale de la communauté de Rouyre plus à l’est. La commune qui a pris le nom de l’église regroupe trois ensembles assez dispersés déjà à la Révolution: Lamotte-Panenque, le mas de Bausac et Rouyre.
Perchée en bordure de faille, elle est à une limite géologique entre les calcaires du Jurassique et les grès permiens de l’ensemble forestier. Aussi, elle profite d’un panorama des plus exceptionnel. Le lieu ne peut pas ne pas avoir été convoité dés les âges les plus reculés. Il est dit qu’on a trouvé des silex autour de l’église.
Par ailleurs, l’édifice domine le Pas des Bondes et constitue un atout majeur pour savoir ce qu’il se passe dans la forêt. Tout au moins dans sa partie sud.
Son plan que je n’ai pas dressé faute du mesureur(oubli fâcheux) est on ne peut plus simple. Il s’inscrit dans un rectangle orienté est/ouest. L’abside est en légère élévation par rapport au corps de bâtiment que constitue la nef. Deux structures de charpente doivent coexister. A l’ouest, le bâtiment s’achève par un clocher-mur sur pignon aux couleurs bien tranchées. Le bâtiment attenant dans la prolongation devait être le presbytère.
Un cimetière occupe et entoure la partie est. Il cerne le choeur et l’abside en bord de pente. On pénètre dans l’église au sud par un porche dont je note l’absence sur le cadastre napoléonien. Il réserve deux surprises. Deux blocs gravés à gauche et à droite. Je lis « fait le 20 mai 1741 si vous ne faites pas penitences vous périres tous ». Le deuxième : « fait le 17 mai 1736 joseph. p ». Ils sont en excellent état de conservation et me rappelle ceux du cimetière de Monestiés.
Un tour rapide de l’édifice par le cimetière montre une litre dont j’ai déjà parlée ultérieurement, celle de la famille de Bayne, seigneur de Rouyre et de Lamothe. Les parements du mur sud sont en moellons allongés équarris. Ils sont en grès local le plus
souvent, plus rarement en calcaire. Leur arrangement est irrégulier et peu visible à cause d’un revêtement qui s’étiole. Les chaînes d’angle sont en belle pierre de taille en revanche.
J’ai du mal à cerner si le revêtement est contemporain de la litre. La réalisation est encore plus grossière pour les contreforts, garnis davantage de moellons en calcaire blanc bajocien. Il y avait une carrière un peu plus bas au sud.
L’intérieur
La nef . Vue vers l’Ouest
A ma connaissance, l’intérieur n’a jamais encore mérité une quelconque description détaillée. Lançons-nous. Le résultat actuel est le fruit de maintes et maintes réfections dont seules les archives, si archives il y a, peuvent préciser la chronologie.
L’intérieur a été refait de fraîche date et je ne peux pas observer si la litre se poursuit dans l’église comme il est fréquent.
Notre bâtiment présente une grande économie de forme et de moyen. La facture est gothique avec des voûtes en arc brisé en tiers-point. Pas de chapelle dans la nef. Pas de bas-coté. Les voûtes reposent, pour la nef tout au moins, sur des colonnes enchassées sans chapiteaux marqués. Deux baies plein-cintre au sud permettraient la mesure de l’épaisseur des murs. Deux chapelles forment le transept. Celle du sud, comporte un autel secondaire. Le choeur de l’église repose sur deux voûtes en croisée d’ogive dont la jonction est marquée par une clé avec un écu. Y est inscrite la date de « 1613 ». Au sud, l’abside ouvre sur une étroite sacristie.
Les rares éléments de mobilier remarquables sont :
– percée dans l’abside, plein est, une fenêtre circulaire avec remplage pour vitraux dotée de quatre mouchettes(dites « vessies de poisson ») typique d’un gothique flamboyant.
– à l’opposé, un bénitier supporté par un pied. La cuve est en faux coquillage assez grossier. Effet rustique assuré.
– deux statues polychromes devant une niche entoure un tableau. Celle de Sainte-Cécile qui normalement devait être au sud a été placée lors de la dernière réfection au nord. Celle de Saint-Clément est au sud. Logiquement, Saint-Clément était côté forêt. Peut-être a-t-on voulu suivre la logique du tableau ? Je n’ai pas observé attentivement les œuvres peintes. Conclusion.
Récemment, Guillaume Gras et Olivier Cabaillé font remonter la création du bâtiment au
XIIIème et XIV ème siècle. Pourquoi pas. Une charte ? Un cartulaire ? Faudrait voir. Elle est sur la carte de Cassini en tout cas. Peut-être madame Routaboul a-t-elle plus amples renseignements? Le fait que l’église soit éloignée des communautés alentours me posent question mais la situation est loin d’être exceptionnelle dans le Tarn. Aucune explication clair ne m’a jamais été donnée sur ce phénomène récurrent et c’est pas faute d’avoir demandé aux connaisseurs. Je ne désespère pas.
Ce gothique « modeste » que l’on retrouve dans des églises de l’Albigeois, à Léjos, Carla ou Montsalvy est le fruit à n’en pas douter de nombreux réaménagements. Y-a-t-il eu une partie romane? L’église de Sainte-Cécile est-elle liée à l’existence disparue d’un autre bâtiment, je pense à un château ?
Nous avons ensuite prospecté sans succès le champs de la Croix basse au sud de l’église sur le plateau. Nous sommes descendus vers la Plaine pour gagner le domaine de Haute Serre où s’effondre peu à peu un immense bâtiment doté d’un jardin, de bassins. Le spectacle est navrant. Les chaînage d’angle ont été arrachés. La bâtisse comporte encore une série de canonnières tout ce qu’il y a d’intéressantes. Leurs emplacements respectifs répondent à une logique qui m’échappe. Ces canonnières occupent plutôt une fonction décorative, semble-t-il.
Intrigant aussi, le pigeonnier qui couronne le haut du bâtiment principal. Il résulte du percement de 8 « boulins » sur une dalle à croix. Elle me semble trop noble pour ces humbles bestioles. Bref, les remplois sont nombreux. La façade sud s’ennoblit d’une belle fenêtre presque carrée à rebord ouvragé.
Nous passons ensuite devant la ferme de Cagnac.
Pas des Bondes et le dolmen détruit de Peyro Loungo
Table
Dolmen de Peyro Loungo
Ce vieux dolmen répertorié par Jean Lautier serait assis sur l’extrémité d’un grand tumulus de trente mètres de long. Il a du être laminé depuis. On notera, au passage, que Sainte-Cécile, la vierge et martyre, s’est collée au « Cayrou » à la pierre. Dès lors, faire le lien avec le
dolmen en contre-bas de l’église est facile.
Actuellement, le mégalithe est complètement noyé dans la végétation et d’accès difficile. Ce ne fût pas vraiment une partie de plaisir que d’y parvenir. Des genêts couverts de ronces gênent la circulation. Et c’est peu de le dire. Sur les lieux, le monument se résume à une table calcaire de 2 mètres posée à plat. Avant, il y passait un chemin. Nous prenons le dolmen en photo. L’abbé Terral y remarqua dans les années trente un coffre avec des fragments de poterie grossière et fine. Une pointe de flèche lancéolée aussi avec des ossements. L’endroit est connu des chasseurs surtout. Nous redescendons au Nord, puis repiquons à l’Est en suivant un affluent du Rô oriental. Bernard évoque l’existence d’une cabane de charbonnier dont j’ai oublié le nom.
Repas au pont Bourguet(Puycelsi / Larroque)
Changement de côté de la forêt. Nous nous rendons sur Puycelsi. Nous prenons notre repas sous un beau soleil au pont Bourguet avant de monter sur le site de Rouquette, non pas sans avoir prospecté le champ de « La Combe » exposé en pente douce au sud. Rien.
Le « cimetière des chevaux » à Rouquette(Puycelsi)
Grotte du Rouzet
Site à outils
Site archéologique
Zone prospectée 1
Ce site est l’un des rares à proximité de la Grésigne et avoir été fouillé. Par André Tavoso d’abord, dès 1980, puis par des membres de l’Université de Provence après sa mort et jusqu’en 2002. Les résultats obtenus sont à la hauteur de la patience et de l’investissement des chercheurs.
Les légendes racontent que le lieu était un ancien cimetière de chevaux morts de la peste. Bernard nous indique que le vin à cause des sols truffés d’os animaux – chargés de phosphate de calcium – était meilleur ici qu’ailleurs. On y collectionnait les prix viticoles sans difficulté.
Ce sont, en effet, des milliers de chevaux qui ont été dépecés sur plusieurs centaines d’années par les Néandertaliens, un véritable charnier. Dents, épiphyses, sabots, os longs toujours éclatés à moitié fossilisés mais dans un état de fraîcheur étonnant. La bonne
conservation de ces restes osseux en milieu calcaire a été la première interrogation des chercheurs. Elle s’explique par des dépôts du haut du plateau qui ont couverts le site jusqu’à une période récente.
Les Néandertaliens
Suite aux résultats d’une enquête de longue haleine en 2010 sur l’ADN nucléaire des Néandertaliens, c’est sûr désormais, les Européens portent la trace génétique de ce lointain ancêtre. Il était une espèce fruste, au front bas, presque attardés, il est devenu notre frère; et ça change tout… Depuis quelques temps, ils mangent ce qu’ils n’ avaient jamais mangés auparavant : des coquillages, du poisson, des oiseaux. On trouve même des traces d’amidon sur ses dents. Lui qui n’en avait que pour le gros gibier. L’archéologie aussi est pleine de présupposés, vous l’aurez compris.
Le gisement de plein-air de Rouquette correspond à un vaste replat en haut d’une prairie à quelques dizaines de mètres de la falaise du plateau de Mespel. Le lieu est un carrefour de plusieurs chemins, guère éloigné du ruisseau de l’Audoulou.
Il y a quelques 60 000 ans au Paléolithique moyen, le climat était plus froid et plus sec. Le grand réchauffement climatique du Tardiglaciaire n’avait pas encore commencé. Les rochers de la falaise sous l’action du gel s’éboulaient. Les Néandertaliens – puisque c’est d’eux dont il faut parler – devaient venir y chasser de grands herbivores comme le cheval, le bison, le renne(plus petit que celui d’aujourd’hui). Les animaux étaient-ils poussés de la falaise comme à Solutrée? Peut-être. On ne parvient pas à cerner la manoeuvre de chasse. La nature du piège si il y a piège. En tout cas, sur un hectare les os abondent et demeurent assez bien conservés. Cela a toujours fasciné les gens du coin. Seuls 50 m2 ont été fouillés et protégés par un grillage bien abîmé à présent. Au milieu des os, du matériel lithique très typique de la fin du Moustérien(grattoir, éclats avec encoches, burins). Sa provenance: l’est dans le pays Cordais et au Verdier.
Cela n’exclut pas – au beau milieu – des découvertes d’âges bien plus récents(Néo) comme plus anciens. Je pense au site vers le bas en allant sur la Vère que nous avons localisé. Cependant, le gros des trouvailles tient sur une période entre 60 000 à 40 000 ans. Ces traces sont celles des derniers Néandertaliens, type culture Quina. Peu de traces de cuisson, de feu. Allaient-ils dans la grotte du Rozet consommer leurs proies ?
La grotte du Rozet(Larroque)
Au flanc, du plateau de Mespel, la grotte dit du « Rouset « ou « Rozet » est nantie d’un beau porche d’entrée exposé plein sud avec vue sur la falaise nord de Puycelsi. Particularité remarquable : un épais mur barre le porche percé d’une porte plein cintre effondrée depuis peu. Apparemment un étage a été aménagé dans la partie supérieure du porche. On remarque la construction de murets de pierres sèches autour du lieu. Un cas de troglodytisme, phénomène somme toute banal. Je ne pense pas à une bergerie, le plan est trop complexe. Ce fut à une époque pas si ancienne un lieu très fréquenté. Des photos détenues par Bernard en témoignent.
La grotte en elle-même est peu profonde (50 m). Son sol est cabossé par des trous de
« fouilles ». On s’est demandé un temps si le site de Rouquette en contre-bas n’était pas le résultat de terres ramenés de l’intérieur de la grotte pour fermenter les champs. Il n’en est rien comme je l’ai dit. Le site de Rouquette était de plein-air.
Si peu de matériel moustérien a été exhumé, Alfred Caravaven-Cachen avait en son temps dégagé de belles pièce qui dorment au musée d’Albi.
Enfin, un sondage de Jean-François Alau en 1961 donne une petite idée de la richesse du lieu. Il creuse sur un bon mètre de profondeur et note des sols profondément remaniés,
brassés. Bilan du Périgordien supérieur avec des burins de Nouaille. De l’Aurignacien et du Solutréen avec des feuilles de laurier. Excusez du peu. Une bonne partie des âges de la Préhistoire est représentée.
Quartz et silex dans la plaine de Ratié(L)
Ici, un site était pressenti par André Tavoso. Du Moustérien de tradition acheuléenne, bien plus ancien donc que la grotte et le site de Rouquette. Louis le confirme en ramassant un galet de quartz taillé sur une face. Il donne un tranchant fort émoussé mais présente une patine caractéristique. Avec ça, nous trouvons un gros nucléus de silex blanc avec des enlèvements irréguliers. Un fossile d’huître aussi en plein champ. Je conserve le tout.
Enfin, nous terminons notre périple en visitant le dolmen de Saint Paul(Sainte-Cécile du Cayrou) dit de la « Pierre Levée ». En calcaire local, au NO du hameau de Saint Paul dans un bosquet, on ne peine pas à le remarquer. Il est composé de 3 montants supportant une lourde table recouvrant une chambre. Marcel Delpech et Gustave Farenc y ont découvert 72 silex. Des fragments de poterie et des ossements. Il serait en passe d’être consolidé suite à une visite de Christian Servelle.
Silex dit en « feuille de laurier » typique du Solutréen(- 22 000 à – 17 000 ans) trouvé par JF. Alau. C’est une prouesse technique. Le silex est affiné par des percussions progressives et bien contrôlées avec un percuteur tendre comme du bois de cerf. Grotte Rozet.
La pierre levée de Sainte- Cécile du Cayrou